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(Supplément) Les dépôts bancaires : un indicateur majeur de la conjoncture politique et économique
Par MELKI Roger, le 27 septembre 1999 à 00h00
L’évolution des dépôts bancaires et surtout leur répartition entre devises et livres libanaises ont constitué un baromètre conjoncturel très fiable. Une grave crise politique ou une dépression économique impliquent immanquablement une hausse relative des dépôts en devises. À l’inverse, toute détente conjoncturelle est accompagnée par des mouvements de conversions inverses. Les banques libanaises n’ont pas encore atteint, au niveau de leurs ressources, le même degré de diversification pratiqué aujourd’hui ailleurs dans le monde. En effet, les banques internationales recourent de plus en plus aux marchés financiers pour des emprunts et les modalités de l’épargne et ses instruments se caractérisent par leur multiplicité, leur diversité et leur souplesse. Les modes de production des ressources et leur répartition constituent des facteurs favorables à la diversification structurelles des engagements bancaires. De ce fait, les dépôts demeurent la ressource principale des banques opérant au Liban. Avec un total de 32 milliards de dollars fin juin 1999, ces dépôts représentent plus de 85% de l’ensemble des engagements du secteur bancaire. Ces dépôts ont augmenté à un rythme annuel moyen supérieur à 25% entre 1992 et 1998. Ce rythme s’est fortement ralenti au cours du premier semestre 1999, et les dépôts n’ont progressé que de 3,5% au cours de cette période. Cette progression ne compenserait même pas les intérêts versés sur ces dépôts et confirmerait un net ralentissement des transferts externes vers le marché libanais, voire même certains mouvements inverses. L’alternance politique de novembre dernier et le départ du Premier ministre Hariri expliquent en partie ce ralentissement. L’incertitude de cette phase a alimenté la conversion des dépôts vers les devises et même certains transferts vers les marchés externes. De ce fait, le taux de dollarisation des dépôts, qui était de 63,5% en décembre 1997, repasse au-dessus de la barre des 65% en décembre 1998 avant de redescendre à 64,3% en juin dernier. La deuxième moitié de l’exercice en cours s’annonce plus détendue. À l’image de l’ensemble de l’économie, les dépôts bancaires restent fortement dollarisés, mais nettement moins que les avances. La dollarisation des dépôts avait atteint les 80% en 1988 pour baisser à 56,5% en 1996, avant de remonter à 64% actuellement. La structure actuelle des dépôts est intimement liée au paradoxe de la dollarisation et au fait que les banques libanaises sont amenées à prêter dans une monnaie qui n’est pas la leur, c’est-à-dire sans aucun filet de sécurité. Tous les pays du monde traitent avec une monnaie qui est la leur ce qui leur assure l’appui de leur Banque centrale. Cette dernière peut émettre de la monnaie et sauver le système bancaire en cas de difficultés. Les banques libanaises ne disposent pas d’un tel recours. Les banques libanaises ont donc des emplois en devises qu’elles doivent pouvoir régulièrement alimenter. Pour ce faire, elles sont obligées de surpayer les dépôts en devises par rapport aux marchés mondiaux. Il n’y a rien à faire sur ce plan, sinon les capitaux repartiront en Suisse, au Luxembourg ou ailleurs, où ils se sentent, probablement , plus en sécurité. De ce fait, la moyenne des taux d’intérêt payée sur les devises étrangères et plus particulièrement sur la devise américaine est nettement supérieure aux taux internationaux. Pour assurer leurs ressources, les banques libanaises n’hésitent pas à s’engager dans une concurrence interne acharnée pour attirer les dépôts. Fin juin dernier, les taux d’intérêt officiels servis sur les dépôts étaient en moyenne de l’ordre de 5,7% pour les dépôts en devises et de 11,9% pour les dépôts en LL. Par rapport aux taux débiteurs moyens, les différentiels étaient de 7,6% pour la livre libanaise et de 3,3% pour les devises. Le Liban n’est pas le seul pays à avoir recours aux pratiques de surpaiement des devises. Les banques turques par exemple sont encore plus généreuses que les banques libanaises et les taux créditeurs pratiqués frôlent la barre des 10%. Paradoxalement, ces pratiques sont à l’origine de la forte baisse de l’inflation en Turquie qui aujourd’hui semble être redescendue sous la barre des 10%, après avoir flirté avec celle des 100% pendant de nombreuses années. Même dans ce domaine, la concurrence sera de plus en plus acharnée. Évolution des dépôts clientèle en millions de US$ 1988 857 3 396 4 253 --- 20,15% 79,85% 1989 1 578 3 289 4 867 14,4% 32,42% 67,58% 1990 1 185 3 322 4 507 -7,4% 26,29% 73,71% 1991 1 991 4 288 6 279 39,3% 31,71% 68,29% 1992 2 024 4 592 6 616 5,4% 30,59% 69,41% 1993 2 773 6 462 9 235 39,6% 30,03% 69,97% 1994 4 763 7 593 12 356 33,8% 38,55% 61,45% 1995 5 635 9 330 14 965 21,1% 37,65% 62,35% 1996 8 602 11 169 19 771 32,1% 43,51% 56,49% 1997 9 267 16 133 25 400 28,5% 36,48% 63,52% 1998 10 771 20 037 30 808 21,3% 34,96% 65,04% Juin-99 11 387 20 507 31 894 3,5% 35,70% 64,30%
L’évolution des dépôts bancaires et surtout leur répartition entre devises et livres libanaises ont constitué un baromètre conjoncturel très fiable. Une grave crise politique ou une dépression économique impliquent immanquablement une hausse relative des dépôts en devises. À l’inverse, toute détente conjoncturelle est accompagnée par des mouvements de conversions inverses. Les banques libanaises n’ont pas encore atteint, au niveau de leurs ressources, le même degré de diversification pratiqué aujourd’hui ailleurs dans le monde. En effet, les banques internationales recourent de plus en plus aux marchés financiers pour des emprunts et les modalités de l’épargne et ses instruments se caractérisent par leur multiplicité, leur diversité et leur souplesse. Les modes de production des ressources et leur...
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