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Actualités - REPORTAGES

(Supplément) Financement des entreprises Indifférence des banquiers ou insuffisance de solvabilité des emprunteurs ?

Malgré la réouverture de la Bourse de Beyrouth et le développement de quelques instruments financiers nouveaux, les banques assurent pratiquement seules la totalité du crédit formel au Liban. Pour ceux qui se plaignent de l’insuffisance du crédit bancaire à l’économie, les banquiers rappellent que les facilités qu’ils accordent au secteur privé dépassent les 85 % du PIB ce qui est considéré comme un taux élevé par rapport aux pays industrialisés. Les entreprises sont-elles donc vraiment gâtées par leurs banquiers ? Plusieurs remarques peuvent être relevées pour nuancer cette affirmation de générosité de la part des banquiers . En premier, on note la marginalisation du crédit formel non-bancaire puisque la quasi totalité du crédit accordé aux entreprises et aux ménages libanais transite par les banques. Les autres formes de crédit formel sont pratiquement inexistantes avec la faiblesse du marché boursier et l’inexistence du crédit spécialisé à court ou, surtout, à long terme. C’est pourquoi la part des avances bancaires est relativement élevée en comparaison avec les autres pays. Même les crédits accordés par le IFC et les crédits bonifiés appuyés par l’État transitent par les banques. En effet, la densité du déploiement du réseau bancaire et le savoir-faire des banquiers dans le domaine de la gestion et de la distribution du crédit permettent aux banques commerciales de jouer un rôle de relais très important, dont il s’agira de bénéficier pour toute politique d’encouragement de crédit. La deuxième remarque à relever, pour relativiser la part des avances bancaires aux secteurs productifs, est liée au fait que dans le total des avances bancaires on ne trouve pas seulement les avances accordées aux entreprises, mais aussi le crédit à la consommation. Les prêts bancaires accordés à ce titre représentent, sous leurs différentes formes, 13 à 15% du total des avances bancaires au secteur privé. De leur côté, les entreprises, en l’absence d’institutions spécialisées dans la distribution du crédit à la consommation, sont forcées d’assurer elles-mêmes le relais financier. De ce fait, une grande partie des avances bancaires qu’elles obtiennent vont au financement des avances clients et non à l’investissement ou aux opérations d’exploitation. À noter aussi, au sujet des crédits spécialisés, qu’il n’existe pas de crédits spécifiques par secteur: agricole, foncier, industriel, touristique… ou même des crédits à l’investissement ou à l’export. La IFC a accordé quelques crédits à long terme à certains secteurs productifs notamment pour l’industrie et pour le logement. Ces crédits ont bien sûr transité par les banques. Ces prêts étaient principalement destinés aux grandes entreprises. De son côté, l’État libanais a soutenu les taux d’intérêt de certains prêts bancaires accordés aux secteurs productifs. Là encore les banques commerciales ont assuré le relais. Faible solvabilité Les professionnels du marché estiment qu’il est faux de dire que les banques libanaises refusent de prêter à leurs clients, et que le contraire serait même le plus juste. En effet, c’est à grands frais que la banque libanaise démarche sa clientèle – pour ne pas dire celle des autres concurrents – pour avancer des fonds. Mais, bien entendu, les banques ont une obligation de prudence et des contraintes de liquidités, que certains interprètent comme refus de service. Plusieurs facteurs expliquent la situation actuelle du marché monétaire libanais et la difficulté des entreprises, notamment les petites et les moyennes d’entre elles, à accéder au crédit bancaire. Certaines sont conjoncturelles d’autres sont structurelles. En premier, on relèvera l’impact de la forte hausse des taux d’intérêt débiteurs imposée par la politique monétaire et difficile à justifier par la rentabilité actuelle des entreprises. On notera aussi le blocage de certaines disponibilités bancaires notamment pour le secteur du bâtiment où les remboursements sont reportés faute de ventes suffisantes. De son côté, la très forte dollarisation des avances bancaires pose le problème du prêt dans une monnaie non contrôlée par la Banque centrale du pays. D’où l’imposition d’un ratio de sécurité interdisant aux banques commerciales de prêter plus de 70% de la masse de leurs dépôts en devises. Cette réserve ne fait qu’alourdir les charges bancaires. Parallèlement à ces contraintes, les banques libanaises doivent tenir compte des frais annexes imposés pour la constitution des garanties réelles et des hypothèques et des difficultés juridiques d’exécuter ces garanties. Sans oublier l’absence de ressources à long terme imposant des formes de «revolving» pas toujours adaptées aux besoins des entreprises. Sur le plan de la gestion, on notera la fragilité des entreprises qui ne présentent pas toujours les garanties réelles nécessaires et qui conservent une gestion très personnalisée et peu transparente. Celles-ci manquent souvent de culture bancaire et oublient que les rapports avec le banquier ne peuvent s’établir que sur des bases rationnelles et claires et dans une optique de long terme. Limites et contraintes du crédit bancaire Qu’ils soient des crédits personnels, de consommation ou d’investissement, les crédits bancaires disponibles actuellement conviennent peu ou pas du tout aux besoins réels des entreprises. En fait, ce ne sont que des produits destinés aux personnes et dont le principe a été élargi aux entreprises. Il s’agit souvent d’un même type de crédit où la banque place entre elle et l’emprunteur final un intermédiaire, souvent le vendeur du bien acheté à crédit et qui en demeure le propriétaire légal jusqu’au dernier versement. Dans les autres cas, les banques imposent un crédit «revolving» à très court terme. Ce report régulier des remboursements est supposé protéger les banques d’engagements à long terme en conformité avec la maturité de leurs dépôts. Mais cette prudence est quelque peu théorique dans la mesure où, en période de crise, la banque est forcée de maintenir ses avances à un agent qui, souvent, est en cessation virtuelle de paiement. Ce dernier est même incapable de payer les intérêts dus et qui viennent gonfler la dette originelle. En période déflationniste, le «revolving» est encore plus dangereux et force la banque à limiter les nouvelles avances et à rééchelonner les cumuls précédents. L’apport en argent frais reste donc très limité. Autre facteur de contrainte: les garanties collatérales exigées par la banque dont la valeur dépasse souvent 100% du montant du crédit. Ces exigences sont d’autant plus grandes qu’il est traditionnellement très difficile de faire exécuter auprès des tribunaux. L’aide aux PME : l’Institut de garantie des crédits La récente création de l’Institut de garantie de crédits aux PME est supposée apporter un grand appui pour le financement des petites entreprises. On estime à quelque 13000 unités économiques le nombre de bénéficiaires de ce schéma dans les 6 années prochaines. Le prêt moyen serait d’un peu plus de 26000 dollars soit un portefeuille total de $340 millions. La moyenne actuelle de charges financières d’un tel crédit garanti par une hypothèque foncière serait égal à plus de 18%. Les interventions de ce fonds devront viser à trouver l’accompagnement nécessaire au crédit, aussi bien auprès des partenaires privés (locaux et étrangers) que d’autres intervenants publics ou organismes internationaux, et ce en assurant en grande partie les garanties que ne peuvent pas apporter les PME à leurs banquiers. Cette garantie est supposée simplifier les procédures de prêts qui restent fastidieuses et coûteuses pour les petits emprunteurs et pour les banques (hypothèques, etc.). Elle est supposée aussi assurer une maturité des prêts suffisamment longue pour permettre un meilleur retour sur investissement et aider à la mise en place de programmes de prise en charge d’une partie des frais financiers jugés très élevés surtout si les crédits sont accordés en livres libanaises. Les apports seront en priorité accordés aux besoins d’investissements, mais peuvent aussi être affectés aux nécessités du fonctionnement. Il ne s’agit donc en aucun cas de se substituer aux organismes de prêts et surtout aux banques commerciales. Bien au contraire, les établissements bancaires serviront de relais pour cette institution. Les espoirs laissés par cet institut seraient quelque peu surdimensionnés dans la mesure où les banques seront tentées d’utiliser ces nouvelles facilités pour garantir les anciennes avances douteuses qu’elles ont accordées. C’est pourquoi, d’ailleurs, les responsables de la nouvelle entité se proposent d’être très vigilants pour éviter ces pratiques. Menace de l’État emprunteur La progression de la part de l’État dans la structure des actifs bancaires ne s’est pas faite aux dépens du secteur privé. En effet, les créances des banques sur le secteur privé se sont toujours situées dans une marge de 32 à 35% du total des actifs. Ces taux n’ont pratiquement pas changé entre 1992 et 1998. En effet, la position de l’État, dont la part du total bilan passe de 21% en 1992 à 33% en 1999, est alimentée par la baisse relative des créances sur l’étranger qui de 40% du total des actifs en 1992 passent à 16,7% en 1999. La principale conséquence de cette situation est liée à la très forte concentration de risques sur le secteur public. Il est vrai qu’il n’y a plus d’obligation directe de remploi en bons de Trésor, mais la hausse des taux d’intérêt est telle qu’il est presque impossible de financer l’économie. Toute possibilité de crédit raisonnable en faveur du secteur privé est largement satisfaite. Mais les marges de manœuvre sont très limitées. De ce fait, l’État est le seul à pouvoir absorber les excédents de financement. Les banquiers se défendent d’apprécier et encore moins d’encourager une telle situation. Le blocage économique et la forte concentration de risques sur un seul agent, l’État, ne les arrangent guère. Mais de par leur simple rôle d’intermédiaire, les banques n’ont aucune prise sur cette situation qui est la résultante de la politique monétaire de ces dernières années. Répartition des crédits bancaires par secteur en millions de USD SECTEUR 1995 En % 1996 En % 1997 En % 1998 En % Agriculture 110 947 1,7% 132 566 1,6% 154 998 1,5% 189 584 1,5% Industrie 861 789 13,2% 1 097 365 13,1% 1 299 206 12,4% 1 615 698 12,6% – Industrie manufacturière 847 115 13,0% 1 068 749 12,8% 1 265 249 12,1% 1 559 393 12,1% – Mines et minerais 8 879 0,1% 10 971 0,1% 8 930 0,1% 16 617 0,1% – Électricité et gaz 5 796 0,1% 17 646 0,2% 25 027 0,2% 39 688 0,3% Construction 1 358 648 20,9% 1 812 711 21,6% 2 151 425 20,6% 2 804 359 21,8% Commerce et services 3 099 445 47,6% 3 806 278 45,4% 4 708 805 45,1% 5 750 189 44,8% – Commerce en gros 1 823 569 28,0% 2 155 231 25,7% 2 495 103 23,9% 3 017 043 23,5% – Commerce au détail 670 944 10,3% 831 217 9,9% 1 055 497 10,1% 1 223 706 9,5% – Transports /entreposage 231 415 3,6% 264 362 3,2% 311 743 3,0% 360 442 2,8% – Services fonciers 156 880 2,4% 259 421 3,1% 478 534 4,6% 663 466 5,2% – Hôtellerie et restauration 146 456 2,3% 208 510 2,5% 240 601 2,3% 318 257 2,5% – Services culturels (cinéma, ...) 70 181 1,1% 87 537 1,0% 127 327 1,2% 167 275 1,3% Intermédiation financière 170 874 2,6% 278 156 3,3% 304 002 2,9% 385 034 3,0% Divers 197 294 3,0% 284 268 3,4% 406 186 3,9% 534 351 4,2% – Autres associations 96 127 1,5% 143 892 1,7% 222 640 2,1% 251 380 2,0% – Santé et social 57 570 0,9% 81 878 1,0% 112 507 1,1% 149 375 1,2% – Adm. publique et défense 34 575 0,5% 50 893 0,6% 64 376 0,6% 126 111 1,0% – Organisations régionales 4 654 0,1% 2 584 0,0% 1 916 0,0% 60 0,0% – Ménages 4 369 0,1% 5 022 0,1% 4 747 0,0% 7 425 0,1% Particuliers 708 006 10,9% 969 853 11,6% 1 418 455 13,6% 1 556 607 12,1% Total général 6 507 004 100,0% 8 381 197 100,0% 10 443 077 100,0% 12 835 823 100,0% Taux de change LL/$ 1 596 1 552 1 527 1 508 Source: Bulletin trimestriel Banque du Liban, 1995 - 1998
Malgré la réouverture de la Bourse de Beyrouth et le développement de quelques instruments financiers nouveaux, les banques assurent pratiquement seules la totalité du crédit formel au Liban. Pour ceux qui se plaignent de l’insuffisance du crédit bancaire à l’économie, les banquiers rappellent que les facilités qu’ils accordent au secteur privé dépassent les 85 % du PIB ce qui est considéré comme un taux élevé par rapport aux pays industrialisés. Les entreprises sont-elles donc vraiment gâtées par leurs banquiers ? Plusieurs remarques peuvent être relevées pour nuancer cette affirmation de générosité de la part des banquiers . En premier, on note la marginalisation du crédit formel non-bancaire puisque la quasi totalité du crédit accordé aux entreprises et aux ménages libanais transite par les banques....