Actualités - INTERVIEWS
Jean-Claude Trichet, gouverneur de la Banque de France, à l'Orient Le Jour Le système monétaire libanais est consolidé malgré un environnement difficile(photo)
Par DE HAUTEVILLE Gérard, le 28 juin 1999 à 00h00
Le gouverneur de la Banque de France, M. Jean-Claude Trichet, a participé aux réunions des gouverneurs francophones, dont il est le chef de file. Dans un entretien accordé à L’Orient-Le Jour, le patron de la Banque centrale française a rendu hommage au Liban et au gouverneur de la BDL, M. Riad Salamé. Il a par ailleurs insisté sur l’importance de renforcer la cohésion des instances monétaires à travers le monde afin de prévenir les crises financières et économiques éventuelles, en vue de relever les défis de la mondialisation. Q. : «Quel est le fondement d’une réunion des banques centrales francophones ? R. : C’est, en fait, l’un de nos collègues de l’Île Maurice qui a eu l’idée, il y a quelques années, de proposer l’organisation d’une réunion annuelle des gouverneurs francophones. Cette idée correspond à une volonté de réunir au sein d’un «club informel» les responsables d’un même métier qui ont un lien naturel, la francophonie. Cela permet d’établir des relations amicales et professionnelles, sans qu’il y ait, lors de ces réunions, des enjeux ou des intérêts particuliers. Ainsi, des échanges très riches, interculturels sont possibles entre les pays les plus industrialisés et les pays émergents, les pays en transition ou les nations en voie de développement. Les participants sont issus de tous les continents et ont des points de vue différents par nature, mais tous sont réunis autour d’un point commun : la langue française qu’ils ont en partage et qui a été à la base de ce club. C’est aussi un moyen de «globaliser» positivement le monde; c’est-à-dire, en harmonisant, dans le respect de l’autre, la conduite des affaires. L’objectif étant d’échanger, lors de ces réunions, tous les nouveaux concepts mondiaux dans nos métiers. C’est ainsi qu’aujourd’hui, nous sommes réunis à Beyrouth sous la présidence du gouverneur Salamé et avec 26 gouverneurs qui représentent quelque 38 pays. L’euro et ses faiblesses Q. : Après son lancement au début de l’année, l’euro connaît aujourd’hui un accès de faiblesse ; comment l’explique vous et est-ce un mouvement durable ? R. : Nous sommes dans un système de change flottant ; les grandes monnaies mondiales suivent donc l’évolution de ce système. Ces monnaies se trouvent, à certains épisodes, en haut puis en bas des fluctuations des changes. L’un des déterminants de ces fluctuations est certainement l’évaluation des cycles économiques. La position du système européen de banques centrales est très claire. Elle a été exprimée par notre président Wim Duisenberg ; l’euro-système poursuit une politique de stabilité monétaire, de solidité, de confiance dans la monnaie. Dans ce sens, l’euro possède un important potentiel d’appréciation. Q. : Quelles sont les limites des banques centrales dans leur rôle de stabilisateur ? R. : Dans un mouvement mondial, très net, de libéralisation des économies, le rôle particulier des banques centrales pour renforcer la stabilité financière a été clairement mis en évidence. Il existe un consensus mondial sur le rôle systémique des banques commerciales et leur influence de plus en plus importante sur le développement des économies. D’où l’importance aussi, à l’échelle internationale, d’être particulièrement attentif aux secteurs bancaires et à leur solidité financière de manière à pouvoir prévenir d’éventuelles crises. Le comité de Bâle a dressé un cahier des charges mondial, en vingt-cinq principes de base. Il doit être le fil conducteur des politiques de surveillance bancaires à travers le monde. Cette convention concerne, à l’heure actuelle, plus de 138 pays, tous confrontés au phénomène de la mondialisation, dans le secteur bancaire. Q. : Quel est votre sentiment à l’égard de la dollarisation du Liban ? R. : Je ne me permettrais aucun jugement sur la politique monétaire des banques centrales d’aucun pays. Toutefois, je tiens à témoigner, concernant le Liban, de l’admiration que l’on peut porter aux responsables libanais, et tout particulièrement à M. Riad Salamé et son équipe de la BDL, d’avoir maintenu et consolidé le système monétaire et bancaire libanais dans un environnement particulièrement difficile. À conditions identiques, je ne crois pas connaître d’autres exemples au monde que celui du Liban, au plan de la solidité, dans la durée, du système monétaire, bancaire et financier dans un environnement si exigeant et parfois si difficile. J’ai constaté, au vu de l’organisation du système monétaire, une telle sérénité qu’aucune menace extérieure ne vient troubler. Cette sagesse, Riad Salamé en est certainement l’image. Il sait faire face aux épreuves les plus difficiles ; c’est là, sans doute, la marque d’un grand gouverneur de banque centrale. Q. : Des réserves en or importantes sont-elles nécessaires aujourd’hui ? R. : Les quatre principales banques centrales ayant les quatre stocks d’or les plus importants (les États-Unis, l’Allemagne, l’Italie et la France) n’envisagent pas de céder leur or et considèrent que le patrimoine or reste un élément de confiance déterminant pour la monnaie nationale. Q. : Comment va se poursuivre la collaboration étroite entre la Banque de France et la Banque du Liban ? R. : En effet, cette coopération est très étroite et va se développer à travers des séminaires sur la politique monétaire et sur des sujets plus techniques. Ces rencontres ne sont pas réservées aux seuls dirigeants. Elles seront de plus en plus fréquentes et s’adressent à l’ensemble des équipes concernées, dans les différents services. Par ailleurs, il faut signaler que les compétences de la place de Beyrouth parlent d’elles-mêmes au niveau des marchés de capitaux». Par ailleurs, au cours de l’une de ses interventions, M. Trichet a évoqué les critiques de certains milieux américains à l’égard du système des banques centrales européenne. Les spécialistes des États-Unis auraient jugé non démocratique le fonctionnement de la nouvelle Banque centrale européenne. Par comparaison à la Fed qui rend des comptes au Capitole, sur son action uniquement deux fois par an, la BCE doit en effet exposer sa politique pas moins de quatre fois chaque année. M. Trichet a voulu opposer à cette opinion les aspects sociaux et respectueux du développement des entreprises de la politique monétaire européenne.
Le gouverneur de la Banque de France, M. Jean-Claude Trichet, a participé aux réunions des gouverneurs francophones, dont il est le chef de file. Dans un entretien accordé à L’Orient-Le Jour, le patron de la Banque centrale française a rendu hommage au Liban et au gouverneur de la BDL, M. Riad Salamé. Il a par ailleurs insisté sur l’importance de renforcer la cohésion des instances monétaires à travers le monde afin de prévenir les crises financières et économiques éventuelles, en vue de relever les défis de la mondialisation. Q. : «Quel est le fondement d’une réunion des banques centrales francophones ? R. : C’est, en fait, l’un de nos collègues de l’Île Maurice qui a eu l’idée, il y a quelques années, de proposer l’organisation d’une réunion annuelle des gouverneurs francophones. Cette idée...