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Actualités - REPORTAGE

"A la recherche d'Aïda" de Jalila Bakkar au TDB Malgré tout, l'espoir toujours ... (photo)

Jalila Bakkar donne donc au TDB (une représentation est encore prévue ce soir, 20h30) son témoignage d’artiste tunisienne engagée, dans le cadre des commémorations pour la Palestine. Elle est venue à Beyrouth à «La recherche d’Aïda» à moins que ce ne soit de la Palestine. Elle déroule le fil de la mémoire, évoquant les étapes du calvaire d’un peuple. Mais en portant haut le flambeau de l’espoir: une clé qui se transmet, tel un témoin, de génération en génération... La salle est encore illuminée, le rideau rouge s’ouvre à moitié sur une scène aux murs noirs dépouillés. Jalila Bakkar entre avec deux valises. Elle traverse la scène, regarde vers le fond, revient sur ses pas, porte les yeux sur la salle. Un sourire avenant se dessine sur ses lèvres: façon de s’excuser de scruter ainsi les rangées. Semblant reconnaître quelqu’un, son sourire devient plus engageant. Mais non, elle s’est trompée; sa figure s’allonge dans une expression de tristesse... Elle balaie les travées du regard, espérant encore identifier quelqu’un. Elle dévisage les spectateurs et soudain pointe le doigt vers une jeune femme, «Aïda?» interroge-t-elle. Se ravisant, elle fixe son attention sur quelqu’un d’autre. Lancinante, cette question est lancée à la ronde; le prénom d’Aïda rebondit de siège en siège... Ne l’ayant pas trouvée, Jalila Bakkar s’apprête à quitter la scène. Mais l’espoir que quelqu’un puisse l’aider à retrouver cette femme la fait revenir. «J’ai rendez-vous avec Aïda» explique-t-elle. «Je suis venue de Tunis pour elle, pour la voir, l’écouter... Sait-elle encore rire?» Elle poursuit: «Je suis venue sans masque, sans me cacher derrière un rôle, souhaitant lui parler. Depuis des années, je n’ai plus de ses nouvelles. Vous me croyez folle à parler ainsi avec une absente? Mais je sais qu’elle est là, car elle sait que j’y suis». S’adressant encore à la salle, elle lance, «dites à Aïda que depuis que je l’ai rencontrée, ma vie n’est plus la même. Je ne rate aucun rendez-vous avec elle... Je pense qu’elle s’appelle Palestine». La salle est plongée dans le noir. Un unique cône de lumière jaune éclaire Jalila Bakkar qui entame le long chemin du souvenir. «Quel âge avais-tu en avril 1948?» interpelle-t-elle. Elle rappelle comment la petite Aïda assistait, ce printemps-là, aux discussions des adultes, avec «l’impatiente envie d’aller ramasser les coquillages sur la plage»; comment elle s’étonnait de voir pleurer son père, alors qu’il lui donnait un dernier baiser. «Te souviens-tu Aïda de ta grand-mère qui te disais ferme les yeux, aspire ce mélange d’effluves marines et de fleurs d’oranger, cette odeur qui te ramènera toujours, en mémoire, à Jaffa. Elle te disait, ouvre à présent les yeux, et enregistre tous les détails de cette maison de pierre au toit de briques rouges...» Dans le texte de Jalila Bakkar, il n’y a pas que les moments larmoyants. Elle épingle les Arabes, les Tunisiens, n’oubliant à aucun moment que dans une tragédie, aussi bien le bourreau que la victime et ses supporters ont chacun une part de responsabilité. «Mon oncle avait été en Egypte pour se joindre aux troupes qui voulaient libérer la Palestine» raconte-t-elle. «On lui a dit d’aller d’abord libérer son pays du joug français!» En 1965, alors que la jeune Jalila Bakkar est en âge de comprendre, elle obtient des réponses confuses, contradictoires... à la limite du ridicule. 1967, 1970, 1973, 1982, 1985, 1987, 1993... les dates défilent au rythme des événements. Mais à chaque fois un membre de la famille d’Aïda transmet au plus jeune la clé de la maison familiale à Jaffa. Comme un témoin, cette clé qui passe de main en main assure, au-delà de toute cassure, la continuité du peuple; maintient incandescente la flamme de l’espoir. «Comment vas-tu? Résistes-tu toujours ou as-tu baissé les bras, comme beaucoup ici et là-bas qui ont oublié leurs rêves, sacrifiant leur pays à leurs intérêts personnels...?» demande-t-elle. Jalila Bakkar conclut son monologue en exhortant sa sœur palestinienne à douter de tout sauf du retour. «La vie humaine est courte, mais le temps, lui, ne se compte pas. Si tu ne revois pas Jaffa, ta fille y retournera un jour. Si ce n’est elle, ce seront ses enfants... N’oublie jamais, nos maisons sont de pierre et nos toits en briques rouges...» Le texte de Jalila Bakkar est simple, la mise en scène de Fadel Jaaïbi dépouillée. Le jeu, qui n’en est pas un puisqu’il s’apparente plutôt à un témoignage, est sobre. Pour Jalila Bakkar, il n’y a rien à attendre du passé puisqu’il est inchangeable. Seul l’avenir, telle la glaise qui se prête à toutes les transformations, porte encore en lui un message d’espoir...
Jalila Bakkar donne donc au TDB (une représentation est encore prévue ce soir, 20h30) son témoignage d’artiste tunisienne engagée, dans le cadre des commémorations pour la Palestine. Elle est venue à Beyrouth à «La recherche d’Aïda» à moins que ce ne soit de la Palestine. Elle déroule le fil de la mémoire, évoquant les étapes du calvaire d’un peuple. Mais en portant haut le...