Actualités - CHRONOLOGIE
Saddam, unique muse des artistes irakiens
le 30 décembre 1998 à 00h00
Pour les artistes irakiens, qui se procurent des fournitures avec peine et à des prix exorbitants en raison des sanctions, les portraits du président Saddam Hussein constituent une aubaine. Pas un immeuble, pas un magasin, pas une maison qui n’arbore en Irak un portrait du chef de l’État. On voit des portraits du président diversement habillé et dans de nombreuses postures: en uniforme, en robe arabe traditionnelle, en vacances, revêtu d’une veste de sport et tenant un appareil photo, parlant aux Irakiens, saluant la population, etc. Les portraits ornant les bâtiments publics donnent une idée de leurs fonctions. Au ministère des Communications, le président parle au téléphone, au ministère du Commerce, il est en complet-veston, devant le palais de justice, il porte une robe de juge et tient une balance et une épée. Pour les artistes en herbe de Bagdad, le président est le modèle numéro un. Dans le centre Saddam des arts, une petite exposition de leurs dernières œuvres a été organisée ces derniers jours. Une série de portraits montrent le président avec des villageois ou, en ville, à l’écoute des membres d’une famille. On y trouve également un buste massif en marbre de Saddam Hussein. Le numéro un irakien a le froncement de sourcils martial et il est coiffé d’un béret. «Nous tirons l’image du président des photos officielles à la télévision ou dans les journaux. Parfois, nous peignons directement la scène ou nous y ajoutons notre propre touche», dit Majid Hachem, spécialisé dans la peinture à huile. «Faire ces portraits est un gros travail, ils sont très grands. Et seuls les meilleurs artistes sont autorisés à s’attaquer au sujet», explique-t-il. Bien qu’une peinture à l’huile coûte seulement 25 000 dinars en moyenne (14 dollars), cela constitue l’équivalent de six mois de salaire pour un responsable gouvernemental. «Le marché est un peu lent actuellement et il a empiré après les bombardements de la semaine dernière», souligne Majid al-Kaisi, propriétaire d’une galerie d’art dans le quartier de Karrada, dans l’est de Bagdad. «Les gens aiment beaucoup l’art ici mais ils n’ont pas vraiment le choix quand il s’agit soit de s’acheter une œuvre d’art soit de s’acheter de quoi se nourrir», dit-il. Majid Hachem affirme qu’il peut gagner près de 200 000 dinars (110 dollars) de plus par mois s’il se consacre aux portraits du président. «Beaucoup de grands magasins et de bureaux et même certaines familles riches veulent avoir leur propre portrait», dit-il. Cela rapporte beaucoup d’argent, même si une grande partie va à l’achat de matériel». Les fournitures utilisées par les artistes peintres étaient partiellement subventionnées par le gouvernement avant l’embargo, mais plus aujourd’hui. En outre, l’inflation galopante a laissé beaucoup d’artistes dans le besoin. La situation a également limité les moyens des artistes peintres. «J’ai appris à utiliser la peinture à l’huile, mais c’est trop cher. Aujourd’hui, les étudiants utilisent de petits tableaux et l’aquarelle», dit-il. Les artistes sont également en panne de sujets. Les plus évidents, comme la pauvreté ou les dégâts causés par les bombardements, ne sont pas nécessairement le genre de tableaux que les gens aimeraient avoir chez eux, dit Majid.
Pour les artistes irakiens, qui se procurent des fournitures avec peine et à des prix exorbitants en raison des sanctions, les portraits du président Saddam Hussein constituent une aubaine. Pas un immeuble, pas un magasin, pas une maison qui n’arbore en Irak un portrait du chef de l’État. On voit des portraits du président diversement habillé et dans de nombreuses postures: en uniforme,...
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