L’opération «Renard du désert» s’est achevée dans un climat d’hostilité quasi générale dans le monde arabe, et le Yémen a demandé dimanche la tenue d’un sommet arabe extraordinaire pour condamner «l’agression américaine» contre l’Irak. «J’ai remis au secrétaire général de Ligue arabe Esmat Abdel Méguid une demande de mon pays pour la tenue le plus tôt possible d’un sommet arabe extraordinaire», a indiqué le délégué permanent du Yémen auprès de la Ligue arabe, M. Ahmad Mohammad Lokman. «Les pays arabes ont plus que jamais besoin de ce sommet qui doit discuter des défis auxquels est confrontée la nation arabe et de l’agression contre l’Irak», a-t-il précisé à la presse. Le chef de la diplomatie égyptienne Amr Moussa a appuyé cette initiative. «Je souhaite que ce sommet ait lieu car il y a beaucoup de questions délicates qui doivent être abordées», a-t-il déclaré à des journalistes. La très officielle presse syrienne soulignait dimanche que «la solidarité arabe était une nécessité pour mettre fin aux divisions de la nation arabe afin qu’elle affronte le terrorisme américano-israélien». Les trois quotidiens officiels publient à la Une des photos de la manifestation organisée samedi à Damas, et au cours de laquelle des manifestants ont endommagé l’ambassade des États-Unis et la résidence de l’ambassadeur. Selon un haut fonctionnaire de la Ligue arabe, «les manifestations anti-américaines, qui n’ont pas pu avoir lieu sans l’assentiment des autorités, étaient une dénégation musclée des déclarations vendredi du porte-parole de la Maison Blanche selon lesquelles les frappes avaient obtenu le feu vert des huit pays de la déclaration de Damas». «L’opération n’aurait pas pu être lancée sans le soutien d’autres pays dans la région et sans l’esprit et les efforts diplomatiques démontrés déjà il y a un mois dans la déclaration de Doha», avait noté Joe Lockhart. Les pays signataires de la Déclaration de Damas (Égypte, Syrie et les six monarchies du Golfe) avaient affirmé en novembre à Doha que «le gouvernement irakien était responsable de toute dégradation (de la situation) qui découlerait de son refus de revenir sur sa décision» de chasser les inspecteurs en désarmement de l’Onu. «La réaction des pays arabes a été plutôt douce au début de l’opération “Renard du désert” mais l’exaspération croissante de la population, qui voyait chaque jour à la télévision les bombes s’abattre sur Bagdad, a conduit les gouvernements arabes à afficher plus ouvertement leur opposition à ces frappes», a précisé ce haut responsable de la Ligue arabe. Le président égyptien Hosni Moubarak, qui avait jeudi «regretté les derniers développements en Irak», a demandé samedi à son homologue américain Bill Clinton «de cesser immédiatement les attaques contre l’Irak». M. Moussa a affirmé aux journalistes que ce message «reflétait très clairement les sentiments du peuple égyptien». Pour la première fois depuis plusieurs années, le président Moubarak avait été ouvertement critiqué lors de manifestations. Pour sa part, le ministre de la Défense des Émirats Arabes Unis, cheikh Mohammad Ben Rached Al-Maktoum, a souligné samedi que les États-Unis et la Grande-Bretagne avaient «exagéré en utilisant la force contre l’Irak». Il avait estimé «injustifiable de frapper l’Irak de cette manière flagrante et violente» et s’était interrogé «sur le silence de certains gouvernements arabes». La presse du Qatar et des Émirats s’est livrée dimanche à un violent réquisitoire contre certains dirigeants arabes accusés «de s’être cachés derrière la légitimité internationale trompeuse pour soutenir les États-Unis, la Grande-Bretagne et Israël». Seule voix discordante, celle de l’Arabie séoudite où le quotidien Okaz regrettait que le président irakien Saddam Hussein «demeure en place».