Actualités - REPORTAGE
Les impératifs de qualité (photos)
le 18 décembre 1998 à 00h00
Pour se faire une place sur ce marché de plus en plus bouché, selon l’avis général des professionnels, des règles de qualité sont à respecter, ce qui demande certains sacrifices financiers et organisationnels. Certains pâtissiers, pour s’assurer un niveau de qualité optimum, s’équipent de cuisines appelées «laboratoires de fabrication» dans le jargon du métier, ce qui représente un investissement financier conséquent. «Un laboratoire est un gros investissement, explique Lina Letayf, de La Mie Dorée. On ne peut pas se lancer dans la pâtisserie comme ça». De son côté, Colette Haddad, responsable de Cannelle, raconte: «En revenant au Liban en 1992, j’ai ramené un outillage complètement innovateur, en vue de faire ce que l’on appelle la nouvelle pâtisserie. C’est une façon de travailler complètement différente. Par exemple, quand nous voulons faire de la congélation, nous faisons en fait de la surgélation à -40°C, selon les normes de sécurité en vigueur en Europe. Nous anticipons ces normes, car elles arriveront bien un jour au Liban. Nous sommes très soucieux de la sécurité. Nous sommes suréquipés pour ça». Situation identique chez Noura, où le matériel tient une place prépondérante. «Nous avons des machines très coûteuses, comme l’enrobeuse pour nos chocolats. Notre chaîne de production s’étale sur 1000 m2. Chaque étape de travail suit un processus bien précis. L’organisation et l’hygiène doivent être sans faille dans ce genre d’entreprise», explique Pia Maria Chaaraoui. Une organisation sans faille, c’est ce que recherchait l’hôtel Bristol voilà deux ans. Depuis, est arrivé dans l’équipe un chef français, Jean-Pierre Neu: «Je suis venu à Beyrouth pour restructurer la cuisine. Nous avons aujourd’hui une équipe composée de 42 employés en cuisine, dont 14 en pâtisserie. À l’hôtel Bristol, la pâtisserie est devenue un secteur à part, avec une cuisine séparée». Un personnel haut de gamme Mais un outillage, si performant soit-il, ne peut fonctionner sans les spécialistes qualifiés qu’il faut. Certains pâtissiers font confiance aux chefs libanais, d’autres préfèrent s’allouer les services de chefs étrangers, la plupart du temps français. C’est le cas de Cannelle où trois chefs français sont employés en permanence depuis l’ouverture en 1992. L’équipe de Cannelle comprend un intervenant, un chef du Ritz, meilleur apprenti de France, et un chef réputé d’Angers. Tous les trois sont là depuis le début de l’aventure. À La Mie Dorée, la stratégie se différencie un petit peu: «Nous avons un chef français et un chef libanais, qui s’accommodent très bien ensemble. Un Français seul ne suffirait pas, car il doit avoir un recul vis-à-vis du goût de la clientèle. Il apporte son savoir-faire quant au goût, à la façon de présenter. L’autre apporte une petite touche libanaise nécessaire». Stratégie opposée à La Gondole où le chef est libanais. Samer Maroun explique son choix: «Notre chef, Henri Iwaz, associe très bien les influences européennes et orientales. Il vient de l’école Le Nôtre, dans la région parisienne. Sa formation, mêlée à ses origines libanaises en font un excellent compromis». Politique similaire à l’Amaretti Caffé où le chef est libanais. Mais, comme le précise Nada Madi, directrice de la société, «il est important de se former en permanence dans le domaine de la pâtisserie. Des chefs français viennent nous rendre visite de temps en temps, pour nous perfectionner et nous tenir au courant des différentes modes». De son côté, T. Square pousse cette logique à l’extrême. Sabine Cassia, directrice, insiste sur ce point: «Je suis très fière d’avoir un chef libanais. En voyant les pâtisseries, les gens qui viennent pensent que le chef est français, ou bien qu’il a été formé en France. Eh bien non. J’ai eu beaucoup de chance de le trouver. Il a 24 ans, c’est un artiste. Je lui ai donné toutes les recettes que j’avais emmagasinées en France durant un stage». La question des matières premières Dernier impératif, et pas des moindres: la qualité des matières premières. Là aussi, certains préfèrent avoir recours à des produits importés, d’autres à des produits locaux. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la différence pour le porte-monnaie n’existe pas. Samer Maroun est obligé d’importer une bonne partie de ses ingrédients de l’étranger: «Nous devons respecter une certaine qualité. Et dans le domaine de la pâtisserie, les ingrédients de base sont essentiels. Du coup, nous devons importer des produits. Notre beurre vient de France, par exemple. Cette obligation a malheureusement un coût assez élevé, mais nous avons adopté la politique de ne pas le répercuter sur le prix de vente de nos créations». De même, Colette Haddad continue de presque tout importer, malheureusement, surtout en boulangerie. «Malgré tous mes frais, ma marge n’a jamais diminué depuis le début. J’entends dire parfois que Cannelle est cher, alors que nous pratiquons des prix de vente que beaucoup de nos collègues ont suivi. En qualité de matières premières, le niveau est donc excellent. Si ce n’est pas aussi bon qu’en France, c’est que nous ne savons pas faire aussi bien. Mais en matières premières, je ne lésine pas. Résultat: nous avons, difficilement, obtenu le label Relais Dessert. C’est très prestigieux en Europe. Par exemple, à Paris, Fauchon en fait partie. Nous sommes visités deux fois l’an, nous devons donc conserver un produit d’une qualité régulière». Même stratégie chez Le Nôtre. Le chef pâtissier, Bernard Haller, a mis la première fois les pieds dans cette prestigieuse société en 1976. Il travaille à l’étranger depuis longtemps pour le compte de cette société. Comme partout dans le monde, l’approvisionnement en matières premières pose problème. «On ne trouve pas tout à fait les mêmes matières de base ici, vis-à-vis de Paris. De plus, l’importation coûte très cher, mais nous n’avons guère d’autre choix pour certains produits comme le beurre, le chocolat ou les confitures. La qualité des produits est une question d’image de marque chez Le Nôtre. En 1987, nous sommes entrés au Comité Colbert qui regroupe les plus grandes marques françaises, telles que Cartier, Tettinger, Baccarat, et qui répondent à des normes strictes de qualité. Le Nôtre est le seul du genre en produits frais». Dans la même lignée, Noura est très regardant quant à l’origine des matières premières. «Nous tenons à avoir des matières premières du meilleur niveau. C’est une règle d’or chez nous. Par exemple, nous importons notre chocolat de Suisse. Nous travaillons depuis des années avec Lindt. Ou alors, nous fabriquons nous-mêmes notre sucre glace, pour avoir la qualité précise demandée par nos chefs. Ces petits riens font presque tout», remarque Habib Chaaraoui. À La Mie Dorée, aussi, les matières premières sont pour la plupart importées: «Nous ne nous servons pratiquement pas de matières premières locales, sauf des œufs peut-être. Même le sucre est importé, car il est de meilleure qualité. Nous essayons de répercuter ces frais de production le moins possible sur nos produits. Mais la pâtisserie au Liban reste tout de même assez chère, vis-à-vis de la France par exemple. Là-bas, les prix sont identiques alors que les taxes et les loyers sont plus élevés». De son côté, Jean-Pierre Neu, de l’hôtel Bristol, essaie de mélanger entre produits locaux et importés: «Il est vrai que beaucoup de produits locaux ne sont pas encore au point. Par exemple, nous importons nos tomates, nos ananas, notre chocolat. Mais nous essayons au maximum d’utiliser des produits libanais, pour réduire nos frais, essentiellement». «Les matières premières doivent être de première qualité, c’est la base de tout, résume Nada Madi, de l’Ameretti Caffé. Selon nos besoins, nous utilisons des matières premières locales et importées. Notre farine vient de France, et notre chocolat de Belgique. Des produits de cette qualité ne se trouvent pas au Liban». À contre-pied du reste des professionnels, Sabine Cassia, directrice de T. Square, préfère utiliser des matières premières locales: «Je me suis bien renseignée sur le marché, avant de commencer, auprès des fournisseurs, pâtissiers et restaurateurs. J’ai trouvé des gens sur qui compter, avec des produits ayant un bon rapport qualité/prix».
Pour se faire une place sur ce marché de plus en plus bouché, selon l’avis général des professionnels, des règles de qualité sont à respecter, ce qui demande certains sacrifices financiers et organisationnels. Certains pâtissiers, pour s’assurer un niveau de qualité optimum, s’équipent de cuisines appelées «laboratoires de fabrication» dans le jargon du métier, ce qui...
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