Actualités - REPORTAGE
Politique et stratégie des grandes surfaces (photos)
Par ABI AAD Nicole, le 17 décembre 1998 à 00h00
Quelle est la spécificité de chaque établissement, qui lui donne son cachet propre? Comment chacun réagit-il face à la crise et aux difficultés? Quelle est la recette pour réussir? Les professionnels confient leurs secrets. Dans un climat de morosité économique, où la concurrence se fait de plus en plus féroce, les responsables de supermarchés débordent d’énergie, de patience et d’ingéniosité pour se frayer une place dominante dans ce domaine. D’un établissement à l’autre, les politiques se suivent mais ne se ressemblent pas forcément. Tous les propriétaires semblent néanmoins d’accord sur un point: le client est roi, et il faut tout faire pour optimiser sa satisfaction. Priorité à la satisfaction du client Rester à l’écoute du client, se mettre continuellement à sa place, voilà la politique du responsable du supermarché Saint-Élie: «Nous veillons sur son intérêt, nous voulons qu’il soit convaincu des achats qu’il fait. Pour cela, nous mettons un grand nombre de produits et un vaste choix d’articles à sa disposition. Bien sûr, il faut aussi proposer des prix concurrentiels, car le consommateur est intelligent, il va ailleurs, il cherche, il compare, ce qui est légitime. Chez nous, il se sent rassuré, les prix sont vraiment bien étudiés». Chez Ecomax, ce souci semble prévaloir également. Jean-Pierre Deguille, directeur général des supermarchés Ecomax, explique la stratégie qui leur permet de maintenir des prix concurrentiels: «Obtenir des prix de vente minimes passe par une rigueur et des économies à toutes les étapes d’acheminement des produits: à l’achat, grâce à une centrale d’achat traitant de gros volumes; au transport grâce à une logistique intégrée et performante; à la vente, grâce à des magasins aux surfaces de vente optimisées». En plus de prix intéressants, les rayons de l’établissement doivent être bien structurés. Chez Ecomax, on mise sur une certaine organisation où il est facile de se retrouver, vu que tous les points de vente présentent une structure identique. Le client repère donc rapidement ce dont il a besoin. Dans une perspective différente, mais toute aussi intéressante, en se promenant dans les allées larges et rectilignes du supermarché Saint-Élie, on peut remarquer l’ordre logique dans la présentation des produits, ce qui donne envie d’acheter et permet un repérage plus facile. Le regard ne se perd pas, le classement est fait de manière agréable et claire. La préférence pour les allées vastes, où on peut faire ses courses à loisir sans être dérangé par les chariots des autres clients, est également adoptée par Robert Khayat, propriétaire du supermarché Embassy: «L’essentiel, c’est de laisser le client respirer. Chez nous, il est libre, il n’y a personne pour le déranger, ni des produits en promotion qui lui offrent une tasse en plastique pour six boites de lessives, ni l’encombrement des rayons. Il prend son temps, il fouine, fait la causette avec des gens qu’il rencontre. Le shopping devient plaisir et se fait dans un environnement convivial. Il est très important de rester ouvert et d’introduire de nouveaux produits dans le supermarché, il faut suivre l’évolution des choses. Ma femme Jacqueline m’aide beaucoup à ce niveau. Elle se charge, entre autres, de tester les produits et de veiller à ce qu’ils soient de bonne qualité. Nous sommes là pour servir les clients; d’ailleurs, nous écoutons leurs commentaires et les prenons en considération. Pour cette raison, nous aurons bientôt le service traiteur que nous réclamaient nos clientes depuis quelque temps. Les plats et des recettes originales seront préparés avec le plus grand soin». L’importance de la proximité Joseph Aoun base son succès sur ses marges de profit assez réduites et sur la proximité. Dans ce domaine depuis plus de 45 ans, il a grandi petit à petit avec les besoins des consommateurs et l’émergence du concept de supermarché. Son secret est simple: «De nos jours, les gens ont tendance à être parfois paresseux, à vouloir en faire le moins possible tout en gagnant le plus possible. Il n’y a plus de conscience professionnelle. Moi, je m’investis complètement dans mon travail, du matin jusqu’au soir. Je m’accorde à peine des vacances, et même quand je suis à l’étranger, je cherche des moyens, des idées nouvelles pour améliorer mes établissements et satisfaire encore plus les consommateurs». Si la persévérance est, selon lui, la clé du succès, il faut également rester proche des gens, s’implanter dans les endroits où ils ont besoin d’un supermarché. Pour cette raison, le Charcutier Aoun a ouvert dans différentes régions: Achrafieh, Dékwaneh, Jisr el-Bacha, Chiyah. Jean-Pierre Deguille approuve: «Notre politique consiste à ouvrir une grande multitude de points de vente dans tous les quartiers. Ainsi, notre démarche va vers le client pour lui éviter de perdre du temps dans le trafic routier». Des produits de consommation spécifiques La question du choix est une notion très importante, surtout dans les produits de base. Tout le monde ne consomme pas de la même façon. Prenons, par exemple, un article comme le sucre: certains l’aiment blanc en carrés, d’autres en poudre, mais les troisièmes le préféreront brun, ou même allégé... De même pour les mouchoirs en papier: entre les différentes épaisseurs, les formats, le fait qu’ils soient parfumés ou pas, importés ou locaux, le consommateur a une marge de choix qu’il faut toujours lui assurer. Même si, de nos jours, on remarque que le consommateur se dirige, par souci d’économie, vers les produits les moins chers, il faut essayer de répondre aux attentes du plus grand nombre possible. Selon les professionnels, le fait que le budget des courses soit plus serré a eu pour conséquence de favoriser l’émergence de nouveaux produits libanais de très bonne qualité, dont le prix défie toute concurrence. «Ces produits sont de plus en plus intéressants», remarque Robert Khayat, et J.P. Deguille affirme: «Au départ, tous nos produits étaient importés, hormis les produits typiquement libanais comme la halawa, l’huile d’olive, le café, les pistaches... etc. À présent, nos produits spécifiques sont toujours importés, mais les gammes de produits de marque sont achetées chez les importateurs locaux. Sur certains points, les produits locaux peuvent effectivement être compétitifs». Les consommateurs font confiance aux productions de l’agroalimentaire local, notamment en ce qui concerne les produits laitiers, les mouchoirs en papier, les conserves, les jus et liqueurs, les vins et bien d’autres produits encore. Faire des courses un moment agréable, faire gagner du temps, donner le choix et assurer de bons prix au consommateur sont donc les priorités des responsables interrogés. Joseph Aoun conclut: «Pour lutter et garder sa place, il faut savoir s’associer, s’ouvrir à l’extérieur, encore plus si on veut grandir, sinon nous serons très vite éclipsés par des entreprises géantes qui ont derrière elles une infrastructure lourde et des capitaux colossaux. Comment faire pour lutter contre eux, sinon? Avant, le public était attaché au nom; Aoun, par exemple, reste à une dimension humaine, restreinte et connote la notion de famille, de groupe. Or, de nos jours, il faut viser plus loin et voir plus grand pour pouvoir se développer».
Quelle est la spécificité de chaque établissement, qui lui donne son cachet propre? Comment chacun réagit-il face à la crise et aux difficultés? Quelle est la recette pour réussir? Les professionnels confient leurs secrets. Dans un climat de morosité économique, où la concurrence se fait de plus en plus féroce, les responsables de supermarchés débordent d’énergie, de patience et...
Les plus commentés
Aoun recevant Baerbock : « Israël a rejeté toutes les propositions » pour se retirer des cinq points au Liban-Sud
Le Liban est-il menacé d’une nouvelle guerre ?
Le Liban est l'un des pays les plus malheureux du monde selon un rapport mondial