Actualités - REPORTAGE
Un état des lieux : habitudes et moyens (photos)
Par ABI AAD Nicole, le 17 décembre 1998 à 00h00
Entre la chute du pouvoir d’achat des consommateurs, les nombreux frais supplémentaires, les difficultés logistiques, une concurrence féroce, la gestion d’un supermarché devient de plus en plus compliquée. Au Liban, le concept de supermarché vit le jour dans les années 70, pendant la guerre. Selon les critères adoptés par le syndicat des propriétaires des supermarchés, pour avoir droit au nom, un supermarché doit avoir comme superficie minimale 900m2. Selon les statistiques du ministère de l’Économie, il y aurait un peu plus de 100 supermarchés chez nous, dont une quarantaine seulement est affiliée au syndicat créé en 1993. Ce dernier œuvre pour mettre au point une différenciation entre minimarché, supermarché et hypermarché. Parmi les nombreux problèmes auxquels les professionnels sont confrontés, la majorité s’accorde pour dénoncer la chute du pouvoir d’achat qui menace leur secteur et la stabilité économique du pays. Un pouvoir d’achat en chute libre Les gérants des supermarchés font cette affirmation unanime: «Les gens n’ont plus d’argent, la crise économique a atteint son paroxysme». Selon Robert Khayat, propriétaire du supermarché Embassy, «la première baisse du pouvoir d’achat a été ressentie dans les années 80, au moment de la dévaluation de la livre libanaise. Les gens venaient avec d’épaisses liasses de billets pour finalement ne pouvoir acheter que peu de choses. Et depuis deux ans, de nouveau, les fins de mois sont sensibles, les ventes baissent forcément; ce n’est plus du tout comme avant. Mais l’élément nouveau dans cette gêne financière est qu’elle touche des gens qui, jusqu’à présent, avaient été plus ou moins épargnés par la crise économique. Pour certains, un morceau de fromage français devient un vrai luxe, alors qu’avant, c’était à la portée de la majorité de nos clients». Joseph Aoun, propriétaire du Charcutier Aoun, analyse ainsi les causes de cette baisse du pouvoir d’achat: «Non seulement les salaires sont bas et suffisent à peine à assurer le minimum pour la famille, mais en plus, après la guerre, le Libanais a acquis de nouvelles habitudes; il a dû arranger sa maison détruite, et il a plus de dépenses à la fin du mois: il utilise un cellulaire, il conduit une voiture achetée à crédit... Le budget consacré à son alimentation se trouve donc nécessairement encore réduit. Avant, peut-être y avait-il moins de riches mais, au moins, la classe moyenne existait et elle pouvait se permettre certaines choses, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. On mise sur le strict nécessaire, il n’y a pas de place pour le luxe. Les gens consomment différemment, ils se contentent des produits de base, à savoir le riz, le sucre, le lait, les céréales, les détergents, les mouchoirs en papier, mais aussi le whisky, car chez nous on aime un petit verre le soir. Bizarrement, sur la qualité du whisky on ne lésine pas!». Jean Pierre Deguille, directeur général d’Ecomax, constate lui aussi que les produits les plus vendus dans leurs supermarchés sont évidemment les produits de base mais qu’en plus, ils écoulent bien certains produits fins spécifiques comme les vins français, les jus de fruits naturels, les glaces, l’eau gazeuse, les produits laitiers et la charcuterie. La direction du supermarché Saint-Élie évoque elle aussi la baisse du pouvoir d’achat ces dernières années, mais elle mentionne surtout les charges de plus en plus lourdes, comme l’électricité dont le prix n’arrête pas d’augmenter. En plus des charges qui sont importantes, les taxes douanières ont été haussées dernièrement. Enfin, J.P. Deguille conclut: «Nos difficultés sont le plus souvent d’ordre technique. Par exemple, les réseaux de télécommunication: nous avons plusieurs magasins que nous n’avons pas été en mesure d’équiper avec des lignes de téléphone régulières. Il y a aussi la densité du trafic routier qui nous impose un effectif logistique plus important et qui ralentit tout de même la livraison; la lenteur de certaines procédures administratives que nous avions l’habitude de suivre très rapidement en France...». Le poids de la concurrence Les propriétaires des supermarchés dénoncent avec véhémence la concurrence déloyale qui consiste à vendre à perte certains produits de consommation de masse afin d’attirer des clients, ce qui peut être dangereux pour le consommateur à long terme. Joseph Aoun s’indigne: «Cela fait 40 ans que je lutte, que je m’échine à travailler pour arriver là où je suis actuellement. Alors, imaginez ma peine quand je vois en quelques mois un supermarché aux allures gigantesques pousser comme un champignon. Ma force, c’est mon travail, la sienne ce sont les capitaux énormes. Qui est plus redoutable, à votre avis?». De plus en plus de supermarchés ouvrent leurs portes dans toutes les régions. Or, il est vrai qu’avec la multiplication des supermarchés sur le territoire, la concurrence est de plus en plus forte. On assiste à une véritable guerre des prix, d’autant que le marché local est relativement restreint, la population libanaise n’étant pas assez nombreuse pour faire vivre tous ces établissements. Cette rivalité joue en faveur du consommateur, et le ministre Yassine Jaber a demandé aux grossistes de baisser autant que possible leurs marges de profit, afin d’aider au maximum les consommateurs. Les marges de bénéfice sont donc de plus en plus réduites pour les supermarchés. Retenons toutefois la remarque positive de Jean-Pierre Deguille: «Une crise économique est très normale après une guerre. D’ailleurs, nous avons enduré cela en Europe pendant longtemps, à la suite de la Seconde Guerre mondiale. Nous trouvons que les Libanais s’en sortent relativement bien et très rapidement». En ces temps de mutation économique, il est cependant légitime de se demander comment le concept de supermarché adopté jusque-là tiendra le coup face aux géants qui envahiront bientôt le marché local déjà saturé? Le Libanais préférera peut-être la convivialité et la proximité des établissements auxquels il est habitué, et qui lui ressemblent, au rangement impeccable et à la netteté froide des hypermarchés à l’européenne.
Entre la chute du pouvoir d’achat des consommateurs, les nombreux frais supplémentaires, les difficultés logistiques, une concurrence féroce, la gestion d’un supermarché devient de plus en plus compliquée. Au Liban, le concept de supermarché vit le jour dans les années 70, pendant la guerre. Selon les critères adoptés par le syndicat des propriétaires des supermarchés, pour avoir droit au nom, un supermarché doit avoir comme superficie minimale 900m2. Selon les statistiques du ministère de l’Économie, il y aurait un peu plus de 100 supermarchés chez nous, dont une quarantaine seulement est affiliée au syndicat créé en 1993. Ce dernier œuvre pour mettre au point une différenciation entre minimarché, supermarché et hypermarché. Parmi les nombreux problèmes auxquels les professionnels sont confrontés, la...
Les plus commentés
Municipales : derrière les percées FL, des alliances parfois contre nature
Le Liban doit « apprendre de Chareh » : cette phrase pleine de sous-entendus d’Ortagus
Banana pschitt