Actualités - CHRONOLOGIE
Russie - L'acier des navires de guerre est revendu aux ferrailleurs Comment la flotte russe part en ... pièces détachées
le 12 décembre 1998 à 00h00
Quand la marine russe s’est mise à couler, les militaires de Vladivostok ont dû prendre les choses en mains. Viktor Kharine, 44 ans, est l’un de ceux qui ont tiré leur épingle du jeu. Il a vite compris qu’il y avait de l’argent à faire en dérobant de l’acier dans le dos de la puissante Flotte du Pacifique, son employeur. «Qu’est-ce que vous voulez, dit ‘l’entrepreneur’, ma femme ne m’autorise pas à me jeter à la mer pour me noyer». Ancrée dans le port de Vladivostok, la Flotte faisait autrefois la fierté des hauts dignitaires soviétiques. Aujourd’hui, elle a perdu quelque peu de sa grandeur : les officiers n’hésitent pas à dire ouvertement qu’ils ont été recrutés dans «la-flotte-qui-coule». Viktor Kharine est toujours employé dans l’une des branches de l’armada en perdition. Il travaille dans l’usine N° 198, qui a produit le métal utilisé dans la construction de certains des plus redoutables navires de guerre au monde. Aujourd’hui, l’usine n’est même plus protégée par des barrières ; elle est devenue inutile. Les bateaux qu’elle a aidé à construire sont revendus aux ferrailleurs des pays voisins, comme la Corée du Sud, pour être dépecés. Ses stocks d’acier risquaient donc de rester inemployés. C’était sans compter sur «Kharine et associés» qui leur ont rapidement trouvé un débouché. Tout est parti d’une constatation : à Vladivostok, le seul secteur économique en pleine croissance était celui de la construction de petits châteaux dans les environs de la ville, pour les nouveaux riches. Ceux-ci, connus sous l’appellation de «Nouveaux Russes», chapeautent leurs créations architecturales de toits en métal et ferment leurs garages avec des portes métalliques. «Ici, nous avions des tas de barres d’acier», résume Viktor Kharine, «et là-bas, de très riches clients. Il suffisait de faire le lien». Le militaire débrouillard a donc donné quelques coups de fils et a récolté sans peine ses premiers acheteurs. Quelques semaines plus tard, ce sont les clients qui venaient à lui et peu de temps après, il était à la tête d’une véritable entreprise. L’affaire de Viktor Kharine est née au cœur même de l’armée russe, un crime qui aurait pu le faire condamner pour trahison il y a quelques années de cela. Mais les règles du jeu ont changé. Même s’il admet qu’il est impossible de sortir le métal de l’enceinte qui protège le territoire de la Flotte sans être remarqué. Simplement, ses chefs «ferment les yeux». Il ne dit pas, cependant, s’il faut l’aide de quelques billets pour voir les portes de l’enceinte s’ouvrir devant un camion chargé de métal «à châteaux». Ces portes qui s’ouvrent devant Viktor Kharine sont d’ailleurs dans un piteux état. Cela fait longtemps que les étoiles rouges qui les ornent n’ont pas brillé. Le complexe militaire, bâti sur l’une des péninsules de la ville restée inhabitée, est recouvert d’un silence de mort. Un coin du territoire, protégé par des barrières, est occupé par l’ancien magasin d’armes. En face, se dresse un bâtiment sans grâce où l’on forme les jeunes recrues. À côté de lui se trouve l’usine N° 198 où Viktor Kharine a installé, tout au fond, son magasin de vente de métal. L’entreprise risque de ne plus y rester bien longtemps. Sauf s’il se met à exporter, ce qu’il estime peu probable, le marin entrepreneur va sans doute devoir fermer boutique. La crise financière du mois d’août en Russie lui a fait perdre ses meilleurs clients. Un de ses acheteurs, un financier qu’il a pris par hasard en voiture alors qu’il «faisait le taxi», lui a raconté sa chute. «Il a dit qu’il n’avait plus d’entreprise maintenant, plus d’argent, juste une grande et délirante maison. Ces gars vont bientôt devoir vendre leurs petits châteaux, mais qui va les acheter?».
Quand la marine russe s’est mise à couler, les militaires de Vladivostok ont dû prendre les choses en mains. Viktor Kharine, 44 ans, est l’un de ceux qui ont tiré leur épingle du jeu. Il a vite compris qu’il y avait de l’argent à faire en dérobant de l’acier dans le dos de la puissante Flotte du Pacifique, son employeur. «Qu’est-ce que vous voulez, dit ‘l’entrepreneur’,...
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