Pour Yamamoto, le créateur japonais, derrière ou au fond de chaque homme se trouve une femme. Il a donc proclamé que ses vêtements répondent à cette étrange vérité. En d’autres termes, ses créations peuvent être portées, avec le même bonheur, par chacun des deux sexes. Pour illustrer mieux sa théorie, à son dernier défilé en janvier passé, sa collection a été présentée par des femmes. Et quelles femmes! Charlotte Rampling, Inès de Fressange, Vivienne Westwood. Costume gris à pantalon flottant, tenue de brousse kaki, combinaison de pilote marron constellée de morceaux métalliques incrustés, portés par ces dames réputées féminines. L’argument, on le constate, était très bien défendu. La mode qu’il préconise se déroule selon le même principe: abolir toute différenciation: jeunes ou vieux, hommes ou femmes, laids ou beaux peuvent être égaux devant un modèle de Yamamoto. Ses créations Homme? Des costumes ciel, beiges ou noirs, à coutures en zigzag et chemise blanche, des manteaux-pelisse, très fluides, longueur cheville, réchauffés de cols châles en fausse fourrure lépoard bleuté. Des créations d’une élégance suprême présentées avec conviction par des femmes très peu masculines, dont les gestes et la démarche, très maîtrisés, se rapprochaient étonnamment de ceux des hommes. «Elles sont de loin plus convaincantes que les mannequins hommes», murmuraient les mauvaises langues. Les collections des autres créateurs japonais, installés à Paris, se rapprochent de la conviction de Yamamoto. Chez Issey Miyake, les manteaux molletonnés blancs ou noirs, imprimés de motifs batik, fermés d’un bouton sur l’épaule, ou les pantalons plissés autour de la taille sont de la veine du «sans sexe précis». Très curieux, les manteaux longs, longilignes, style bure de moine noire, porteurs d’une écharpe capuche qui enveloppe la silhouette de la tête aux pieds... Portables aussi bien par un prêtre bouddhiste, un dandy à la page, une abbesse ou tout simplement une femme frileuse... Un hiver unisex mais ni ridicule ni quelconque...