Actualités - CHRONOLOGIE
Pétrole - Réformes impopulaires ou crise économique La chute des prix place les pays du Golfe devant un dilemme
le 09 décembre 1998 à 00h00
La chute historique des prix du pétrole va obliger les pays du Golfe à choisir entre engager des réformes impopulaires ou subir la crise économique, estiment experts et responsables mercredi à Dubaï. «Les pays du Golfe ont un choix douloureux à faire, ils avaient habitué leur population aux subventions et ce mode de vie doit changer», affirme Naji Abi Aad, conseiller à l’Observatoire Méditerranée de l’Énergie, basé en France, en marge d’une conférence sur le pétrole aux Émirats arabes unis. À moins d’aller dans ce sens, a-t-il prévenu, «on peut s’attendre à une crise», traduite d’abord par une pression sur les taux de change des monnaies des pays du Golfe, dont les recettes budgétaires dépendent de 50 % à 90 % du pétrole, ainsi qu’une dépréciation encore plus forte de leurs bourses. Le marché boursier d’Arabie séoudite, premier producteur mondial de pétrole, a perdu plus du quart de sa valeur depuis le 1er janvier, et la Banque centrale séoudienne avait dû intervenir en été pour défendre le riyal, alors que la Bourse du Koweït a reculé de 35 % cette année et celle d’Oman de 47 % . Secoués par la chute du prix du baril, qui est tombé sous la barre des 10 dollars cette semaine, les pays du Golfe ont tous annoncé des mesures pour alléger le fardeau public, portant surtout sur la privatisation. Mais leurs gouvernements sont réticents à réduire les subventions des services publics – eau et électricité notamment – et à augmenter leurs ressources fiscales, mesures préconisées pourtant par les agences d’évaluation financière, dont Moody’s, pour pallier la chute dramatique des revenus. «De telles mesures risquent de provoquer un mécontentement populaire», estime M. Abi Aaad, ajoutant que les monarchies autocratiques du Golfe semblent de surcroît craindre les implications politiques de la fiscalité. «Davantage de taxes signifie davantage d’obligations pour les gouvernements et davantage de droits pour les populations, donc une nécessité de démocratisation», explique-t-il. Dans la plupart des pays du Golfe, les subventions de l’État couvrent tous les aspects de la vie des citoyens. Aux Émirats, l’État aide même les jeunes couples qui n’ont pas les moyens de se marier. À en croire un responsable pétrolier du Golfe, présent à la conférence de Dubaï, la nécessité des réformes est une idée bien ancrée désormais dans les esprits des dirigeants de la région, surtout que les cours du pétrole risquent de se maintenir à un bas niveau pour une période prolongée. «Personne, dit-il, ne sait quand les prix vont remonter, cela dépend de plusieurs facteurs dont la fin de la crise asiatique», qui a réduit la demande sur le pétrole et poussé les prix à la baisse. «D’après certaines estimations, ajoute-t-il, le rétablissement des économies asiatiques n’aura pas lieu avant l’an 2000, d’où l’urgence de la mise en place des réformes dans la région du Golfe car ce délai est difficile à supporter». Le prince héritier séoudien, Abdallah ben Abdel Aziz, qui s’est prononcé pour la «fin de l’État providence» et une ouverture du royaume aux investissements étrangers, semble rejeter catégoriquement tout changement des orientations politiques ultraconservatrices du royaume. «Ce qui est utile pour les gouvernements et les peuples est de réaliser que le boom pétrolier est révolu et ne reviendra pas, que nous devons prendre de nouvelles habitudes et un nouveau mode de vie», a averti le prince Abdallah au sommet des monarchies du Golfe, réuni à Abou Dhabi. «Nous accueillons favorablement la globalisation du commerce et des investissements, mais, a-t-il ajouté, nous refusons la globalisation des idées perverses qui se dissimulent sous des noms attrayants», a-t-il dit dans une allusion indirecte à la libéralisation politique. Faiblesse de la demande Par ailleurs, la demande pétrolière mondiale reste faible selon les prévisions de l’AIE qui a révisé en baisse de 650 000 barils par jour la consommation au quatrième trimestre 1998, alors que le prix du baril de brut s’effondre passant, lundi, sous la barre historique des 10 dollars. Dans son rapport mensuel sur les marchés pétroliers, publié mardi, l’Agence internationale de l’énergie souligne la persistance de stocks pétroliers très élevés. La douceur du climat dans les trois régions de l’OCDE explique en partie que les stocks des pays industrialisés n’aient baissé que de 90 000 bj en octobre. La demande pétrolière des pays de l’OCDE a chuté fortement en octobre, entraînant une baisse de la demande mondiale pour le quatrième trimestre 1998, d’environ 650 000 bj par rapport aux prévisions du mois dernier. Cependant, l’AIE maintient sa prévision d’augmentation de la demande de 1,4 mbj soit 1,9 % pour 1999. Face à une demande qui reste faible, les premières estimations indiquent que la production mondiale de pétrole a augmenté de 0,8 mbj en novembre à 75 mbj. Les pays non-Opep ont contribué à cette hausse pour environ 70 %. Quant à l’Opep, Irak exclu, sa production de brut a atteint une moyenne de 27,3 mbj en novembre. L’Organisation a décidé de réduire son offre de 2,6 mbj depuis le début de l’année jusqu’en juin 1999. Cet engagement a été respecté à 81 % , selon l’AIE. Les producteurs de l’Opep ayant dépassé leurs quotas sont le Nigéria, le Venezuela, le Qatar, l’Iran et l’Indonésie, soit au total 390 000 bj supplémentaires dont 150 000 pour le seul Nigéria. L’incapacité de l’Opep à se mettre d’accord sur de nouvelles réductions de production lors de la Conférence semestrielle de Vienne, ainsi que le difficile renouvellement de l’accord «pétrole contre nourriture» entre l’Irak et l’Onu, ont contribué à déprimer encore davantage les marchés. Une situation qui a provoqué une nouvelle chute des prix du pétrole en novembre où ils ont atteint leur plus bas niveau historique depuis 12 ans. L’AIE estime que la demande aux bruts de l’Opep et aux stocks, pour ce quatrième trimestre, a baissé de 500 000 bj à 28,1 mbj mais les prévisions pour 1999 ont été révisées en hausse de 300 000 bj à 27,3 mbj.
La chute historique des prix du pétrole va obliger les pays du Golfe à choisir entre engager des réformes impopulaires ou subir la crise économique, estiment experts et responsables mercredi à Dubaï. «Les pays du Golfe ont un choix douloureux à faire, ils avaient habitué leur population aux subventions et ce mode de vie doit changer», affirme Naji Abi Aad, conseiller à l’Observatoire...
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