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Actualités - REPORTAGE

Au théâtre Monnot - Rendez vous avec le verbe Hommage à Ounsi El-Hajje : indispensable poésie ..

Peut-on cerner l’insaisissable et formuler en termes clairs ce qui s’évapore comme du mercure ? Parler poésie, disserter littérature, déclamer un poème, est-ce cela faire vivre la poésie, par essence si fragile et si réfractaire à toute analyse ou théâtralité ? Le mieux serait peut-être de retrouver dans la solitude et à la lueur d’une lampe la beauté secrète de ces pages où dominent images, murmures, imprécations, et surtout une incantatoire musicalité... Autant de chemins pour mesurer la légèreté et la densité de ces mots qui restent finalement étonnement volatiles... Il y a plus d’une semaine en ce même théâtre et sur ces mêmes planches, on tentait de faire vivre le verbe de Georges Schéhadé aussi fuyant et impalpable qu’un songe... Aujourd’hui, le rendez-vous avec le verbe d’Ounsi el-Hajje est encore plus solennel. Six maîtres en littérature et langues (le professeur Ahif Sinno, Sarane Alexandrian, le docteur père Louis Pouzet, le Dr Henri Oueiss, le Dr Zahida Darwiche Jabbour et le Dr Henri el-Awitt) frayent le chemin avant qu’il nous soit permis de toucher au noyeau du fruit et d’entendre la voix du poète même et celle de Roger Assaf, récitant talentueux qui sait mettre les distances entre la magie des mots et le poids de la chair... Une soirée poétique est par définition anti... poétique ! Discours savant, sérieux, disséquant avec rigueur et honnêteté pensées, aphorismes, réflexions et fulgurances, et voilà que le verbe d’Ounsi el-Hajje est passé au tamis de la critique, du commentaire et de l’analyse. On écoute avec déférence ces propos pleins de sagesse et dévoilant la culture (immense!) et la portée (insoupçonnable!) du «dire» d’un poète, d’un intellectuel devenu le mage d’un royaume s’étendant des rives de la Méditerranée jusqu’au cœur du désert et des pays arabes grillés par le soleil... Toute cette glose impressionnante et d’une facture redoutablement universitaire, paraphrasant, éclairant, présentant, expliquant l’œuvre de l’auteur de l’Eternité volante (anthologie poétique établie et présentée par Abdul Kader el-Janabi-Sindbad-Actes Sud), aussi bien en arabe qu’en français, est certes d’un intérêt majeur mais le dernier mot, comme le dernier droit revient au poète... Que ce dire soyeux et incroyablement moderne (comment ne pas se référer alors à la vaste culture du brillant journaliste ?) soit dans la langue raffinée d’Eluard ou dans les superbes et fières intonations arabes, sa langue d’origine, ne change en rien la beauté d’une inspiration que rien n’embrigade. Nourrie d’une culture étrangère et conciliant avec subtilité le lyrisme oriental et la rigueur occidentale, l’œuvre d’Ounsi el-Hage permet une approche non seulement nouvelle mais une ouverture hardie aux multiples métamorphoses d’une création. Les fragments choisis révèlent ici plus d’une facette d’Ounsi el-Hajje. Des fragments qui ramènent en mémoire ce qui a secoué le monde arabe tant par sa forme innovatrice que par un contenu souvent révolutionnaire. Loin des rhétoriques vaines et emphatiques, loin des formulations creuses et stéréotypées, loin de l’éloquence facile et de circonstance, Ounsi el-Hage est celui qui eut la témérité de tordre le cou à la syntaxe et qui s’est adonné, avec courage, aplomb et élégance, à toutes sortes d’expériences et d’expérimentations littéraires et linguistiques pour restituer à la langue arabe sa vérité et sa transparence. Et défilent, comme une pellicule de film, ces mots. Des mots, des mots, des mots... Rappel non voilé d’un titre percutant d’un des livres d’Ounsi el-Hajje nous entretenant de l’importance et de la futilité – dangereux extrêmes – de ces vocables qui sombrent dans la nuit du temps. Les mots et l’éternité ? Oui en effet ils pourraient être facilement compatibles... Tant il est vrai que si les paroles s’en vont, les écrits restent... Bonne encre ne saurait mentir. Les mots, par delà la douleur, l’euphorie ou les scintillements qu’ils sont capables de provoquer, restent sans conteste des talismans, des témoignages, des actes de foi, des clefs pour la liberté, un engagement irrévocable, une prise de conscience, l’expression déchirante d’un amour, une part possible du rêve de l’humanité... Avec une voix grave et profonde, les traits un peu tirés, Ounsi el-Hajje a offert à un public recueilli et suspendu à ses lèvres son dernier poème intitulé : Nuages. Longue narration reprenant l’incontournable présence de la femme; une présence sécurisante, vivante, rédemptrice. Avec Ounsi el-Hajje, la poésie est une valeur et non l’illusion d’une valeur. Indispensable sa poésie l’est en ces temps terribles où l’on est saturé de bruits et d’images.
Peut-on cerner l’insaisissable et formuler en termes clairs ce qui s’évapore comme du mercure ? Parler poésie, disserter littérature, déclamer un poème, est-ce cela faire vivre la poésie, par essence si fragile et si réfractaire à toute analyse ou théâtralité ? Le mieux serait peut-être de retrouver dans la solitude et à la lueur d’une lampe la beauté secrète de ces pages où...