Actualités - CHRONOLOGIE
Thailande - Le discours d'Al Gore a suscité l'agacement de ses interlocuteurs La diplomatie du mégaphone plonge l'Asie du Sud-Est dans l'embarras
le 20 novembre 1998 à 00h00
La «diplomatie du mégaphone» américaine en Asie du Sud-Est, illustrée par l’appel à la démocratie du vice-président Al Gore à Kuala Lumpur, risque d’exacerber les tensions croissantes au sein d’une région privée de «leadership» politique et déstabilisée par la crise économique. Elle va entraîner les amis traditionnels des États-Unis, en particulier la Thaïlande, dans un délicat exercice d’acrobatie entre l’alliance américaine et la solidarité asiatique, estiment les analystes à Bangkok. Paradoxalement, relèvent-ils, elle pourrait se retourner contre les États-Unis, confrontés actuellement à des relations difficiles avec le Japon et accusés régulièrement d’«ingérence» par les régimes les plus autocratiques de la région. Dans un discours en marge du Forum économique Asie-Pacifique (APEC), qui a fait l’effet d’une bombe, Al Gore a rendu hommage à l’opposition malaisienne et aux mouvements réformistes dans les pays voisins. La Maison-Blanche a endossé ces propos qui ont immédiatement suscité la colère du gouvernement de Malaisie, embarras et agacement ailleurs, notamment à Singapour, sauf aux Philippines. Si le fond du discours de M. Gore a touché une corde très sensible en Asie, c’est la forme, la «façon dont il a mis les pieds dans le plat», qui a le plus choqué l’auditoire, souligne un diplomate à Singapour. Le Premier ministre néo-zélandais, Jenny Shipley, a parlé de «diplomatie du mégaphone». Alliée de longue date de Washington, la Thaïlande s’est efforcée jusqu’à présent de ne pas s’immiscer dans la polémique soulevée lundi par le plaidoyer de M. Gore en faveur des réformes démocratiques en Asie. «Je pense que la Thaïlande veut rester amie avec tout le monde, maintenir son ouverture vers l’Occident sans s’aliéner ses partenaires de l’ASEAN (Association des Nations du Sud-Est asiatique) et asiatiques», explique Nicola Bullard, spécialiste des questions régionales à l’université Chulalongkorn de Bangkok. «Mais en même temps, le mouvement (des Thaïlandais) tend vers une position occidentale et ils essaient d’entraîner lentement l’ASEAN avec eux», dit-elle. La Thaïlande, par la voix de son jeune ministre des Affaires étrangères, Surin Pitsuwan, s’est faite l’avocate avec les Philippines d’un «engagement flexible» au sein de l’ASEAN qui se substituerait au principe sacré de la non-ingérence. Dans l’autre camp, Birmans, Cambodgiens – qui frappent à la porte de l’ASEAN –, Vietnamiens et bien sûr Malaisiens regardent avec suspicion l’initiative thaïlandaise. «La Thaïlande a aujourd’hui l’occasion de prendre le leadership de l’ASEAN et d’avoir une plus grande visibilité dans la région», souligne un diplomate européen à Bangkok. En tout cas, en brisant le sujet tabou de l’APEC, la politique, Al Gore a mis en relief l’impuissance grandissante des pays asiatiques à parler d’une seule voix, selon les analystes. «Il est de plus en plus évident que le pouvoir politique de l’ASEAN et sa capacité à négocier s’amenuisent», explique Karn Karuhadej, un économiste régional. «Et sans coopération, pas de compétitivité», s’inquiète-t-il.
La «diplomatie du mégaphone» américaine en Asie du Sud-Est, illustrée par l’appel à la démocratie du vice-président Al Gore à Kuala Lumpur, risque d’exacerber les tensions croissantes au sein d’une région privée de «leadership» politique et déstabilisée par la crise économique. Elle va entraîner les amis traditionnels des États-Unis, en particulier la Thaïlande, dans un délicat exercice d’acrobatie entre l’alliance américaine et la solidarité asiatique, estiment les analystes à Bangkok. Paradoxalement, relèvent-ils, elle pourrait se retourner contre les États-Unis, confrontés actuellement à des relations difficiles avec le Japon et accusés régulièrement d’«ingérence» par les régimes les plus autocratiques de la région. Dans un discours en marge du Forum économique Asie-Pacifique (APEC),...
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