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Actualités - REPORTAGE

Société - Prêtres exorcistes, ulémas et médecins se penchent sur ce phénomène Possédes ou malades, une même obsession : le démon (photos)

Qui est Satan? Une «force métaphysique»? Un élément mystérieux inné dans l’être humain»? Une «énergie naturelle inconnue»? Le fruit d’une «imagination débordante»? Le «Mal» selon certaines religions? Autant d’interrogations qui réveillent de vieux mythes aujourd’hui enfouis dans l’histoire et qui, pour l’Église, seraient à l’origine des malheurs de monde. Selon un prêtre exorciste, le «Nouveau Testament désigne le démon comme un être personnel, invisible par lui-même, mais dont l’activité ou l’influence se manifeste, soit dans d’autres êtres (démons ou esprits impurs), soit dans la tentation. Mais la Bible fait preuve d’une extrême sobriété, se limitant à nous instruire de l’existence de ce personnage et de ses ruses, ainsi que des moyens de nous prémunir contre elles». C’est dans l’enseignement de Jésus, rapporté par les Apôtres, que l’Église reconnaît «l’inspiration de l’Esprit-Saint» et il est question de la guérison de possédés des démons. La description de la prédication de Jésus, rapportée par St. Marc, en est une preuve: «Le soir venu, quand fut couché le soleil, on lui apportait tous les malades et les démoniaques et la ville entière était rassemblée devant la porte, et Il guérit beaucoup de malades atteints de divers maux et Il chassa beaucoup de démons. Et Il ne laissait pas parler les démons, parce qu’ils savaient qui Il était» (Marc 1,32-34). La distinction entre les malades et les démoniques est évidente puisque Jésus fait taire les démons. Marc le rappelle et, d’une façon générale, le «Christ des évangiles revendique le pouvoir de chasser les démons, en le distinguant du pouvoir de guérir des malades». Que ce soit en Orient ou en Occident, le démon existe pour les Pères de l’Église. Dans la tradition chrétienne, cette croyance au démon est universelle. «Il est important pour nous, fait remarquer notre interlocuteur, de mettre en valeur la pensée du Magistère contemporain. Vatican II rappelle ainsi le rôle du Christ et de l’Église dans le monde de ce temps». Pour la foi des chrétiens, ce monde a été fondé et demeure conservé par l’amour du Créateur. Il est tombé certes sous l’esclavage du péché, mais le Christ, par la Croix et la Résurrection, a brisé le pouvoir du Malin et l’a libéré pour qu’il soit transformé selon le dessein de Dieu... Ainsi, un dur combat contre les puissances des ténèbres passe à travers toute l’histoire humaine». En 1972, le pape Paul VI devait affirmer, se référant à la situation de l’époque qu’il avait le sentiment que «par, quelques fissures la fumée de Satan est entrée dans le peuple de Dieu». D’où le doute, l’incertitude, la problématique, l’insatisfaction. Le prêtre exorciste cité plus haut précise: «On n’a plus confiance dans l’Église... et le pape a confié sa pensée: une puissance adverse est intervenue dont le nom est le diable, cet être mystérieux auquel St.-Pierre fait allusion, venu pour troubler les fruits du Concile œcuménique...». L’Église reconnaît l’existence du diable. Elle reconnaît son action dans le monde et son caractère personnel: le démon est «quelqu’un». C’est pourquoi l’Église interdit formellement toute «invocation des esprits», toute «magie» «blanche» ou «noire»; toute «invocation des morts», tout «spiritisme», car tout essai de ce genre «ne peut que faire appel à des êtres démoniaques». Dans ce contexte, «les bons esprits n’existent pas». Il est également fait allusion, dans ce même esprit, à l’interdiction par l’Église d’avoir recours à des «magiciens pour obtenir des nouvelles cachées, ou pour obtenir des résultats qui dépassent les possibilités humaines et qui font appel à des esprits». Séducteur du monde... Le révérend père Marwan Khoury, prêtre de l’ordre maronite mariamite, auteur d’un ouvrage sur le satanisme, se réfère à l’Enseignement de l’Église catholique universelle de Rome pour définir Satan, «le mal personnifié, l’être spirituel que l’on ne voit pas mais qui est perceptible à travers ses actes, exclu et combattu par le Christ». Ceci nous renvoie à l’article 2851 du Nouveau Catéchisme de 1991 qui, abordant la prière du Notre-Père, définit le Mal. Ce n’est pas «une abstraction mais une personne: Satan, le mauvais, l’ange qui s’oppose à Dieu, le diable (diabolos)... se jette en travers du dessein de Dieu, de son œuvre de salut accompli dans le Christ...». C’est le «père du mensonge», le «séducteur du monde». C’est par lui que le «péché et la mort sont entrés dans le monde» et c’est par sa «défaite» que la création sera «libérée». Au sommet de la hiérarchie nous avons Lucifer, (le plus beau des anges venu de la lumière), et d’autres tels que Ibliss (le malin...), Baazboul (la folie...), Isidoros (la transe...) Esmodos (les insultes...). Comme l’homme, l’ange est une création divine et, comme l’ange, l’homme peut «refuser l’amour de Dieu». Il peut se transformer en «mauvais esprit», il peut toujours se repentir, même avant la mort, sinon il plongera dans l’Absolu inchangeable». «En consacrant sa vie au diable, conclut, le père Khoury, on lui vend son âme, pour acquérir le pouvoir, la célébrité et l’argent. On se dresse également contre Dieu, en acceptant d’être le serviteur du diable. On devient un être totalement dépendant de Satan, possédé et infecté par le mal». Mauvais, malins, usurpateurs, perturbateurs... «J’ai été créé à partir du feu, et l’homme à partir de la poussière. Je suis donc plus important que lui. Mes flammes sont le symbole de ma puissance sur l’être humain». C’est, en quelque sorte, en ces termes qu’aurait réagi Satan devant la création de l’homme, refusant ainsi d’obéir aux lois divines. Satan prend le parti du mal. Son existence engendre le mal et pousse l’être humain à en faire de même. Après cette brève introduction, cheikh Yehia Rafii, spécialiste en affaires religieuses, magistrat sunnite de Beyrouth, expose les grandes lignes de la pensée musulmane, à ce sujet, celles vers lesquelles tout croyant devrait s’orienter: - «Rejet de Satan, symbole du mal dont l’objectif est l’incitation au mal». L’homme n’est pas «possédé» par Satan qui, par contre, nourrit son esprit de toutes les mauvaises intentions (pouvoir, argent, abus matérialistes, incitation au mal...) Le Coran met en garde contre les dangers de cette tentation. - À côté de Satan, un univers existe, habité par des «djinn» ou «esprits». Mauvais, malins, perturbateurs, usurpateurs, ils sont à l’origine du mal et peuvent occasionnellement «servir» en vue de «rendre service à quelqu’un». Ce sont des esprits qui «habitent» le corps et l’esprit humain. Ils sont dits «soufliyins» quand ils habitent le monde souterrain et «alwiyins» quand ils sont à l’extérieur. Ils peuvent prendre des formes humaines ou animales, ne sont pas vus par tout le monde et vivent des milliers d’années. - Quand on dit que l’homme est «possédé», c’est le «djinn» qui l’habite. - Les être humains peuvent faire appel aux «djinns». Certains y trouvent même du plaisir et peuvent obtenir des avantages matériels. La science : dysfonctionnement interne du sujet Orientés par l’Enseignement du Coran, les croyants se retrouvent face à deux phénomènes: Satan et les esprits dits«djinns». La «foi et la prière devraient permettre de les éviter, ajoute cheikh Rafii, qui fait aussi allusion à ce que l’on appelle la «katibé», «un phénomène pouvant nourir aussi bien le mal que le bien. Il relève de la magie et sert des intérêts variés. Des experts s’adonnent à ce genre d’activité. Certains, honnêtes, le font sans but lucratif et au nom du bien. D’autres l’exercent dans un but purement commercial». «Ces déviations vers le mal, fait remarquer notre interlocuteur, sont le reflet d’une société fatiguée, aux multiples confessions, à visage matérialiste où le système risque souvent de faire émerger le goût de l’argent et du pouvoir, justifiant ainsi ces mauvaises orientations vers le mal et la perte des valeurs religieuses, de la foi et de l’amour de Dieu». C’est au cours d’une conversation à bâtons rompus avec le professeur Élie Karam, docteur en psychiatrie, responsable du programme de psychiatrie et de psychologie à l’Hôpital St-Georges que, nous avons abordé l’approche scientifique, voire psychiatrique de ce phénomène satanique. A priori, dit-il il, n’est pas du «ressort de la psychiatrie de dire que ceux qui sont affiliés à des mouvements sataniques sont nécessairement possédés et de considérer ces mêmes personnes qui professent leur foi en Satan, au lieu de la porter vers Dieu, comme nécessairement adorateurs de Satan ou d’autres forces occultes du Bien ou du Mal». «Nous avons face à nous, poursuit le professeur Karam, des cas qui considèrent que le diable leur est hostile. Pour d’autres, il oriente leur vie. Certains se croient possédés parce que leur entourage le déclare. Il y a aussi ceux qui se sentent manipulés par des forces électromagnétiques qui, dans la plupart des cas, enveniment leur vie quotidienne». Plusieurs variantes dans certains cas seraient à l’origine du dysfonctionnement interne du sujet. Elles se résument en quatre points : – Le «dépressif psychotique» : il se culpabilise en se considérant à l’origine des malheurs du monde. – Le «schizophrène» (cas rares) : il présente des délires et croit que le diable agit contre lui. – Le «maniaque psychotique». – Les «superstitieux» (ils sont nombreux) ; ils croient aux forces occultes négatives extraordinaires. Ils s’adressent souvent à des personnes susceptibles de conjurer le mauvais sort. Psychiatrie et croyance religieuse Les problèmes sont davantage liés aux risques extérieurs qui font dévier la véritable source de la «maladie» et les «dispositions favorables» que peut présenter une personne. «La psychiatrie n’a pas à s’attaquer aux croyances religieuses, fait remarquer le Dr Karam, encore moins à soulever le problème de l’existence du démon ou de sa négation, même si, à un moment donné, des psychiatres, à travers des écrits, se soient penchés sur ce phénomène. Aucune preuve n’a été établie, et rien n’est probant. Nous traitons des cas de malades et non des cas de possédés». «Certains cas se présentent chez des psychiatres et se disent “possédés”. Ils exigent d’être “exorcisés”. Nous ne sommes pas contre, mais il faut se prêter à l’évidence : la personne concernée ou la famille doivent savoir que des risques existent et, si l’exorcisme doit être fait, autant que ce soit fait dans un milieu protégé par des exorcistes sérieux et bénévoles. En conclusion, l’approche psychiatrique prend en compte les points suivants : – La compréhension du cas et tous les facteurs psychosociologiques et médicaux qui varient d’un sujet à un autre. – Le traitement est psychothérapique. Il se fait en fonction des variantes scientifiquement reconnues. – Les phénomènes «fantasmagoriques» ne sont pas ignorés, mais il ne leur est pas accordé trop d’importance. – L’entourage et l’environnement du patient ne doivent pas être écartés. De la sublimation au processus d’identification «L’être humain ne sait plus, par les temps qui courent, sur quel pied danser. Moins il connaît (la connaissance étant un des facteurs de blocage aux esprits dits “démoniaques”), plus il risque d’être manipulé par, soi-disant, des “forces négatives” signale le professeur Karam. Tout devient tributaire du Bien et du Mal. De la sublimation au processus d’identification, le sujet se reconnaît à travers son vouloir (d’inspiration freudienne) et de tas de messages, en fonction de ses besoins. C’est pourquoi, il ne faut pas exagérer la portée médiatique d’une sorte de message transmis à travers, par exemple, la chanson, la publicité, les textes anciens, la TV, le cinéma, la musique… L’être humain dépressif peut s’identifier, à un moment donné de sa vie, au contenu du message visuel ou sonore, sans pourtant être considéré comme ayant fait un soi-disant pacte avec le diable, encore moins ceux qui font dévier leur désir (pouvoir, sexualité…) vers la sublimation.
Qui est Satan? Une «force métaphysique»? Un élément mystérieux inné dans l’être humain»? Une «énergie naturelle inconnue»? Le fruit d’une «imagination débordante»? Le «Mal» selon certaines religions? Autant d’interrogations qui réveillent de vieux mythes aujourd’hui enfouis dans l’histoire et qui, pour l’Église, seraient à l’origine des malheurs de monde. Selon un prêtre exorciste, le «Nouveau Testament désigne le démon comme un être personnel, invisible par lui-même, mais dont l’activité ou l’influence se manifeste, soit dans d’autres êtres (démons ou esprits impurs), soit dans la tentation. Mais la Bible fait preuve d’une extrême sobriété, se limitant à nous instruire de l’existence de ce personnage et de ses ruses, ainsi que des moyens de nous prémunir contre elles». C’est...