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Doukkou Al Touboul : Nizar Kabbani, prince des poètes, à pas lents s'en est allé (photo)
le 01 mai 1998 à 00h00
Nizar Kabbani, «le prince des poètes» qui aimait tant Beyrouth, «reine de l’univers», est mort hier à Londres. Il avait 75 ans. Nizar Kabbani, célèbre pour ses poèmes d’amour, sensuels et romantiques mais également pour ses prises de position politiques, a été victime de troubles cardiaques qui s’étaient déclarés l’automne dernier. Le président syrien Hafez el Assad a envoyé un avion spécial pour rapatrier la dépouille mortelle. L’inhumation aura lieu, selon les vœux du poète, dans le caveau familial, dans le vieux Damas. Né en 1923, diplômé en 1945 de la faculté de droit de Damas, Nizar Kabbani a opté pour la carrière diplomatique, occupant jusqu’en 1966 les postes de chargé d’affaires et de conseiller culturel dans les ambassades syriennes d’Egypte, de Turquie, de Chine et d’Espagne. Il publie son premier recueil de poèmes, «La brune me l’avait dit» en 1944. Suit «L’odeur du jasmin de Damas». En 1952, c’est la parution de «La jeunesse d’un saint». Poète des causes sociales, il compose la même année un poème qui fait scandale, «Du pain, du haschiche et la lune». Fait unique, le Parlement syrien se réunit pour juger des écrits de Kabbani qualifié d’«athée provocateur, indigne de représenter son pays à l’étranger». En 1967, suite à la déroute arabe, il publie «En marge du journal de la défaite». Engagé politiquement, il écrit cette auto-critique de l’indétermination du monde arabe et de ses nombreuses erreurs. Quand on lui reprochait la dureté avec laquelle il critiquait les Arabes, il disait «âkher el daa’ al kay», le dernier remède c’est la cautérisation par le feu. Installé à Beyrouth au milieu des années soixantes, il disait ressentir «une immense tristesse en voyant tout le mal qu’on fait» à cette ville. Dans une interview à «L’Orient-Le-Jour» en 1977, à l’occasion de la parution de «A Beyrouth la femme, avec mon amour», il indiquait: «Je vis à Beyrouth depuis dix ans. Elle est pour moi la mère, l’amie et l’aimée. Et il n’est pas aisé de garder son calme et son équilibre lorsqu’on voit son aimée brûler devant soi d’une manière gratuite et absurde». Il poursuivait, «ce livre est un cri! Il est la défense d’une ville qui m’a donné quelque chose de très important, la poésie. (...) Quoi que l’on puisse dire de Beyrouth, elle reste une femme poétiquement provocante. On peut certes lui reprocher d’être superficielle et de s’embellir d’une mince couche de vernis. Mais outre cet attrait épidermique, je lui vois, pour ma part, une sainteté poétique. C’est celle de Beyrouth des profondeurs, Beyrouth qui lit et écrit, Beyrouth de la liberté. C’est une ville qui reste prodigue en liberté, au moment où il n’existe plus de liberté ailleurs, au moment où la liberté est devenue orpheline. Aucune autre ville au monde ne peut remplacer Beyrouth-qui-pense. Et c’est là son plus bel atour. Quand, dans cette ville, les maisons d’édition ont fermé leurs portes, le livre arabe a connu une crise. Et le monde arabe a eu faim et soif...» Marié deux fois, il avait eu deux enfants de son premier lit: Toufic, décédé et Hadba. Sa deuxième épouse Balkis, irakienne, avait trouvé la mort dans l’explosion de l’ambassade d’Irak à Beyrouth en 1981. Il en avait eu également deux enfants, Omar et Zeïnab. La femme était pour lui la compagne, l’inspiratrice, l’égale. «Je me suis rendu compte que la femme était plus qu’une poupée ou un objet décoratif. A partir de ce moment, j’ai commencé à l’appeler dans mes poèmes «ya sadikati» (mon amie) plutôt que «ya habibati» (mon amour)» disait-il. Dans son dernier recueil intitulé «La lumière de l’amour», il met en garde les Arabes: «Nous n’entrerons jamais dans le club des (peuples) civilisés si la femme, d’un morceau de chair, ne devient un champ de fleurs», et dénonce, d’une manière acerbe, une certaine image de la femme et un certain conservatisme arabe. Toujours irrésistible, il était venu, une dernière fois à Beyrouth, en décembre 1995. A Londres, il tenait un salon littéraire, avec sa nièce Rana, poétesse et écrivain, première épouse de Mahmoud Darwiche, actuellement mariée à l’écrivain anglais Patrick Seale. Jamais indifférent à ce qui se passait dans la région, il a dit sa peine face à Beyrouth qui se déchirait et son admiration pour les enfants de Palestine dans «Trio pour les enfants de pierre».«Ils ont magnifié le monde. Comme des lanternes, ils ont tout éclairé. Ils sont venus comme la bonne nouvelle. Ils se sont soulevés. Ils ont explosé. Ils sont morts. Et nous sommes restés des ours polaires. Au corps blindé contre la chaleur...» «Doukkou al touboul», demandait-il... pour qu’au rythme grave du tambour, l’âme des poètes sur terre égarée rejoigne les étoiles.
Nizar Kabbani, «le prince des poètes» qui aimait tant Beyrouth, «reine de l’univers», est mort hier à Londres. Il avait 75 ans. Nizar Kabbani, célèbre pour ses poèmes d’amour, sensuels et romantiques mais également pour ses prises de position politiques, a été victime de troubles cardiaques qui s’étaient déclarés l’automne dernier. Le président syrien Hafez el Assad a envoyé un avion spécial pour rapatrier la dépouille mortelle. L’inhumation aura lieu, selon les vœux du poète, dans le caveau familial, dans le vieux Damas. Né en 1923, diplômé en 1945 de la faculté de droit de Damas, Nizar Kabbani a opté pour la carrière diplomatique, occupant jusqu’en 1966 les postes de chargé d’affaires et de conseiller culturel dans les ambassades syriennes d’Egypte, de Turquie, de Chine et d’Espagne. Il...