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Il clame l'injustice, il réclame la liberté Marcel Khalifé au TDB : un lamento talentueux (photo)
Par GEMAYEL Aline, le 30 avril 1998 à 00h00
Marcel Khalifé est au Théâtre de Beyrouth jusqu’au 10 mai, tous les soirs à 20h30. «Fil bâl oughniya», chant en tête, une révolte contre l’injustice et la barbarie, mais également un hymne à la beauté... Marcel Khalifé entouré de son «Roubaï al mayadin», (quatuor des forums) a entonné une mélopée en mémoire de la Palestine, en mémoire de toutes ces années pendant lesquelles les illusions se sont perdues; la complainte d’un désenchanté qui n’en revient toujours pas d’être revenu de tout... Dans un dépouillement complet, les planches du Théâtre de Beyrouth accueillent Marcel Khalifé et Charbel Rouhana, au oud, Antoine Khalifé au violon et Sarkis Kochkarian à la contrebasse. Les musiciens sont en noir et blanc, la scène est drapée de noir, «nous nous voulons loin des couleurs criardes qui sévissent dans le pays, actuellement», dit Khalifé. Le quatuor entame une nouvelle orchestration d’une des chansons dédiées à «Rita». Les quatre instruments à corde qui jouent de concert donnent une densité auditive que le oud de Marcel Khalifé, qui monte soudain en solo, semble emporter vers des sommets... de tendresse. «Naltaki ba’da kalil...» (nous allons nous retrouver bientôt) chuchote la voix éraillée, lourde de sentiments. Entre Marcel Khalifé et le public, le dialogue est permanent. Comme devant une assemblée d’amis, avant chaque chanson l’artiste engage la conversation, explique, confie ses impressions... «Wou’oud fil assifa», c’est un texte de Mahmoud Darwich, «que j’ai chanté pour la première fois devant une centaine de personnes» se souvient-il. «On nous avait accusés, à l’époque, de détruire la chanson arabe. Nous sommes fiers de le faire encore une fois, dans une nouvelle mouture...» Ces «promesses dans la tempête» sont une déchirure, plaie ouverte sur des lendemains noirs d’incertitude... Pour «Takbourou fil aamari», Oumayma el-Khalil, «qui nous accompagne depuis qu’elle a douze ans» indique Marcel Khalifé, entonne a capella l’histoire d’«un enfant qui écrit sur les murs; un enfant qui a vu le feu pousser entre ses doigts...». Sa voix limpide monte comme une oraison funèbre, une plainte pour tous les enfants de la région, coincés dans un sombre quotidien... La jeune femme enchaîne avec «‘Ousfour tall min el- choubbak», dédiée à tous les prisonniers d’ici et d’ailleurs. Un oiseau paraît à la fenêtre d’un enfant, lui demandant de le cacher des voisins qui veulent l’enfermer dans une cage... Cet oiseau, c’est chaque homme qui se bat pour conserver sa liberté. La musique s’égrène comme les secondes qui fuient emportant la vie. Les paroles se désespèrent et la musique s’essouffle en une fugue sans issue. Le silence qui enveloppe la salle confine au recueillement. «Vous êtes gênés par ce calme?» demande Marcel Khalifé, mi-amusé, mi-surpris. «Khaef men el amar» encore un texte de Mahmoud Darwiche. La musique accompagne une poésie tout en métaphores... Suit une chanson de ghazal en hommage au héros mort. «Ya sabiyyé» se conjugue au rythme du déhanchement d’une jeune fille. «Bayna Rita wa ouyouni boundoukiya...», c’est la chanson-culte de Marcel Khalifé, celle qu’on entonne en chœur, comme un cri de ralliement. C’est aussi un hymne à la beauté et à l’amour... «Entre Rita et mes yeux un fusil... Il était une fois dans le silence du soir, ma lune est partie dans les yeux miel... La ville a balayé tous les chanteurs et Rita...» Mort ou exil, chaque départ emporte avec lui un peu de chacun, irrémédiablement. «Pas d’entracte», annonce Khalifé, «on termine et on rentre à la maison. On ne va pas trop vous fatiguer» lance-t-il. Oumayma el-Khalil chante Ahmad el-Arabi, a capella. Et c’est ensuite Marcel Khalifé qui chante «Jinssiyati» (mon identité). «Sans nom, sans appartenance, dans une terre que j’ai façonnée de mes mains...» s’insurge-t-il. C’est ensuite la complainte de l’enfant fasciné par un avion qui survole son village... y semant le feu et la mort. Pour finir avec «Fil bâl oughniya», en mémoire un air, le vague souvenir d’un temps de paix...
Marcel Khalifé est au Théâtre de Beyrouth jusqu’au 10 mai, tous les soirs à 20h30. «Fil bâl oughniya», chant en tête, une révolte contre l’injustice et la barbarie, mais également un hymne à la beauté... Marcel Khalifé entouré de son «Roubaï al mayadin», (quatuor des forums) a entonné une mélopée en mémoire de la Palestine, en mémoire de toutes ces années pendant lesquelles les illusions se sont perdues; la complainte d’un désenchanté qui n’en revient toujours pas d’être revenu de tout... Dans un dépouillement complet, les planches du Théâtre de Beyrouth accueillent Marcel Khalifé et Charbel Rouhana, au oud, Antoine Khalifé au violon et Sarkis Kochkarian à la contrebasse. Les musiciens sont en noir et blanc, la scène est drapée de noir, «nous nous voulons loin des couleurs criardes qui...