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Table ronde à quatre voix dans le cadre du forum sur la mondialisation et la francophonie Le multilinguisme, un moyen de lutter contre l'uniformisation
le 30 avril 1998 à 00h00
La francophonie peut-elle constituer une ligne de défense face à une mondialisation très redoutée? Par quels moyens est-il possible de freiner l’hégémonie anglo-saxonne, synonyme, pour beaucoup, d’un raz-de-marée générateur d’uniformisation et d’une série de clichés, pour la plupart aculturels? Ces deux sujets feront encore couler beaucoup d’encre. Il est évident qu’il est utopique de croire à la possibilité d’une seule réponse, comme l’a d’ailleurs montré la table ronde qui a été organisée au palais de l’UNESCO, sur le thème: «Promouvoir nos valeurs, nouer des alliances», dans le cadre du forum sur la mondialisation et la francophonie. La causerie à quatre voix, présidée par M. René Simard, recteur de l’Université de Montréal, était la deuxième de la journée d’hier. Comme peut-être le reste des assemblées générales de l’AUPELF-UREF, elle n’avait pas la prétention de résoudre la problématique que pose la mondialisation pour l’ensemble du groupe francophone mais d’offrir aux participants au forum un outil de réflexion en vue d’une organisation future. A tour de rôle, MM. Bernard Cassen, professeur à l’Université Paris VIII, Antonio Coimbra Martins, directeur de la branche parisienne du Centre culturel Calouste Gulbenkian, Marwan Hamadé, président de la commission parlementaire du Plan, et Michel Guillou, directeur général de l’AUPELF et recteur de l’UREF, ont chacun approché le problème sous un angle différent mais quand même convergent: la francophonie reste un atout extrêmement important face à la généralisation d’une culture «new wave», à condition de l’exploiter proprement. Contrairement à ses trois collègues, M. Bernard Cassen, également directeur général du Monde diplomatique, croit ferme qu’il est possible d’instituer des lignes de défense face à la mondialisation et de lutter donc contre ce phénomène. En gros l’idée qu’il développe est de parvenir à l’établissement d’un groupe francophone à l’image de l’Union européenne. Selon lui, la francophonie a les instruments nécessaires pour cela. «Les espaces à base linguistique ont un statut incertain, note-t-il, mais parmi ces espaces, la francophonie est le plus organisé car il s’est doté d’une charte, d’un plan d’action et d’une autorité», représentant pour lui la base d’une action à engager contre la mondialisation, même s’il reconnaît que cette organisation reste insuffisante. Pour lutter contre la mobilisation, idée qu’il défendra d’ailleurs farouchement lors du débat qui suit, M. Cassen prône le développement de ce qu’il appelle «l’espace public» francophone, constitué des différents acteurs sociaux des pays de la francophonie. Selon lui, les peuples peuvent dégager (notamment grâce aux techniques de communication) des projets «alternatifs à la mondialisation sauvage». M. Cassen note que sans cet «espace public», l’«espace politique francophone» n’a pas de légitimité avant de s’interroger sur le moyen de faire avancer simultanément les deux espaces en vue d’édifier un barrage devant la globalisation. L’orateur exprime dans ce cadre quelque scepticisme concernant le rôle des Etats «acteurs principaux» de l’espace politique francophone. «Il leur appartient, s’il le souhaitent, de promouvoir cette tendance en jouant franchement la carte du multilatéral et en multipliant le maillage». Il faut, relève-t-il, que l’Etat cesse de privilégier le bilatéral. M. Cassen donne l’exemple des Etats-Unis qu’il n’épargne pas, au passage, de ses critiques. «Il ne faut pas que les pays francophones jouent le même jeu. Ils doivent au contraire faire l’effort d’encourager sans arrière-pensée le multilatéral», affirme-t-il, en insistant sur l’exemple de l’Union européenne. Mondialisation et égalisation culturelle M. Antonio Coimbra Martins, ancien ministre portugais de la Culture, choisit une approche linguistique qu’il développe en comparant l’évolution et les contrastes des trois genres lingusitiques, hispaniques et lusophonique. Concernant la mondialisation, M. Martins estime qu’elle suscite trop de craintes en raison de «l’indéniable réalité qu’elle désigne, à savoir l’effritement de l’Etat-nation et l’affaiblissement des souverainetés nationales». A ses yeux toutefois, ce n’est pas la globalisation générale qu’on redoute, mais «la mondialisation économique et l’égalisation culturelle». «Je dirais que je crains spécialement pour ma part la sacralisation du marché. De tous temps les forces du marché ont joué leur rôle; seulement on n’a pas toujours tout fait, on n’a pas toujours abdiqué de tout autre préoccupation, pour faciliter et intensifier leur jeu. Et il ne me paraît pas évident que la croissance tant souhaitée, et présentée comme le remède à nos maux, ait découlé chaque fois et infailliblement de la compétition, de l’encouragement à la compétitivité forcenée, et de l’ouverture des vannes», déclare-t-il. C’est peut-être parce qu’il doute que la mondialisation soit une source d’égalisation culturelle et parce qu’il croit que chaque langue reste un véhicule de culture que M. Martins se dit opposé à une lutte contre la mondialisation. «Comme je crois vain et erroné de lutter contre la mondialisation, au lieu de la façonner, je dirais que l’on aurait tort de se servir de la francophonie, de l’hispanophonie, de la lusophonie comme lignes de frontière limitant l’accès de l’anglo-américain. La défense de ces trois langues ne requiert point de barrières dressées, mais des pédagogies efficaces, de la coopération, des aides à la création. La caractérisation de l’homme mondial est susceptible de dessins différents. Ce n’est pas un malheur que l’on ne puisse plus éluder la conscience inquiétante provenant de l’information à l’échelle planétaire. Les idéologies, les nationalismes ne permettent plus cette abstraction. La marche du monde paraît s’être accélérée, l’interpénétration des cultures s’est accentuée. On a certes raison de s’inquiéter pour les identités. Mais l’identité, non plus, n’est pas un absolu. Sauf celle que la mort procure, et encore...». Et l’on découvre ainsi qu’en développant une argumentation opposée à celle de M. Cassen, M. Martins a quand même fini, comme lui, par convenir de l’utilité d’un développement des espaces pouvant renforcer le rayonnement de la francophonie, de l’hispanophonie ou de la lusophonie. Hamadé: «L’exemple libanais et arabe» Ce terme précis de multilinguisme est revenu souvent dans l’intervention de M. Marwan Hamadé. M. Hamadé commence par faire remarquer que «l’information se regroupe depuis quelques années, pour mieux se redistribuer, en une sorte de supermarché planétaire. Bientôt une seule carte à mémoire sera obligatoire et nécessaire pour décliner son identité nationale, génétique, professionnelle. Cette même carte permettra de payer quoi que ce soit, d’être admis dans un hôpital ou d’obtenir un service public». «Depuis quelques années, poursuit-il, la révolution technologique, la transhumance des mains-d’œuvre et la migration des capitaux «multinationalisent» les firmes, élargissent au monde l’anonymat des porteurs d’action et imposent une nouvelle géographie de l’économie mondiale. Depuis quelques années, le déferlement médiatique, le matraquage publicitaire, la mainmise du super-grand sur les chaînes, les satellites, la production de cinéma et de télévision, entraînent une uniformisation des goûts, un laminage des aspérités culturelles, un clonage des comportements». M. Hamadé poursuit: «Ce phénomène, qu’il m’est demandé d’aborder dans le cadre de notre deuxième table ronde, sur le thème du multilinguisme et de la pluralité comme valeurs universelles, nous sommes bien placés ici même au Liban et dans le monde arabe pour en traiter à partir d’expériences vécues, parfois tragiquement, au fil des siècles écoulés et des années passées. Ne sommes-nous pas, autour de cette Méditerranée, les témoins de plusieurs «clashes de civilisations», en un espace-clos qui a vu à tour de rôle la domination linguistique du grec, avec un entracte araméen, du latin, de l’arabe, puis très partiellement du turc et très largement du français? Ne sommes-nous pas le plus souvent les nostalgiques de rêves impériaux qui se confondaient pratiquement avec le monde connu d’alors? Nous n’en serions donc ni à notre première mondialisation ni à une mondialisation près. Et de ce laboratoire du passé que fut le bassin méditerranéen avec son inventaire des contradictions d’antan en matière de langues et de diversité culturelle, on peut développer un véritable laboratoire de l’avenir où serait jaugé, examiné et prédit le sort du multilinguisme et de la multiculturalité dans le monde de demain». Et de poursuivre: «Sur ces rivages, qui ont vu la naissance de l’écriture, nous avons vécu, comme le rappelait il y a quelques jours ici même l’académicien Michel Serres, les grandes ruptures culturelles que furent le passage de la préhistoire à l’histoire, l’avènement de la renaissance européenne qui correspond à la découverte de l’imprimerie et nous voilà confrontés aujourd’hui à la nouvelle mutation que traduit l’explosion des énergies informationnelles. Or ce petit pays, le Liban, rivage des signes et des échanges, maîtrise précisément comme dans un mini-laboratoire cette correspondance entre le savoir et le récit, entre les chiffres et les lettres. Selon lui, c’est ainsi que le Liban a «appris, au-delà des susceptibilités qu’ont pu soulever d’abord les contraintes du mandat français ou, plus tard, le poids de l’interventionnisme américain trop souvent au bénéfice de l’usurpation israélienne, nous avons appris à maîtriser la pratique d’un véritable trilinguisme. Nous l’avons réussi spontanément (…). La spécificité francophone aura été de nous inscrire dans un espace multilingue tout en respectant la langue et la culture du pays partenaire c’est-à-dire les nôtres. Il faut reconnaître que cette langue et cette culture arabes ont résisté ailleurs — en Algérie par exemple — à des tentatives bien plus agressives de francisation. Mais là n’est ni notre propos ni notre sujet, bien que l’éclairage que je tente d’apporter à ce partenariat culturel et à cette coexistence linguistique franco-arabe a pour objectif de dédouaner la francophonie de tout soupçon d’hégémonie réductrice. Bien au contraire, l’exemple libanais illustre bien ce dialogue dans le respect et cette coopération fondée sur les valeurs communes. Aux côtés de l’arabe, langue nationale et officielle, souvent ultime refuge de l’identité collective, le français occupe désormais un créneau intellectuel qui résiste et résistera fort bien à l’avancée toute naturelle de l’anglais. Je dirais même que le français, langue d’apport culturel, a servi de pont — ou de tête de pont — à l’adoption par les Libanais d’une troisième langue, celle de l’utilité commerciale, et du transfert des données, comme des technologies. En somme une répartition judicieuse entre les chiffres et les lettres. Je n’ai pas évoqué l’arménien dont la survivance au Liban au sein de la communauté arménienne illustre bien l’effet de cette tolérance linguistique, respectueuse de la diversité culturelle sans porter ombrage à la langue nationale. Je n’ai pas non plus parlé des cursus scolaires qui laissent aux jeunes Libanais des options ouvertes pour leur enseignement supérieur. «De ce fait, poursuit-il, le multilinguisme s’articule au Liban autour d’une culture authentiquement nationale puisque notre pays aura été au siècle dernier le champion de la renaissance de culturelle arabe, la «Nahda» annonciatrice de la révolte contre le joug ottoman et de la résistance aux velléités de colonisation occidentales». (...) Pour le député du Chouf, «ce qui est aujourd’hui valable et expérimenté au Liban est en passe de le devenir — encore que timidement — pour plusieurs de nos frères arabes, en Syrie, en Egypte et dans les pays du Maghreb. (...) Un poète libanais qui se trouve être ma sœur défunte Nadia Tuéni se posait déjà la question politico-culturelle suscitée par l’écriture en français dans un pays où il existe une langue officielle autre, un pays naturellement inscrit dans ce monde arabe qui s’étend du Golfe à l’Océan. Avait-on affaire à des produits éphémères d’une génération de colonisés? Avait-on affaire à des produits de luxe ou plus simplement élitistes des missions culturelles? Or, plutôt que de succomber à la fracture culturelle ou même identitaire qu’auraient occasionnée les choix de langues, Nadia Tuéni invitait les Libanais à rejeter l’exclusion dans un sens comme dans l’autre. Communiquer, communiquer pour survivre, disait-elle. Puis se ravisant, elle appelait à communiquer pour vivre, dans un pays qui a si souvent flirté avec la mort. «Harmoniser ces cultures dont on dit qu’elles se heurtent, les présenter les unes aux autres, faire qu’elles se tendent le regard, c’est beaucoup et c’est tout», écrivait-elle en 1973». Le nouvel ordre politique Il poursuit en soulignant: «Vingt-cinq ans plus tard, la mondialisation aiguise les interrogations sur le devenir économique, le nouvel ordre politique et surtout, sur la maîtrise future de notre environnement culturel et linguistique. Car dans ce pays-laboratoire pour de nombreux géopoliticiens, dans ce pays-message selon le pape Jean-Paul II, tous les ingrédients d’une recette pour l’avenir planétaire sont réunis. Ces ingrédients, on les retrouve au niveau des inégalités économiques et sociales, comme des questions de démographie, des problèmes d’environnement comme des défis de sécurité, des interrogations politiques ou de la diversité communautaire. Parmi tant d’autres, les binômes Nord-Sud, Occident-Islam se posent ici avec l’acuitié que leur confèrent les passions d’Orient. Mais notre pays n’est pas qu’un tissu de problèmes. Il avance aussi des solutions qui transparaissent déjà dans la liberté de l’enseignement, dans la promotion du mutilinguisme, dans la juxtaposition tolérée des statuts personnels les plus divers. Il n’en fallait pas plus pour que l’UNESCO proclame Beyrouth capitale culturelle du monde arabe en 1999, ni pour que les pays ayant le français en partage décident d’y tenir leur neuvième sommet en 2001». (...) Pour M. Hamadé, «Si l’on apprend désormais à construire des nations sans frontières, si l’on autorise les doubles et triples nationalités, voire même l’appartenance à plusieurs communautés, c’est-à-dire la «multiallégeance», à plus forte raison apprendra-t-on non pas à maintenir des exceptions culturelles mais plutôt à ériger des solidarités culturelles, basées à la fois sur des valeurs universelles, c’est-à-dire propres à l’humanité entière comme sur des valeurs et des critères spécifiques à chaque ensemble ou communauté culturelle». M. Hamadé prévoit «que le monde arabe conservera son identité culturelle — dont il a si souvent enrichi, langue arabe à l’appui, le patrimoine mondial — mais cette identité ne sera en aucun cas statique et figée. Pas plus que ne le sera le créneau culturel français et européen et surtout la culture dominante américaine, celle de la généralisation et de l’uniformisation si redoutées(...)». «Plutôt que l’uniformisation ou la pluralité culturelle, continue le député, le développement de l’interculturalité se profile à l’horizon, c’est-à-dire la promotion d’un dialogue permanent entre les cultures et le renforcement de leur interaction, source de créativité et de progrès(...)». M. Hamadé poursuit en indiquant que dans le forum sur la mondialisation et la francophonie, «il nous est aussi imparti en cette deuxième table ronde de promouvoir nos valeurs et de nouer des alliances. C’est autour de ce thème que je voudrais conclure mon intervention. Si nous admettons que l’actuel modèle de développement est parti pour un demi-siècle; que le présent équilibre mondial ne sera pas sérieusement inquiété avant l’accession d’une Chine, d’une Inde ou d’un Brésil au podium des superpuissances; que la population du globe va s’accroître tout en vieillissant; que la technologie va continuer de bouleverser les modes de vie, pouvons-nous, autour de ces clefs d’un ordre annoncé, façonner, comme l’ont fait des générations précédentes, une utopie qui soit autre chose qu’une nostalgie romantique «de passé» révolu, ou un réveil identitaire incompatible avec la fin quasi inéluctable de l’Etat-nation?». «Si nous devons, comme il nous l’est proposé, promouvoir des valeurs, faisons-le donc sans aller à contre-courant de la mondialisation», lance-t-il avant de citer Peter Martin, rédacteur en chef du Financial Times, qui avance à ce propos «des arguments moraux». «L’intégration accélérée des sociétés, écrit-il, est la meilleure chose qui soit arrivée du vivant de la génération d’après-guerre». Pour M. Hamadé, «cette «obligation morale» de progrès sera confirmée ou démentie selon que la démocratie, le plein emploi, les libertés fondamentales prévaudront ou pas. Selon que les tenants de l’ordre mondial renonceront ou non à leur politique des deux poids et des deux mesures à l’encontre des peuples qui ne partagent ni la même culture ni les mêmes intérêts. Dans ce domaine, la défense de nos valeurs, celles que nous avons empruntées à la France ou celles que nous lui avons inspirées et que nous disséminerons pour les unes comme pour les autres, grâce aux réseaux et sites de la francophonie, dépendra largement du crédit que nous accorderons à ces valeurs et du sort que nous leur réserverons. L’avenir du français, langue en partage, et support d’une culture en partage, dépendra en définitive de notre résistance aux intégrismes de tous bords et de toute nature. A Paris comme à Alger, à Beyrouth comme à Montréal, Bruxelles, Dakar ou Hanoï, nous devrons faire les choix politiques et moraux que nous impose ce début de 21e siècle, essentiellement celui du respect des droits de l’homme, de tous ses droits y compris celui à la différence(...)». «Face à ces défis, ajoute M. Hamadé, c’est sur le plan moral que le nouveau contrat francophone trouvera donc ses meilleures chances d’apprivoiser linguistiquement la mondialisation. Nous l’avons eu avec l’exemple du microcosme libanais. Nous nous y préparons aujourd’hui, globalement, avec des nouvelles institutions, un nouveau secrétaire général et une réflexion qui s’intitule à bon escient «vouloir demain». Ce vouloir, c’est dès aujourd’hui, que nous pouvons, si nous le voulons, l’exprimer». Guillou: Des rêves pour l’avenir Dernier à prendre la parole, M. Guillou aborde le thème des rêves et de l’imaginaire pour le XXIe siècle, un rêve que la francophonie est à même d’assurer, estime-t-il. Il commence son intervention en s’interrogeant sur le point de savoir qui au XXIe siècle portera le rêve et l’imaginaire et c’est lui-même qui apporte la réponse: «Il semble indiscutable que seule une puissance économique, démographique ou politique en a à la fois les moyens et l’ambition». Les nations isolées seront pénalisées pour sauvegarder l’indépendance culturelle. Il note qu’en cette fin de siècle, c’est le rêve américain — «véhiculé par l’économie de marché, d’un monde sans frontières, acquis à une mondialisation uniforme et monolingue» — et le projet d’un monde qui exhorterait les individus, peuples et communautés à un repli sur des particularismes de toutes sortes qui tentent de dominer les sociétés. Il présente le premier comme étant presque destructeur même s’il séduit la jeunesse et considère que le deuxième ne peut s’exprimer dans un monde mondialisé qu’en engendrant la révolte. Pour l’avenir, il prévoit «de nouveaux mondes reposant sur de nouveaux rêves, numérique, biologique et spatial», tous résultant de la modernité. Et c’est là où la francophonie entre en jeu proposant à son tour «un rêve qui entend conjuguer le respect des identités et l’entrée dans la mondialisation et assurer un équilibre». A l’instar de M. Hamadé, le directeur de l’AUPELF se déclare en faveur du multilinguisme en partant du principe qu’il ne sera pas possible sans cet élément d’«appréhender d’autres cultures et d’autres civilisations et de travailler dans le monde de demain». Dans le même temps, il souligne la nécessité d’assurer la démocratie d’une mondialisation équilibrée. M. Guillou énumère les apports de la francophonie qu’il présente comme «un espace de vie», considérant qu’elle doit «promouvoir l’innovation, la recherche d’une excellence partagée, qui rejette l’exclusion de manière à parcourir en tête les chemins du futur qui nous conduiront à assumer les mondes nouveaux de demain». Il poursuit en insistant sur le rôle des médias dans la promotion de la francophonie, ainsi que sur le partenariat d’entreprises. Et pour lui, la mondialisation peut être le catalyseur d’un changement: «Certains prédisent que la mondialisation entraîne avec elle des risques de perte d’identité. Le risque est là. Mais il faut inverser la donne, prendre le problème à contresens». Le débat qui suit est axé sur la mondialisation. Parmi l’assistance, des voix s’élèvent pour souligner que la francophonie doit favoriser l’interaction des cultures. C’est là un point sur lequel tout le monde semble s’accorder, et aux craintes exprimées par quelques intervenants, les conférenciers répondent en soulignant la possibilité d’exploiter le multilinguisme en vue de lutter contre l’hégémonie culturelle et linguistique. Dans ce cadre précis, la francophonie peut jouer un rôle important pour devenir «un acteur dynamique et un passeport d’accès à la modernité» que véhicule aujourd’hui le monde anglo-saxon, note M. Hamadé, pendant que M. Martins parle de possibilité d’apprivoiser la mondialisation. Un point de vue que M. Cassen conteste fortement puisqu’il souligne le risque qu’il y a de se fondre dans la globalisation. Le débat prend fin sur cette note. Une troisième table ronde est prévue pour ce matin. Elle portera sur le thème de l’université reconfigurée.
La francophonie peut-elle constituer une ligne de défense face à une mondialisation très redoutée? Par quels moyens est-il possible de freiner l’hégémonie anglo-saxonne, synonyme, pour beaucoup, d’un raz-de-marée générateur d’uniformisation et d’une série de clichés, pour la plupart aculturels? Ces deux sujets feront encore couler beaucoup d’encre. Il est évident qu’il est utopique de croire à la possibilité d’une seule réponse, comme l’a d’ailleurs montré la table ronde qui a été organisée au palais de l’UNESCO, sur le thème: «Promouvoir nos valeurs, nouer des alliances», dans le cadre du forum sur la mondialisation et la francophonie. La causerie à quatre voix, présidée par M. René Simard, recteur de l’Université de Montréal, était la deuxième de la journée d’hier. Comme...
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