Actualités - ANALYSE
Dossier régional : les spéculations battent leur plein
Par K. E., le 30 avril 1998 à 00h00
Tout le monde à Beyrouth attend avec une pointe d’angoisse ce qui va se passer au niveau des relations israélo-palestiniennes, tant nos dirigeants ont réussi à lier le cas du Sud au dossier régional, complication dont ce malheureux pays se serait bien passé… Sur les résultats probables de la rencontre Arafat-Netanyahu- Albright du 4 mai à Londres, les avis des spécialistes locaux divergent. «Il n’est pas imaginable, dit un optimiste haririen, que l’impressionnant forcing diplomatique U.S. visant à débloquer le processus ne produise pas quelque progrès. Netanyahu, soumis devant Arafat à la pression de cette dame de fer qu’est Albright, va sans doute accepter un redéploiement médian à 11% en Cisjordanie, l’ouverture de l’aéroport et du port de Gaza. Après quoi, on se reporterait sur le double volet syro-libanais. Pour ce qui est du Sud, le traitement négociatoire du retrait israélien serait confié au secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan. Il assurerait, en personne ou par le truchement d’un délégué, la liaison entre Tel-Aviv et Beyrouth qui refuse des pourparlers bilatéraux directs. Simultanément, on relancerait les négociations israélo-syriennes du Maryland sur le Golan. Et dans quelques mois, tout irait bien mieux…». Selon cette même source informée, «notre position n’est à tout prendre pas si mauvaise. En se rendant à Lattaquié, le président Hosni Moubarak a apporté au Liban comme à la Syrie le soutien appréciable de l’Egypte en ce qui concerne l’application sans aucune condition de la 425 comme en ce qui a trait à la reprise des tractations se rapportant au Golan. Une solidarité utile parce que, c’est bien connu, le gouvernement égyptien est considéré comme assez proche de Washington pour y être écouté. Et, dans une certaine mesure, comme il l’a prouvé en rencontrant Netanyahu, M. Moubarak a également l’oreille des Israéliens eux-mêmes pour qui les relations avec l’Egypte ont une importance certaine. Le chef de l’Etat égyptien a donc insisté auprès du premier ministre israélien pour qu’il fasse montre, pour commencer, de plus de souplesse à l’égard des Palestiniens. Et pour, qu’ensuite, il respecte la légalité internationale en appliquant la 425 sans poser de condition et en s’apprêtant à restituer le Golan à la Syrie conformément à la 242 comme à la 338. M. Moubarak a souligné que le maintien du blocage à cause de l’intransigeance de Tel-Aviv provoquerait dans la région des secousses, des cycles de violence, une instabilité globale qui affecteraient gravement cette « priorité absolue de la sécurité» israélienne dont le Likoud se fait le chantre. Autrement dit, il a rappelé à Netanyahu qu’en continuant à avoir une attitude rigide, il desservait ses propres objectifs ainsi que l’intérêt d’Israël tel que lui-même l’interprète. Un argument renforcé par l’avertissement de Madeleine Albright qui relève que la région «est entrée dans une phase de danger critique extrême» ajoutant que «nous nous trouvons confrontés aujourd’hui à la possibilité d’un brusque coup d’arrêt et de recul de l’opération de paix». «Parallèlement, enchaîne cette personnalité, la visite que le chef de l’Etat syrien compte effectuer en France dans la seconde moitié de juillet revêt plus d’importance pratique qu’on ne saurait tenter de le croire a priori. Il est vrai que les Français ne sont pas les Américains et sont loin d’avoir au plan régional l’influence de ces derniers. Mais sur le volet libanais, qui est considéré comme une clé pour l’ouverture du dossier Golan, ils peuvent être bien plus utiles que les Américains. En effet, outre leurs relations privilégiées avec les Libanais, ils forment l’ossature même de la FINUL, qui a de bonnes chances d’être le principal instrument de transition dans le cadre d’un retrait israélien du Sud; et ils proposent du reste d’augmenter le cas échéant les effectifs de leur contingent de 3.000 hommes. D’autre part, sur le plan psycho-politique, la visite en France de M. Assad — que le président Hariri a contribué à préparer — est susceptible de stimuler une émulation américaine, car Washington voit rarement d’un bon œil Paris se mettre en avant au Proche ou au Moyen-Orient, zones qu’il considère un peu comme chasse gardée…». Mais un autre officiel libanais, tout aussi bien placé pour analyser, estime pour sa part que «la rencontre de Londres entre Arafat et Netanyahu sous l’égide d’Albright ne va pas donner grand-chose. Même devant Clinton, Netanyahu n’a pas fléchi. Pour le chef du Likoud, les principes de Madrid, les négociations du Maryland qui en ont découlé, voire les accords d’Oslo, n’existent pas. Il a brigué les suffrages des Israéliens en base du double thème , tout à fait complémentaire à ses yeux: la sécurité plutôt que la paix et, à cette fin, la conservation de la plus grande partie des territoires occupés, assortie d’un renforcement de la politique de colonisation même et surtout dans la Jérusalem arabe. Ce n’est pas devant une dame ni devant un Abou Ammar vieillissant, qui du reste multiplie les concessions sans même qu’on le lui demande, que l’extrémiste sioniste va flancher. On ne doit pas oublier que l’homme considère l’exercice de la politique comme une sorte de vengeance personnelle contre les Arabes, parce qu’il y est venu quand son frère a été tué lors de l’opération sur Entebbé. S’il fait mine d’accepter de discuter de temps à autre, c’est pour gagner du temps et alléger les pressions multilatérales — américaines, européennes et arabes — dont il fait l’objet. Mais il s’arrange pour garder le cap en définitive sur son seul véritable objectif: remplacer Madrid par un processus assurant l’hégémonie d’Israël ou alors garder le statu quo de ni guerre ni paix, et les territoires avec». «Aujourd’hui, souligne ce pessimiste, non seulement Netanyahu veut rogner complètement les proportions de redéploiement prévues dans les accords d’Oslo, c’est-à-dire ne rien rétrocéder en pratique de la Cisjordanie, mais il menace tout bonnement de réoccuper à terme les territoires rendus aux Palestiniens, si le Hamas n’est pas liquidé ou si Arafat s’avise de proclamer la création d’un Etat». «Certes, reconnaît cette personnalité, les pressions U.S. ont été rarement aussi fortes et Netanyahu ne peut pas totalement y échapper. Mais il y a de forts risques que, durant la rencontre de Londres, il se contente de faire des promesses qu’il s’arrangera pour mal tenir par la suite. Un genre de manœuvre qui lui est familier: c’est lui en effet qui a conseillé en 91 à Shamir, son chef de l’époque, de se rendre à Madrid quitte à tout entraver par la suite, comme l’ancien premier ministre israélien n’a pas hésité à l’avouer après avoir pris sa retraite». Mais Netanyahu jouerait avec le feu. Tout comme Albright, les Français, les Anglais, Moubarak et Kurt Waldheim ont mis en garde en effet contre les forts risques d’explosion régionale si le processus n’était pas vraiment débloqué. Waldheim, qui était secrétaire général de l’ONU lors de la promulgation de la 425, défend cette résolution et s’étonne qu’elle ne soit pas appliquée telle quelle. Mais il faut dire qu’il ne porte pas spécialement les sionistes dans son cœur depuis qu’ils l’ont accusé d’avoir fait partie des S.S. en son jeune âge. Boutros Boutros-Ghali quant à lui pense qu’on va encore faire du surplace, que la FINUL va poursuivre au Liban-Sud une mission de routine, sans changement de statut et que le statu quo va finalement se maintenir malgré les déclarations israéliennes «reconnaissant» la 425…
Tout le monde à Beyrouth attend avec une pointe d’angoisse ce qui va se passer au niveau des relations israélo-palestiniennes, tant nos dirigeants ont réussi à lier le cas du Sud au dossier régional, complication dont ce malheureux pays se serait bien passé… Sur les résultats probables de la rencontre Arafat-Netanyahu- Albright du 4 mai à Londres, les avis des spécialistes locaux divergent. «Il n’est pas imaginable, dit un optimiste haririen, que l’impressionnant forcing diplomatique U.S. visant à débloquer le processus ne produise pas quelque progrès. Netanyahu, soumis devant Arafat à la pression de cette dame de fer qu’est Albright, va sans doute accepter un redéploiement médian à 11% en Cisjordanie, l’ouverture de l’aéroport et du port de Gaza. Après quoi, on se reporterait sur le double volet...