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Au cours d'une conférence organisée par la Fondation Joseph et Laure Moghaizel Boutros-Ghali : il n'y a pas de démocratie au niveau des relations internationales (photo)
Par B. S., le 30 avril 1998 à 00h00
«Il n’y a pas de démocratie actuellement dans les relations internationales, bien que le nombre de pays ayant choisi d’adopter la démocratie comme système politique ait décuplé dans les dernières années», a déclaré hier M. Boutros Boutros-Ghali. «Il faut s’interroger aujourd’hui sur les moyens qui permettent d’instaurer la démocratie au niveau international», a ajouté le secrétaire général à la francophonie au cours d’une conférence sur le thème «La démocratie dans les relations internationales», qu’il a donnée à la salle «Issam Farès» au campus de la faculté de médecine de l’AUB, à l’invitation de la Fondation Joseph et Laure Moghaizel. Par ailleurs, la remise des prix Joseph et Laure Moghaizel pour la paix civile et les droits de l’Homme a précédé la conférence de M. Ghali. Exceptionnellement cette année, le prix a été décerné à deux associations, «Amel» et le Mouvement social. Ont remis les prix aux représentants de ces associations M. Ross Mountain, directeur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), M. Ghassan Tuéni, ancien ambassadeur et ministre, et Mme Nada Moghaizel, représentant la Fondation (M. Tuéni et Mme Moghaizel font partie du jury). Le mot d’introduction a été prononcé par Mme Leila Harb, représentant l’Association des droits de l’homme, qui a précisé que «le montant du prix est de 5000 dollars». Elle a également annoncé la publication du livre «Joseph Moghaizel, histoire de militantisme et d’amour» de notre confrère du «Nahar», Nicolas Nassif, aux éditions «Dar el-Moukhtarat». Après la remise des prix, M. Fadi Moghaizel, président de la Fondation, a présenté son hôte de marque en rappelant «ses accomplissements au secrétariat général de l’ONU, notamment sa prise de position héroïque lors du massacre de Cana par les Israéliens (en avril 96), ainsi que son attachement au Liban et à sa souveraineté». Tout en constatant que les relations internationales ne se caractérisaient pas par un esprit démocratique, M. Ghali a donné les raisons de ce phénomène: «Alors que la démocratie au niveau national dépend d’individus et d’instances capables de contrôler les décisions qui y sont prises, la démocratie mondiale dépend de nations et d’organisations mondiales, sans qu’il n’existe un «gouvernement mondial» capable d’infliger des pénalités en cas de malfonctionnement. De plus, l’opinion publique, qui est par ailleurs très intéressée par les démocraties nationales, se désintéresse encore, ou n’est pas assez informée, sur le concept de démocratie mondiale». Regard critique M. Ghali a par ailleurs posé un regard assez critique sur l’ONU, dénonçant le peu de démocratie de son système et l’hégémonie politique des grandes puissances qui la caractérise. «Les décisions qui sont prises par le Conseil de Sécurité répondent à des impératifs politiques qu’à un souci de justice et d’égalité», a-t-il dit, répondant à une question. Afin d’instaurer une meilleure démocratie au niveau des relations internationales, M. Ghali a proposé plusieurs stratégies: 1. Développer l’intérêt des nations pour les questions d’importance internationale, afin qu’elles contribuent à changer le système: aujourd’hui, les trois quarts des pays laissent aux grandes puissances le soin de gérer la politique internationale. Or, il ne faut pas penser qu’un pays dit faible n’a aucun rôle à jouer au niveau mondial. 2. Apporter les modifications nécessaires au sein du système de l’ONU afin d’y apporter plus de démocratie. Ces modifications devraient se situer au niveau de l’organisation du Conseil de Sécurité (qui devrait devenir plus représentatif), et d’un plus grand soutien à la Cour internationale de justice. 3. Mettre en valeur le rôle des organisations mondiales diverses qui se comptent par dizaines et dont l’apport peut contrebalancer l’hégémonie de l’ONU, tout en représentant pour la communauté internationale une sorte de décentralisation. 4. Dynamiser la mission des organisations mondiales non-gouvernementales qui sont de plus en plus nombreuses à coopérer activement avec l’ONU sur plusieurs plans. 5. Faire participer les sociétés multinationales dans les relations internationales vu leurs moyens financiers énormes (40.000 sociétés ont un budget total de 2800 milliards de dollars, bien plus important que le budget de l’ONU), de façon à ce qu’elles contribuent à l’instauration de la démocratie et soient plus sensibilisées à des questions comme l’environnement par exemple. (Une personne du public a fait remarquer, dans le débat qui a suivi, que cela mènerait à une hégémonie financière sur le monde, ce à quoi M. Ghali a répondu que la manière d’atteindre ce but sans aboutir à une mainmise de ces puissances financières restait à débattre). 6. Coopérer plus étroitement avec les parlements et les instances juridiques des pays. Par ailleurs, parallèlement à la démocratie mondiale encore déficiente, M. Ghali a noté que «la démocratie comme système politique national a fait d’immenses progrès ces dernières années puisque le taux de pays ayant adopté ce système dans le monde est passé de 25% en 1977 à 70% aujourd’hui». Et d’ajouter: «Le courant de pensée dominant au début du siècle et qui ne concevait la démocratie que dans des pays stables économiquement et socialement, a été supplanté dernièrement par un courant contraire qui considère que le développement de l’économie ne peut se faire que sous l’égide d’un système démocratique. Mais, pour fonctionner, la démocratie doit d’une part être acceptée par le peuple, et d’autre part être soumise à des conditions très strictes: la paix, le développement économique, et l’interdiction aux partis qui ne croient pas à la démocratie de l’utiliser pour arriver au pouvoir et l’anéantir par la suite».
«Il n’y a pas de démocratie actuellement dans les relations internationales, bien que le nombre de pays ayant choisi d’adopter la démocratie comme système politique ait décuplé dans les dernières années», a déclaré hier M. Boutros Boutros-Ghali. «Il faut s’interroger aujourd’hui sur les moyens qui permettent d’instaurer la démocratie au niveau international», a ajouté le secrétaire général à la francophonie au cours d’une conférence sur le thème «La démocratie dans les relations internationales», qu’il a donnée à la salle «Issam Farès» au campus de la faculté de médecine de l’AUB, à l’invitation de la Fondation Joseph et Laure Moghaizel. Par ailleurs, la remise des prix Joseph et Laure Moghaizel pour la paix civile et les droits de l’Homme a précédé la conférence de M. Ghali....