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Une nouvelle mesure est née en économie : le coefficient de confiance
Par DE HAUTEVILLE Gérard, le 30 avril 1998 à 00h00
Les théories économiques diffèrent entre elles, mais les sciences économiques restent exactes et font appel pour leurs fondements à des équations mathématiques précises. Pour autant, le facteur de confiance joue un rôle déterminant dans les processus économiques. Jusque-là, il n’avait aucune quantification. Hier, c’est à la Banque centrale du Liban que M. Naaman Khoury, directeur du département des statistiques, a présenté ses travaux. Ceux-ci ont permis de mettre en évidence, en équation, le coefficient de confiance baptisé «a» et qui sera dorénavant une variable à part entière dans les systèmes économiques. Les méthodes de calcul sont explicitées dans l’ouvrage intitulé «Biens monétaires et coefficient de confiance», disponible à la BDL. Peu connu du grand public, M. Naaman Khoury est d’abord un chercheur en économie. De formation centralienne et fort d’un doctorat en sciences économiques, il a intégré l’INSEE en France avant de prendre la responsabilité du service des statistiques de la Banque centrale du Liban. Nombre de ses travaux ont porté sur l’étude des biens monétaires. Les biens monétaires sont en fait les valeurs refuges dans lesquelles les placements s’effectuent lors d’anticipation d’une inflation monétaire ou d’un manque de confiance en général dans la monnaie nationale. Les biens monétaires ont donc un rôle dans les marchés monétaires. La confiance ou le manque de confiance intervient constamment dans la fluctuation des monnaies. C’est pourquoi il était important de quantifier ce facteur intervenant. Ainsi, si le coefficient «a» augmente et signifie un manque de confiance qui s’aggrave pour une monnaie, l’inflation risque aussi d’être en hausse. Dans une économie dollarisée, la dollarisation augmentera pour les mêmes raisons. Il est donc maintenant possible, grâce au système de M. Khoury, de quantifier ces effets. Plus loin, il est possible d’effectuer un rapport entre le coefficient de confiance, par exemple, dans le franc et celui du DM; le rapport en question indiquera la parité entre les deux monnaies européennes. Le coefficient de confiance est lié à la monnaie dont il sert de substitut et de valeur refuge; il est lié à l’inflation: on sent bien intuitivement que plus la confiance manque, plus l’inflation est élevée. Il est lié aussi au taux de change dans un système de change flottant. Il joue un rôle important dans les économies dollarisées: plus la confiance manque, plus la dollarisation augmente. Il est de même lié à la vitesse de circulation de la monnaie. Pour expliciter la notion de «biens monétaires», l’auteur, M. Khoury, a pris l’exemple d’un tableau de Picasso: si un agent possède un tableau de Picasso, ce tableau a pour lui deux utilités: l’utilité propre qui peut être décrite comme le plaisir de regarder le tableau et une utilité spéculative, en vue d’un échange futur. Ainsi, même si la personne n’aime pas le tableau de Picasso et qu’elle considère qu’il va gagner de la valeur dans le temps, ce même collectionneur va le garder dans le but de le vendre à un bon prix dans l’avenir. Ce tableau est alors un «bien monétaire». Maintenant, si le collectionneur aime le tableau et qu’en même temps il l’a acquis dans un espoir de spéculation, une partie de la valeur de cet objet est une valeur d’utilisation propre et une autre est spéculative. C’est alors que l’on peut calculer le coefficient de confiance établi par le rapport: «a» = Valeur monétaire Valeur totale La variation du nouveau coefficient, dont l’intervention dans différentes équations est largement démontrée dans l’ouvrage de M. Khoury, permet de révéler un certain nombre d’anticipations. Ainsi, même s’il n’y a pas d’accroissement de la masse monétaire, des tensions inflationnistes peuvent être révélées par l’indication du coefficient de confiance. En outre, comme nous pouvons le comprendre, la théorie des biens monétaires et des coefficients de confiance qui en résultent peut permettre d’expliquer et même de prévoir les fluctuations des taux de change entre deux ou plusieurs monnaies. La confiance vis-à-vis de la monnaie est une variable qualitative difficile à mesurer. Cependant, c’est aussi une variable stratégique et il est très important de pouvoir la cerner quantitativement. L’offre et la demande sur un marché donnent une indication précieuse sur la valeur de cette variable. Cependant, cela n’est pas suffisant pour en avoir une idée précise. Pour mesurer le coefficient de confiance «a» vis-à-vis de la monnaie, il suffirait, selon l’auteur, d’ajouter à l’enquête «budget de famille» le questionnaire suivant: — si le bien acheté est pour la consommation courante, alors «a» = 0; — si le bien acheté est en vue de spéculation, alors «a» = 1; — si le bien est acheté pour les deux raisons, alors «a» = 1/2. En tenant compte d’une pondération, le coefficient de confiance serait alors la moyenne de l’ensemble des réponses. Les biens achetés doivent contenir le stock de biens existants dans l’économie sur lesquels un échange a lieu et le flux de production ou un bien monétaire est déterminé par les achats d’anticipation de hausses de prix. Selon M. Khoury, si une telle enquête est menée dans l’avenir, les statisticiens pourraient chiffrer la confiance vis-à-vis de la monnaie et voir ses variations conjoncturelles. Dans la pratique, ces évaluations permettraient de mettre en relief la notion d’immobilisation dans le concept de la monnaie. En effet, la monnaie ne sert pas uniquement aux besoins des transactions, mais peut être immobilisée. Cette immobilisation peut prendre la forme de monnaie ou de biens monétaires. Dans ce cas, c’est comme si elle payait le prix du manque de confiance. Les applications de la théorie des biens monétaires sont donc concentrées autour des tensions inflationnistes. Dans une économie dollarisée, le taux de change est étroitement lié au coefficient de confiance. Les fluctuations du taux de change sont liées à ce coefficient. Si le déficit peut entraîner une hausse des prix, non seulement par son effet de gonflement de la masse monétaire, mais également parce qu’il peut aggraver le manque de confiance. Notons enfin qu’au Liban les fluctuations de la monnaie étant jugulées par la Banque centrale, l’accentuation de la dollarisation vécue ces derniers mois n’a pas relancé l’inflation pour autant; cela ne serait pas le cas si le régime du change était flottant.
Les théories économiques diffèrent entre elles, mais les sciences économiques restent exactes et font appel pour leurs fondements à des équations mathématiques précises. Pour autant, le facteur de confiance joue un rôle déterminant dans les processus économiques. Jusque-là, il n’avait aucune quantification. Hier, c’est à la Banque centrale du Liban que M. Naaman Khoury, directeur du département des statistiques, a présenté ses travaux. Ceux-ci ont permis de mettre en évidence, en équation, le coefficient de confiance baptisé «a» et qui sera dorénavant une variable à part entière dans les systèmes économiques. Les méthodes de calcul sont explicitées dans l’ouvrage intitulé «Biens monétaires et coefficient de confiance», disponible à la BDL. Peu connu du grand public, M. Naaman Khoury est d’abord...