Actualités - CHRONOLOGIE
Mai 68, version américaine Trente ans après, l'idéalisme est en déclin sur le campus de Berkeley
le 28 avril 1998 à 00h00
Berceau de la contestation des années 60, l’université californienne de Berkeley accueillait il y a trente ans des étudiants clamant leur volonté de «faire l’amour et pas la guerre». Aujourd’hui, leurs enfants sont plus soucieux de réussir leur carrière que de changer la société. «Il y a beaucoup plus de pessimisme et d’indifférence maintenant», estime Ben Chiang, 21 ans, un étudiant, alors qu’il prenait le frais sur une pelouse du campus. «L’idéalisme est en déclin», renchérit Joel Farkas, venu faire campagne en faveur d’une interdiction de la fessée. Jordan Riak, un quinquagénaire à la barbe grise qui se dit à l’origine d’une loi interdisant les châtiments corporels dans les écoles californiennes, estime qu’au siècle prochain, les manifestations se dérouleront dans les rues virtuelles de l’Internet. «Le web va restructurer l’activisme d’une façon incroyable», dit-il. Trente ans plus tôt, Berkeley était en ébullition, les étudiants affrontaient la police, le président de l’université affirmait que «la liberté de penser et d’étudier serait protégée par tous les moyens nécessaires» et le gouverneur de Californie, le futur président Ronald Reagan, dénonçait «la conspiration des éléments de la nouvelle gauche». C’était une époque «très déconcertante mais plutôt excitante», se souvient Donald Hansen, professeur de sociologie qui avait commencé à enseigner à Berkeley en 1968. Tout avait commencé en octobre 1964 avec le «Free Speech Movement», le Mouvement pour la liberté d’expression, créé un mois après que les autorités du campus eurent décidé de limiter l’activité des groupes politiques. En décembre, plus de 800 étudiants étaient arrêtés dans un des premiers «sit-in» de l’histoire de Berkeley. Panthères noires et brunes Deux ans plus tard, le parti des «Black Panthers», les Panthères noires, était fondé non loin de là, à Oakland, dans la banlieue de San Francisco. Les Hispaniques créaient les «Brown Panthers», les Panthères brunes, et tous cherchaient à accroître la représentation des minorités dans les universités. Ces mouvements — la lutte pour les droits civiques, la contestation de la guerre du Vietnam ainsi qu’un féminisme émergent — «se sont rassemblés en 1968», explique un autre sociologue, Troy Duster, lui aussi jeune professeur à l’époque et aujourd’hui directeur à Berkeley de l’Institut sur le changement social. En 1968, il avait été l’un des enseignants qui avaient parrainé un cours sur l’histoire des relations raciales aux Etats-Unis donné par Eldridge Cleaver, le leader des «Panthères noires». Dénoncé par Ronald Reagan, ce cours avait suscité de nouveaux troubles. Le 24 octobre, la police avait procédé à cent vingt arrestations. Le mois d’avril suivant, était créé «le parc du peuple» qui existe toujours et qui fut le 15 mai 1969 le théâtre d’une manifestation sanglante durant laquelle un étudiant fut tué et quelque 120 autres blessés. Le 10 mai prochain, un concert va célébrer le 29e anniversaire du parc. Trente ans plus tard, Troy Duster constate que les Etats-Unis «ont évolué vers la droite» et qu’aujourd’hui Berkeley «est surtout un souvenir», même s’il y demeure «une tradition d’activisme politique». En Europe comme Amérique, il y a «un sentiment d’échec de la politique progressiste», dit-il. Pour Donald Hansen, 1968 «a changé les attitudes envers la politique»: les gens, dit-il, sont devenus «plus cyniques et plus réalistes». Lui aussi relève que les «contestataires» d’il y a trente ans se sont embourgeoisés. «Il n’y a plus de fossé des générations», ajoute-t-il, estimant que les enfants ont aujourd’hui «une attitude très similaire à celle de leurs parents». Non loin du campus, sur le «parc du peule», une cinquantaine de sans-abri se chauffent au soleil en attendant la soupe populaire. «Les choses se sont certainement adoucies en trente ans», estime Sal Tuminello, allongé sur son morceau de carton. (AFP)
Berceau de la contestation des années 60, l’université californienne de Berkeley accueillait il y a trente ans des étudiants clamant leur volonté de «faire l’amour et pas la guerre». Aujourd’hui, leurs enfants sont plus soucieux de réussir leur carrière que de changer la société. «Il y a beaucoup plus de pessimisme et d’indifférence maintenant», estime Ben Chiang, 21 ans, un étudiant, alors qu’il prenait le frais sur une pelouse du campus. «L’idéalisme est en déclin», renchérit Joel Farkas, venu faire campagne en faveur d’une interdiction de la fessée. Jordan Riak, un quinquagénaire à la barbe grise qui se dit à l’origine d’une loi interdisant les châtiments corporels dans les écoles californiennes, estime qu’au siècle prochain, les manifestations se dérouleront dans les rues virtuelles de...
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