Le Parti social-démocrate (SPD) allemand a remporté dimanche l’élection régionale de Saxe-Anhalt, scrutin marqué par la débâcle de l’Union démocrate-chrétienne (CDU) du chancelier Helmut Kohl qui chute de près de 12,5 points, et l’entrée de l’extrême droite au Parlement, selon les premiers résultats officiels. Avec 12,9% des suffrages, l’extrême droite enregistre son meilleur score électoral depuis la Seconde Guerre mondiale, ce qui conduit la presse de lundi à parler d’un «dimanche noir» pour la démocratie dans l’ex-Allemagne de l’Est. L’Union du peuple allemand (DVU), fondée en 1987 par l’éditeur bavarois Gerhard Frey, ne fait en effet pas mystère de ses idées antisémites et xénophobes. Elle émerge dans la région la plus pauvre de l’Allemagne réunifiée avec 25% de chômage et le taux de croissance le plus bas du pays. Cette percée contraste avec la chute spectaculaire de la CDU, qui obtient 22,0% des voix contre 34,4% en 1994, tandis que le SPD remporte 35,9% des voix (contre 34,0%). Le Parti du socialisme démocratique (PDS, ex-communistes) recueille 20,0% des suffrages contre 19,9% en 1994. Les Verts, qui participaient au gouvernement sortant, passent sous la barre des 5% requis pour entrer au Parlement régional (landtag), avec seulement 3,2%. Quant au Parti libéral (FDP), allié d’Helmut Kohl, il échoue à 4,2%. C’est la première fois qu’un parti d’extrême droite entre dans un Parlement régional de l’ex-RDA depuis la réunification allemande en 1990. «C’est un dimanche noir pour la coalition au pouvoir à Bonn. Un dimanche noir pour tous les démocrates», écrit le quotidien le plus vendu d’Allemagne, le «Bild Zeitung». «Depuis hier, il est désormais clair que les élections législatives (de septembre prochain) ne sont pas seulement un enjeu entre Kohl et Gerhard Schröder» (son rival du SPD), poursuit «Bild». Pour sa part, la chaîne de télévision ZDF estime que le score de la DVU est un «signal d’alarme». Une opinion que ne partage pas son chef. «C’est une victoire de la démocratie. Le peuple de Saxe-Anhalt est très intelligent. Ce n’est pas la fin du monde si nous entrons au Parlement», a déclaré Gerhard Frey, qui milite pour le rapatriement forcé des demandeurs d’asile et s’oppose à l’abandon du deutsche mark au profit de l’euro. L’Est perdu De son côté, Gerhard Schröder a voulu voir dans la spectaculaire percée de la DVU le résultat d’un vote protestataire, dirigé contre la politique économique du chancelier Kohl. «C’est un vote de protestation contre les promesses non tenues de Helmut Kohl», a-t-il dit à des journalistes à Hanovre. «Il (Kohl) a perdu l’Est», a-t-il ajouté. Pour la CDU, les grands responsables de la montée de l’extrême droite sont les sociaux-démocrates, qui gouvernaient depuis quatre ans en Saxe-Anhalt avec le soutien tacite des ex-communistes. «Ceux qui laissent une force émerger à l’extrême gauche doivent s’attendre à ce qu’il se passe la même chose à l’extrême droite», a déclaré le ministre allemand des Finances, Theo Waigel. «L’entrée de la DVU au Parlement régional est un signe de mauvais augure. L’ensemble des partis démocratiques représentés ici vont devoir réfléchir sérieusement à ce qui n’a pas fonctionné», a estimé pour sa part le vice-ministre des Affaires sociales Gerlinde Kuppe (SPD). «La victoire de la DVU est due à la politique socialement injuste du gouvernement Kohl qui a plongé les électeurs dans l’incertitude», a renchéri un député social-démocrate, Wolfgang Thierse. Si le SPD supplante la CDU et devient le premier parti de Saxe-Anhalt, il progresse moins que prévu dans les sondages. Rien de comparable avec la victoire éclatante de Gerhard Schröder en Basse-Saxe le 1er mars dernier. Sans majorité absolue et privé du soutien des Verts avec lesquels ils formaient un gouvernement de coalition minoritaire, les sociaux-démocrates vont devoir composer avec les anciens communistes et les trublions de l’extrême droite. Schröder a déclaré qu’il était hors de question que le SPD gouverne avec le PDS, ce qui laisse présager une possible alliance gouvernementale avec la CDU. Ce résultat n’en est pas moins un nouveau motif d’optimisme pour le SPD dans la perspective des élections législatives du 27 septembre pour lesquelles il est donné largement favori avec quelque huit points d’avance dans les sondages sur la CDU. Helmut Kohl, qui briguera un cinquième mandat en septembre, ne s’avoue pas battu. Déjà samedi, il prévenait: «Le résultat de l’élection de dimanche est une chose, les élections générales en sont une autre». (Reuters)