Actualités - CHRONOLOGIE
La métamorphose d'un jeune homme timide, devenu No. 2 du régime
le 28 avril 1998 à 00h00
Il y a un mois, lorsque le nom de Sergueï Kirienko est sorti du chapeau de Boris Eltsine comme premier ministre désigné, les Russes avaient découvert un jeune homme timide et nerveux dont la fragilité d’aspect n’inspirait guère confiance. Aujourd’hui, l’homme qui est devenu le N° 2 du régime a surpris ses détracteurs et ravi ses alliés en gagnant considérablement en stature. Ses adversaires à la Douma continuent certes de nourrir des doutes à l’égard de ce technocrate quasi-inconnu jusqu’à sa désignation le 21 mars. Mais le jeune «poulain» d’Eltsine semble s’être métamorphosé. Il a incontestablement réussi à convaincre une liste impressionnante de responsables politiques et économiques chevronnés qu’il est en fait l’homme de la situation. «C’est un homme qui a des idées et des opinions neuves», s’extasie le maire de Moscou, Youri Loujkov, après avoir visité une usine automobile en compagnie de Kirienko. Yegor Stroïev, président du Conseil de la fédération (Chambre haute), est tout aussi élogieux: «Malgré son jeune âge, il est tout à la fois intelligent, énergique et instruit». Vladimir Potanine, président de l’Uneximbank et futur patron de l’empire Interros (industrie, finances et médias), surenchérit. «Je crois qu’il a toutes les qualités pour le poste». L’obscur banquier de Nivni Novgorod devenu ministre de l’Energie en novembre 1997 a aussi su conquérir les dirigeants syndicaux en promettant de tenter de mettre fin aux arriérés de salaire. D’après un récent sondage, 39% des Russes de la base approuvent Kirienko, ce qui est beaucoup dans un pays où les hommes politiques ont le plus souvent une image de marque détestable. S’il manque à l’évidence de charisme naturel, l’homme choisi par Eltsine a aussi impressionné par le mélange de courage et de tact dont il fait preuve lors de ses auditions à la Douma. Ce réformateur libéral s’est ainsi refusé à brader ses principes en matière économique pour s’attirer les bonnes grâces d’une Assemblée dominée par l’opposition communiste et nationaliste. Par le bout du nez? Il a aussi fait preuve d’une connaissance impressionnante des dossiers économiques et, «last but not least», a su traiter ses adversaires avec patience et respect. Le «programme de gouvernement» qu’il a exposé à la Douma contrastait par sa clarté avec les discours souvent confus et vagues d’Eltsine et ceux, interminables, du premier ministre révoqué, Viktor Tchernomyrdine. «On a eu tout d’un coup l’impression que chaque question recevait une réponse», remarquait, un brin admiratif, un député. Kirienko ne présente plus devant les caméras l’image du petit jeune homme studieux et terne, grâce, semble-t-il, aux conseillers en communication du Kremlin. On l’a ainsi vu récemment à la télévision recevoir avec assurance des responsables du ministère de l’Intérieur, des dignitaires étrangers, et en grande discussion au Kremlin avec son «mentor» Eltsine. Ce n’est de toute évidence pas un hasard si une caméra de télévision est venu le filmer chez lui en train d’enfiler des gants de boxe et de taquiner un punching-ball dans sa salle de gymnastique privée. La promotion de cet homme de 35 ans a été météorique — de la banque de Nivni Novgorod au ministère de l’Energie en passant par la présidence de la compagnie pétrolière Norsi Oil. Au ministère de l’Energie, ses talents de négociateur et sa capacité à court-circuiter la bureaucratie ont fait merveille. Il a enregistré à ce poste trois succès notoires — supprimer les remises sur le prix du pétrole vendu, entamer le monopole du géant d’Etat Gazprom et commencer à régler la crise énergétique dont souffre l’Extrême-Orient russe. Malgré ces atouts, Kirienko est loin de faire aujourd’hui l’unanimité sur son nom et les écueils sont nombreux sur sa route. Tout d’abord, le puissant financier Boris Berezovski, très influent dans la sphère politique et dont on dit qu’il mène une campagne d’arrière-garde contre Kirienko après l’avoir soutenu, craint de voir ce dernier assumer l’intérim d’Eltsine en cas d’incapacité du chef de l’Etat. «C’est quelque chose qui me retient. Ce serait dangereux de prendre un tel risque dans le climat politique instable de la Russie», assure-t-il. D’autres craignent que son manque d’expérience dans la lutte contre les intrigues au Kremlin et son absence d’alliés politiques ne précipitent sa chute. Et certains cyniques prédisent qu’il se fera de toutes façons manipuler par Eltsine, dont le but principal serait d’avoir sous ses ordres un premier ministre faible et malléable qu’il peut mener par le bout du nez. (Reuters)
Il y a un mois, lorsque le nom de Sergueï Kirienko est sorti du chapeau de Boris Eltsine comme premier ministre désigné, les Russes avaient découvert un jeune homme timide et nerveux dont la fragilité d’aspect n’inspirait guère confiance. Aujourd’hui, l’homme qui est devenu le N° 2 du régime a surpris ses détracteurs et ravi ses alliés en gagnant considérablement en stature. Ses adversaires à la Douma continuent certes de nourrir des doutes à l’égard de ce technocrate quasi-inconnu jusqu’à sa désignation le 21 mars. Mais le jeune «poulain» d’Eltsine semble s’être métamorphosé. Il a incontestablement réussi à convaincre une liste impressionnante de responsables politiques et économiques chevronnés qu’il est en fait l’homme de la situation. «C’est un homme qui a des idées et des opinions...