Le général Alexandre Lebed faisait figure de favori pour le second tour de l’élection au poste de gouverneur de la région de Krasnoïarsk, où une victoire lui ouvrira la voie vers le Kremlin pour la présidentielle de l’an 2.000, estimaient hier les analystes. Le général Lebed a obtenu 45,1% des voix lors du premier tour de l’élection dimanche, une performance qui a surpris de la part du rival déclaré de Boris Eltsine jusqu’alors tombé dans un relatif oubli médiatique. L’ancien parachutiste devrait affronter au second tour le gouverneur sortant Valeri Zoubov qui a obtenu 35,4% après dépouillement de près de 98% des suffrages, selon des résultats préliminaires donnés par l’agence Interfax. La commission électorale locale doit se réunir mercredi pour décider de la date du second tour, qui aura lieu vraisemblablement le 17 mai. Pour cette élection dont l’enjeu dépassait le cadre régional, les habitants de Krasnoïarsk (Sibérie), qui était le week-end dernier au centre de l’attention des médias russes, ont voté en masse: la participation a enregistré un chiffre record de 61,25%, selon la commission électorale. «Après une victoire aussi écrasante contre son adversaire, le gouverneur sortant Valeri Zoubov, qui était donné favori du scrutin, Lebed est pratiquement assuré de remporter le deuxième tour», a estimé hier Viacheslav Novikov, directeur du centre d’études stratégiques de Krasnoïarsk. «Il n’y a plus d’obstacle à sa victoire», renchérit Iouri Korgouniouk de l’Institut politique moscovite Indem. Selon ces deux experts, les communistes, dont le candidat Piotr Romanov a fini en troisième position avec 13%, devraient reporter en majorité leurs voix sur le général Lebed. Un responsable de l’état-major de campagne de Romanov a cependant indiqué que ce dernier appellerait vraisemblablement ses électeurs à ne voter ni pour Lebed ni pour Zoubov lorsqu’il annoncera sa position pour le second tour, probablement mardi. Selon la télévision russe NTV, le général Lebed a reçu un fort soutien dans les campagnes alors que M. Zoubov gardait l’avantage dans la ville même de Krasnoïarsk. L’appui de Delon L’ancien parachutiste s’est efforcé lors de la campagne électorale d’adoucir une image d’homme autoritaire et de convaincre les habitants de la région que le poste de gouverneur n’était pas uniquement un tremplin pour la présidentielle. Le général, à la voix grave et au nez de boxeur, a même reçu la visite dans les derniers jours de campagne de l’une des rares stars françaises connues en Russie, Alain Delon, venu soutenir son «ami». «Delon est particulièrement populaire auprès des femmes de 40-60 ans en Russie qui sont aussi un électorat très important pour Lebed», estime Nikolaï Riabov, de l’antenne moscovite de la fondation Carnegie. Cet expert considère également que le général Lebed a reçu un soutien financier plus important, en particulier au cours des deux dernières semaines de campagne, que son concurrent. Alexandre Lebed a bénéficié de l’aide du magnat financier considéré comme une éminence grise du Kremlin, Boris Berezovski, tandis que M. Zoubov est appuyé par de puissants groupes financiers, notamment Onexim, propriétaire du géant du nickel Norilsk, basé dans la région, ainsi que par le maire de Moscou, Iouri Loujkov. Le général Lebed fait figure aujourd’hui de «candidat le plus sérieux pour la charge du Kremlin», estime Iouri Korgouniouk. «Si le parti du pouvoir n’arrivait pas à se mettre d’accord sur un seul candidat pour la présidentielle de l’an 2.000, Lebed aurait de très grandes chances de l’emporter», remarque Nikolaï Ribakov. Un temps commandant de la 14e armée russe en Transdniestrie, région séparatiste de Moldavie, Lebed avait pris une surprenante troisième place au premier tour de l’élection présidentielle en juin 1996 avec 15% des suffrages. (AFP)