Au cours de l’Assemblée générale de l’AUPELF-UREF qui a commencé hier ses travaux au palais de l’UNESCO, un grand prix scientifique francophone, le prix Mohammed el-Fasi, a été décerné à deux lauréats: le Pr Dominique Baudon et le Réseau francophone d’Etude et de Recherche en Neurologie tropicale. Ce prix récompense annuellement des chercheurs qui ont prouvé leur excellence dans les domaines de la médecine parasitaire et tropicale (comme c’est le cas cette année), de l’économie du développement ou de l’agronomie. Auparavant, M. Michel Serres, académicien et philosophe français de passage à Beyrouth, a prononcé la conférence inaugurale de l’Assemblée. Le thème de l’intervention était principalement les enjeux de la mondialisation, thème que M. Serres avait déjà abordé dans le cadre d’une interview accordée exclusivement à «L’Orient-Le Jour» le jeudi 23 avril. M. Serres a considéré que l’époque où nous vivons, avec ses progrès technologiques, connaît un bouleversement semblable à celui qu’a dû causer la découverte de l’alphabet ou celle de l’imprimerie. M. Serres milite en faveur de l’université virtuelle et de l’enseignement à distance qui «est le projet le plus humanitaire qui soit parce qu’il permet de raccourcir les distances (il n’y a plus un «centre» qui renferme le savoir), d’intensifier les échanges par la création de réseaux à l’échelle mondiale, et de démocratiser l’enseignement puisqu’un plus grand nombre de personnes y ont accès». C’est ensuite que s’est déroulée la cérémonie de la remise du prix Mohammed el-Fasi a été tenue. M. Michel Gervais, président de l’AUPELF, a précisé au début de la cérémonie que «le prix de cette année concerne la médecine tropicale». Il a également expliqué que «deux lauréats, et non un seul, ont été choisis, comme il est d’usage lorsque l’Assemblée générale se réunit». Un spécialiste du paludisme Pour sa part, M. Antoine Jaumotte, président du Haut-Conseil de l’AUPELF, a présenté les deux candidats: le Pr Dominique Baudon s’est dirigé vers la médecine dès 1972. Il a obtenu plusieurs diplômes dans cette discipline, notamment de l’Institut Pasteur. Sa vocation éclate autant dans les hôpitaux, que dans l’enseignement et la recherche. Il a passé des années dans des endroits comme le Sahara, ou Brazzaville. Il y a effectué de nombreuses recherches opérationnelles sur le paludisme et diverses maladies tropicales comme les fièvres hémorragiques. Le Réseau francophone d’Etude et de Recherche en Neurologie tropicale réunit un groupe de chercheurs dans cette spécialisation. Le Pr Michel Dumas a accepté le prix au nom de ses collègues. Ce réseau est maintenant présent dans plusieurs pays du globe. Il s’efforce de déterminer une politique commune de développement et de recherche neurologiques dans les pays tropicaux. Ses objectifs sont les suivants: — Former et aider à la formation de spécialistes en neurologie et de chercheurs en neurologie tropicale. — Favoriser et développer les recherches dans le domaine. — Organiser des rencontres dans les pays membres du réseau afin de favoriser l’échange et de rapporter les recherches. — Favoriser les échanges avec des chercheurs et neurologues travaillant dans d’autres pays tropicaux. Le réseau insiste sur la nécessité de créer de nouveaux diplômes dans la médecine tropicale dans les différentes universités francophones ainsi que sur la mise en commun des recherches. A la remise des prix, les Prs Baudon et Dumas ont prononcé des allocutions portant sur des thèmes en relation avec leurs travaux. Le Pr Baudon a parlé de la diversité des recherches pour une meilleure action de lutte contre les maladies tropicales. «La recherche consiste à savoir être imaginatif, spontané, observateur, raisonnable, sincère et honnête», a-t-il précisé. Et d’ajouter: «La pure recherche scientifique doit être suivie de deux étapes importantes afin de s’adapter au pays pour lequel elle est destinée: la recherche opérationnelle qui permet de tester l’efficacité des produits, et la recherche-action qui consiste à vérifier si les stratégies proposées sont réalisables. Enfin, il faut fournir les moyens aux Etats de lutter contre les maladies». Enjeux primordiaux Pour sa part, le Pr Dumas a traité des enjeux et perspectives de la recherche en médecine tropicale. Il a insisté sur «la nécessité de poursuivre les recherches dans tous les pays parce qu’un pays ne peut jamais dépendre seulement des autres, et personne n’est plus apte que les chercheurs locaux à déterminer les priorités de leur société». Et de poursuivre: «Le développement de la recherche est primordial parce que celle-ci a plusieurs enjeux primordiaux: — Un enjeu politique, puisque la recherche est un facteur d’autonomie du développement. — Un enjeu intellectuel, celui de développer l’aptitude à la compréhension des faits. — Un enjeu pédagogique, parce qu’il est impossible d’envisager un enseignement de qualité sans une recherche de qualité. — Un enjeu économique, puisque toute recherche peut être valorisée. — Un enjeu culturel, toute recherche étant indissociable de la culture qu’elle prétend servir». Le Prix El Fasi a été créé en 1987. Il porte le nom de l’un des fondateurs de l’AUPELF, Mohammed el-Fasi, qui fut son président de 1966 à 1969. C’est lui qui a ajouté les mots partiellement et entièrement à l’AUPELF (Association des universités partiellement et entièrement de langue française), lui ouvrant ainsi de nouvelles perspectives, puisque l’association regroupe aujourd’hui 380 établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Le montant de la récompense s’élève à 150.000 FF. Séances à huis clos Une séance plénière en huis clos a ensuite été tenue par les membres de l’AUPELF. Des questions administratives et financières ainsi que les modalités de l’élections d’un nouveau président de l’AUPELF, qui auront lieu à la fin de l’Assemblée, devaient être débattues au cours de cette réunion.