Actualités - CHRONOLOGIE
Birmanie - Des centaines d'interpellations ont eu lieu ces derniers jours La junte militaire évide l'opposition pour garder le pouvoir
le 17 novembre 1998 à 00h00
Après des mois de confrontation, la junte militaire birmane s’applique à «grignoter» l’opposition, la Ligue nationale pour la démocratie (LND) d’Aung San Suu Kyi, avec force pressions et répression, pour l’isoler et assurer à long terme son maintien au pouvoir. «Les généraux s’efforcent de transformer la LND en une coquille creuse», explique un haut diplomate occidental posté à Rangoon. Des centaines de militants de la Ligue, y compris des députés élus en 1990, ont été interpellés ces derniers mois et sont hébergés dans des «pensions de famille» du gouvernement pour des «échanges de vues». La junte relâche par petits groupes ceux qui promettent de renoncer à faire de la politique. Nombre de permanences locales de la Ligue ont récemment fermé, leurs militants démissionnant et remettant documents officiels, tampons, affiches et panneaux politiques aux autorités électorales. La LND affirme que ses activistes quittent le parti sous la contrainte d’agents des renseignements militaires. Certains analystes attribuent la lente érosion de la Ligue non seulement au harcèlement policier mais aussi à la lassitude, surtout des plus âgés, à l’absence de débouché politique, voire à l’opportunisme. Parallèlement, le gouvernement orchestre des «rassemblements de masses» anti-LND aux quatre coins du pays, pour lesquels sont mobilisés les fonctionnaires, les clubs d’hommes d’affaires et les organisations humanitaires sous tutelle de la junte. Le tout est appuyé d’une virulente campagne de presse officielle, illustrée par des caricatures outrancières et des «poèmes patriotiques» contre Aung San Suu Kyi, la bête noire des généraux, mariée à un Anglais et dénoncée comme «étrangère» et «instrument» de l’Occident. «La Dame et Tatmadaw» Pour les militaires, la dissidente, prix Nobel de la Paix – qu’ils appellent par dérision «la Dame», sans jamais la nommer, et dont ils reprochent en privé «l’arrogance» – n’a aucune crédibilité ni légitimité. Ils refusent de reconnaître le résultats des élections pluralistes de mai 1990, qu’ils avaient organisées et qui ont été remportées haut la main (60% des voix, 82% des sièges) par la LND. L’opposition réclame la réunion du Parlement qui n’a jamais siégé. Si «Tatmadaw» (l’armée) rendait aujourd’hui le pouvoir, «ce serait la guerre civile», argue le lieutenant-colonel Hla Min, porte-parole de la junte. L’armée est, selon ses chefs, seule garante de l’ordre et de la paix dans un pays déchiré pendant 40 ans par des luttes de factions et d’ethnies (il en existe 135 dans le pays). Le régime se targue d’avoir signé une série de cessez-le-feu avec les principales minorités ethniques, longtemps rebelles, à l’exception des Karens. Les militaires ont mis en place une Convention nationale, boycottée par la Ligue, chargée de rédiger un projet de Constitution, un exercice laborieux qui procède à un train d’escargot. Après l’adoption de la Constitution, qui leur garantira 25% des sièges au Parlement, puis éventuellement un référendum, et seulement après, ils promettent d’organiser de nouvelles élections. En attendant, ils maintiennent un «cordon sanitaire» autour d’Aung San Suu Kyi, assignée à résidence de 1989 à 1995, empêchant les journalistes étrangers de la rencontrer, bien conscients de son aura internationale. Les généraux cherchent à gagner du temps et une fois la LND affaiblie et divisée, «ils voudront la ramener dans la Convention nationale et s’en servir comme d’un accessoire de théâtre», prédit un diplomate. «Mais très peu de Birmans croient que leur calcul va marcher, parce que l’économie est pratiquement détruite (...) et qu’ils (les militaires) sont coupés de la réalité», ajoute-t-il. «On a l’impression que ça ne peut pas continuer bien longtemps». D’autres analystes, et aussi les Birmans les plus aisés, sont persuadés que la junte est capable, en revenant à l’autarcie économique et en maintenant sa férule sur l’opposition, de garder le pouvoir pendant des années. Mais tous conviennent que si des élections «libres et régulières» avaient lieu demain en Birmanie, l’opposition les gagnerait.
Après des mois de confrontation, la junte militaire birmane s’applique à «grignoter» l’opposition, la Ligue nationale pour la démocratie (LND) d’Aung San Suu Kyi, avec force pressions et répression, pour l’isoler et assurer à long terme son maintien au pouvoir. «Les généraux s’efforcent de transformer la LND en une coquille creuse», explique un haut diplomate occidental posté à Rangoon. Des centaines de militants de la Ligue, y compris des députés élus en 1990, ont été interpellés ces derniers mois et sont hébergés dans des «pensions de famille» du gouvernement pour des «échanges de vues». La junte relâche par petits groupes ceux qui promettent de renoncer à faire de la politique. Nombre de permanences locales de la Ligue ont récemment fermé, leurs militants démissionnant et remettant...