Actualités - REPORTAGE
Vie quotidienne - Les champs de cannabis n'existent plus Le Hermel attend les cultures de substitution(photo)
Par KHODR Patricia, le 17 novembre 1998 à 00h00
Plus de 20 000 personnes vivent au Hermel, une localité qui porte le nom du caza. Une zone négligée par l’État. Région aride où la plupart des habitants vivent d’agriculture. Bien que l’Oronte traverse la localité, le manque d’eau et l’absence des services étatiques avaient poussé les habitants à cultiver le cannabis. Il y a quelques années, cette culture était interdite et les pousses avaient été brûlées. Le gouvernement a promis des cultures de substitution qui jusqu’à présent n’ont pas vu le jour. Comment peut subsister une région entière quand l’État la délaisse ? La plupart des habitants du Hermel ont quitté leur terre pour s’établir ailleurs. Certains ont émigré (Canada, États-Unis, France…), d’autres se sont installés avec leurs familles dans la capitale. Vingt mille sont restés et ils manquent de tout. Tous les habitants répètent la même phrase : «Ici, le gouvernement ne possède aucun bien immobilier, il est locataire. C’est comme si sa présence était provisoire». En effet, toutes les administrations de la région sont installées dans des bâtiments de location. Les habitants du Hermel ont reçu l’électricité en 1969, et c’est seulement l’année dernière qu’on leur a installé le téléphone. La seule chaîne libanaise qu’ils reçoivent c’est la LBC. Télé-Liban, la chaîne publique, n’est jamais parvenue chez eux. «Avant la mode des antennes paraboliques et la mise en place de l’émetteur de la LBC, nous recevions uniquement la chaîne syrienne», se rappelle Hanane Chahine, enseignante. Avant la promulgation de la loi sur l’audiovisuel, il y avait là une chaîne qui émettait à partir du Hermel «al-Bassaer», que Nizar Chahine (le seul propriétaire) a ouverte en 1984. Actuellement, cette télévision émet quelques heures par le biais d’une chaîne de Baalbeck. Un autre habitant du Hermel (Abou el-Kheir Chahine) publie tous les mois une revue : «L’écho de la Békaa». C’est lui qui compose les textes, imprime la revue et la distribue tout seul. Les habitants de la localité ne captent aucune station locale de radio. Pour les habitants, il est plus facile d’aller en Syrie, notamment à Homs, et à Lattaquié qu’à Beyrouth. «C’est plus proche et c’est moins cher», disent-ils. De plus, la plupart du temps, ils peuvent passer la frontière sans présenter des papiers d’identité. Pour aller à la plage, c’est à Lattaquié qu’ils se rendent. Pour faire les courses (vêtements, tissus et divers ustensiles), c’est vers Homs ou vers Damas qu’ils se dirigent. Certains mêmes vont y consulter des médecins. La région ne manque pas de médecins, mais il n’existe que trois hôpitaux. Encore ne prodiguent-ils que des soins élémentaires. Par exemple, les maternités sont dépourvues de couveuses. Les habitants préfèrent s’adresser aux hôpitaux de Chtaura et de Zahlé. Les produits de la terre Les jeunes fréquentent les écoles publiques et privées de la région. Certains vont dans les établissements chrétiens de Ras-Baalbeck. Tous les jours, ils font une vingtaine de kilomètres pour arriver à l’école. Ce n’est que quand ils doivent suivre des études universitaires qu’ils quittent la région. Le Hermel est dépourvu d’universités, ce qui ne l’empêche pas d’avoir un pourcentage élevé de diplômés. Ils ont fréquenté les universités de Beyrouth, de la Syrie, de la Russie ou de la France. Ou encore ils sont restés sur place et ont fait tous les jours le trajet Hermel-Zahlé et retour. Actuellement, ce sont des autocars de l’Université libanaise qui viennent prendre les étudiants. Il y a une dizaine d’années, le transport posait problème et nombre de personnes ont manques leurs études à cause de ces problèmes. La plupart des familles du Hermel possèdent des voitures, qui circulent dans des rues étroites et mal asphaltées. Ils sont pour la plupart conduits par les hommes. Les femmes se déplacent à pied, notamment pour faire les courses dans les épiceries. Tout peut être trouvé dans ces petits magasins, du coca-cola au corn flakes. Cependant, dans les maisons, ce sont les produits fabriqués sur place qui sont consommés. Ces biens comestibles (confitures spéciales à la région et pickles) ne sont pas vendus dans les épiceries car toutes les maisons les produisent. Les habitants consomment exclusivement les produits de leur terre. Dans l’arrière-cour de la plupart des maisons, des potagers existent, avec quelques arbres fruitiers, des céréales (maïs et blé) et des légumes. L’on peut également trouver deux ou trois chèvres et un poulailler. Dans les rues de la ville, des femmes d’un certain âge se promènent en portant de grands sacs de farine, de blé concassé ou de pain. Elles rentrent du moulin, qui propose de moudre le blé que leur famille cultive, ou du tannour (sorte de pierre que l’on chauffe pour cuire le pain) où elles ont cuit leur pain arabe. Durant leurs soirées, les habitants jouent aux cartes, regardent la télévision, notamment les chaînes reçues par câble ou par antenne parabolique. Ils discutent aussi de leurs problèmes quotidiens. Comme tous les Libanais, ils s’intéressent à la politique et quand ils veillent ensemble ils parlent de «la situation». Ils commentent l’élection du nouveau président de la République, essaient de deviner qui sera nommé ministre… Même si le gouvernement délaisse leur localité, les habitants du Hermel se sentent «Libanais à part entière». Ils espèrent qu’un jour, les «choses changeront et que l’État libanais traitera le Hermel comme toutes les autres localités du pays». Peut-être faudrait-il commencer par mettre en place un programme de développement, notamment un projet de cultures de substitution.
Plus de 20 000 personnes vivent au Hermel, une localité qui porte le nom du caza. Une zone négligée par l’État. Région aride où la plupart des habitants vivent d’agriculture. Bien que l’Oronte traverse la localité, le manque d’eau et l’absence des services étatiques avaient poussé les habitants à cultiver le cannabis. Il y a quelques années, cette culture était interdite et les pousses avaient été brûlées. Le gouvernement a promis des cultures de substitution qui jusqu’à présent n’ont pas vu le jour. Comment peut subsister une région entière quand l’État la délaisse ? La plupart des habitants du Hermel ont quitté leur terre pour s’établir ailleurs. Certains ont émigré (Canada, États-Unis, France…), d’autres se sont installés avec leurs familles dans la capitale. Vingt mille sont restés...