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Actualités - REPORTAGE

Entretien - François Mitterrand raconté par Jean Lacouture Une biographie autant qu'un réquisitoire (photo)

Pour avoir longuement parlé de son affection particulière pour son grand ami George Schéhadé, ainsi que pour cette poésie où «les mots deviennent des fêtes», Jean Lacouture, homme de lettres, se devait absolument de révéler son autre facette, celle du journaliste et du grand biographe. Son dernier-né, «Mitterrand, une histoire de Français», paru aux éditions du Seuil, brosse un portrait complet de ce personnage insaisissable, même longtemps après son décès. Après avoir sondé la vie et l’œuvre de la personne privée et de l’homme public, Jean Lacouture reste déconcerté par certains aspects du personnage, par «le sens profond» de certains de ses actes que ce grand biographe admet n’avoir toujours pas décelés. Déçu de l’homme politique, il l’est pourtant. Des vérités, oui, il en a découvert, certaines qui sont même plus négatives qu’il ne s’y attendait, lui qui avait déjà beaucoup de choses à reprocher à François Mitterrand de son vivant même, lorsqu’il était encore au pouvoir. C’est pour cela, dit-il que «j’avais retardé le projet d’établir une biographie de lui, une fois qu’il n’était plus au pouvoir, car, ajoute-t-il, ayant voté pour Mitterrand, et étant donné les amis et relations que j’avais au gouvernement, je ne pouvais pas être très libre». D‘ailleurs, l’objectivité, Jean Lacouture n’y croit pas beaucoup, lui qui se dit passionné par les sujets dont il traite, donc jamais neutre. Le biographe se sent d’autant plus impliqué qu’il s’imprègne complètement de l’époque qu’il décrit, de même qu’il se sent impliqué dès le moment qu’il se met à «gratter» la vie du personnage qu’il entend dépeindre. «Une biographie, c’est une histoire d’amour ou de haine», dit-il, d’où une personnalisation marquée de son œuvre, dont il entend assumer toute la responsabilité. En tous les cas, ce n’est certainement pas de l’amour qu’il porte pour l’homme d’État qu’a été François Mitterrand. Des affinités, les deux hommes en avaient certainement. Déjà par une éducation littéraire, et une certaine culture qu’ils partageaient, ensuite de par leur sensibilité pour la gauche. Mais pas de fascination particulière pour le président de la gauche, admet Jean Lacouture. Ce dernier reste pourtant ambigu sur les motivations profondes qui l’ont poussé à écrire la biographie d’un homme, qui l’a intéressé «par certains de ses aspects», comme par exemple son projet de réunification de l’Allemagne… Mais il n’y a certainement pas lieu de le comparer à De Gaulle, dont il a dressé une des biographie les plus fournies. «De Gaulle, affirme Lacouture, reste un véritable personnage historique qui a profondément marqué la vie politique française et le paysage institutionnel de ce pays et qui continuera de le faire pendant très longtemps encore», Pour ce biographe engagé, Mitterrand, bien que captivant à certains égards, ne peut être mis sur le même pied d’égalité. Sa biographie ne serait alors qu’une «obligation civique et morale» dont il a voulu s’acquitter, pour «faire la clarté» sur le personnage, mais aussi, par sympathie pour celui dont il a admiré le courage sur le lit de mort. «J’ai vu un vieux monsieur qui luttait contre la maladie», ce qui l’a rendu plus attendrissant à ses yeux, et son image, plus adoucie par la souffrance. Mais Jean Lacouture semble pourtant dénier un rôle de premier plan à un Mitterrand qui l’aurait de toute évidence déçu, lui qui a appris un certain nombre de «choses négatives, pires que ce que j’attendais» comme il dit. Sa biographie aurait dévoilé les défauts du système du pouvoir, comme par exemple l’alliance implicite qu’aurait concoctée le président socialiste avec Le Pen lors des élections législatives de 1986, «un rapprochement tactique pour diviser la droite», dit Lacouture, qui vient d’en avoir le cœur net, une fois son ouvrage achevé. C’est également sur les rapports historiques qu’ont entretenus François Mitterrand et le général De Gaulle qu’a porté la conférence donnée par le biographe devant une salle pleine. Depuis leur première rencontre à Londres, après que Mitterrand se soit désolidarisé du gouvernement Vichy pour rejoindre la Résistance, en passant par l’accession de Mitterrand au gouvernement provisoire formé par De Gaulle en 1943, jusqu’à la rupture qui sera couronnée en 1965, lorsque Mitterrand se présente aux élections contre le général De Gaulle, bref l’histoire d’une relation mouvementée, mue par «une compétition inégale étant la dimension historique entre les deux personnages», dira encore Lacouture qui persiste et signe une œuvre sur Mitterrand, qui s’avère être un réquisitoire contre le président autant sinon plus qu’une biographie.
Pour avoir longuement parlé de son affection particulière pour son grand ami George Schéhadé, ainsi que pour cette poésie où «les mots deviennent des fêtes», Jean Lacouture, homme de lettres, se devait absolument de révéler son autre facette, celle du journaliste et du grand biographe. Son dernier-né, «Mitterrand, une histoire de Français», paru aux éditions du Seuil, brosse un portrait complet de ce personnage insaisissable, même longtemps après son décès. Après avoir sondé la vie et l’œuvre de la personne privée et de l’homme public, Jean Lacouture reste déconcerté par certains aspects du personnage, par «le sens profond» de certains de ses actes que ce grand biographe admet n’avoir toujours pas décelés. Déçu de l’homme politique, il l’est pourtant. Des vérités, oui, il en a découvert,...