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Actualités - CHRONOLOGIE

Le retour de la Pologne sur la carte de l'Europe (photo)

Depuis le XVIIe siècle la Pologne, dont le territoire comprenait ceux de l’actuelle Pologne, Lituanie, Lettonie, Biélorussie et d’une partie de l’Ukraine, vivait une sérieuse crise interne, effet des défaillances du système politique, de la faiblesse de l’économie et des ravages causés au pays par les nombreuses guerres. De cette faiblesse progressive, profitèrent la Russie, l’Autriche et la Prusse qui vers la fin du XVIIIe siècle procédèrent au partage du pays. Ces trois États espéraient rapidement s’emparer des terres polonaises et assimiler leur population. Leurs tentatives furent cependant vaines, les Polonais ayant su protéger leur identité nationale et leur distinction culturelle. Il faut reconnaître qu’à l’époque, seules les classes nobles avaient un sentiment d’appartenance nationale. Mais avec le temps, ce sentiment fut aussi partagé par la bourgeoisie, les paysans et la classe ouvrière. Une partie de la société réussit même à faire adopter et appliquer une série de décisions d’importance fondamentale visant à développer l’économie et l’enseignement. Ce dernier domaine constitua d’ailleurs l’un des plus importants champs de bataille pour la survie de la nation. Tout au long du XIXe siècle, les forces d’occupation interdisaient l’enseignement en langue polonaise. Mais cette répression connut des lacunes considérables. Le gouvernement autrichien, affaibli par sa guerre contre la Prusse, se vit forcé d’accorder certaines concessions. Ce fut principalement la décentralisation du pouvoir qui donna à certaines terres polonaises, comme la Galicie, une vaste autonomie. Grâce à celle-ci, les Polonais eurent la possibilité de créer leur propre système d’enseignement et d’utiliser leur langue dans la vie publique. Ce développement favorable aux Polonais dans la partie annexée par l’Autriche s’avéra être un contrepoids efficace face à la russification et à la germanisation des deux autres puissances. Au XIXe siècle, la question polonaise sur la scène internationale se présentait d’une façon peu avantageuse. Le traité de 1797, lors du troisième partage, supprima la Pologne et interdit même de mentionner son nom. Les tentatives entreprises au cours des années suivantes de restituer l’État ne donnèrent pas de résultat satisfaisant et durable. Aucune des formes éphémères créées par la diplomatie napoléonienne et post-napoléonienne — le Duché de Varsovie /1807-1815/, le Royaume du Congrès /1815-1864/, le Grand-Duché de Poznan /1814-1848/ — n’eut de véritable souveraineté ni ne réussit à réunifier la nation polonaise tout entière sous un même gouvernement. La lutte armée, orientée principalement contre la Russie, se termina par une défaite. Durant pratiquement toute cette période, les puissances occupantes défendaient solidairement l’ordre territorial instauré en Europe centrale et orientale. Peu d’espoir restait donc aux Polonais. Ce ne fut que vers la fin du XIXe siècle que, les Allemands et les Austro-Hongrois d’une part et la Russie de l’autre, se trouvèrent dans des camps politiques et militaires opposés. Le partage de l’Europe en deux blocs antagonistes influa sur l’attitude des hommes politiques polonais. Pendant la Première Guerre mondiale, certains sympathisaient avec la Russie et les États de l’Entente espérant que l’unification de l’ensemble des terres polonaises sous la domination russe constituerait un premier pas vers l’indépendance. D’autres misaient sur la coopération avec les États centraux /l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie/. Pendant cette guerre, les Polonais étaient également partagés — l’Armée polonaise qui se forma en France en 1917 se préparait à lutter contre les Allemands, tandis que les légions polonaises créées en 1914 se battaient aux côtés des États centraux. Les deux blocs adverses cherchaient le soutien polonais, espérant recruter des soldats pour leurs armées. Aussi bien la Russie que l’Autriche-Hongrie et l’Allemagne présentaient des promesses plus ou moins concrètes. L’acte du 5 novembre 1916, dit manifeste de Guillaume II et de François-Joseph I, eut le plus d’effet. Par cet acte, les deux monarques créèrent un royaume de Pologne aux frontières imprécises. Ainsi la notion d’État Polonais revient dans le langage de la diplomatie européenne. Bien que ce royaume dépendÎt étroitement des puissances centrales, sa création permit aux Polonais de créer les structures politiques et administratives de leur propre indépendance. Se libérer de l’occupation allemande Dans les années 1917-1918, la situation changea complètement. Après la révolution, la Russie se retira de la guerre et les États occidentaux, libres de leurs obligations vis-à-vis de leur ancien allié, pouvaient se prononcer plus clairement et soutenir les aspirations des Polonais à l’indépendance. Le président américain Wodrow Wilson se prononça deux fois en faveur de l’indépendance de la Pologne. Il le fit entre autres dans ses fameux Quatorze points du 8 janvier 1918 dans lesquels il exprima sa conviction de la nécessité de créer une Pologne indépendante avec un accès libre à la mer. À partir de 1917, il fut insensé de se lier aux États centraux. Il devint rapidement évident que la principale menace pour l’avenir venait de l’Allemagne. Pour reconquérir l’indépendance, il fallait dès lors se libérer de l’occupation allemande (l’armée allemande contrôlait une grande partie de l’Europe orientale). Pour le faire, il fut essentiel d’établir de bonnes relations avec la France, les États-Unis et la Grande-Bretagne. Les plus grands mérites sur ce plan reviennent au Parti national-démocrate, l’un des plus importants partis politiques sur les terres polonaises dirigé par Roman Dmowski qui créa en France une sorte de mission diplomatique sous le nom de Comité national polonais. Il fut important aussi d’avoir un scénario d’action en cas d’élimination de l’occupation germano-autrichienne. Dans ce domaine, ce furent les partis et les groupes liés à Jozef Pilsudski qui créèrent en clandestinité les fondements des forces armées polonaises /l’Organisation militaire polonaise. Grâce à ces multiples actions complémentaires, les Polonais surent profiter de l’exceptionnelle et confortable situation internationale qui se présenta au cours des dernières semaines de la Première Guerre mondiale. Au moment de la défaite des États centraux, une partie des hommes politiques polonais poursuivaient les démarches pour gagner la bienveillance des dirigeants de l’Entente, d’autres profitèrent du délabrement de l’Autriche-Hongrie et du déclenchement de la révolution en Allemagne pour procéder à des faits accomplis : en Galicie, en Grande-Pologne et en Silésie de Cieszyn naquirent des centres de pouvoir politique polonais qui se préparaient à reprendre l’administration des mains de l’occupant. Ces initiatives avaient un caractère local. Les créateurs du Gouvernement populaire provisoire de la République polonaise, formé à Lublin le 6 novembre 1918, avaient des aspirations plus ambitieuses. Ce cabinet se considérait national et sa première démarche fut la publication d’un manifeste proclamant l’instauration en Pologne d’un régime républicain parlementaire. Le manifeste annonçait aussi l’introduction de nombreuses réformes sociales. Jozef Pilsudski, chef de la gauche D’une façon générale, deux grands camps politiques aspiraient au pouvoir dans l’État renaissant : la gauche indépendantiste d’une part et les partis de droite avec en tête le Parti national-démocrate. La force de ce dernier était fondée sur ses bonnes relations avec les États de l’Entente (la France et la Grande-Bretagne traitaient avec le Comité national polonais comme avec un gouvernement informel). Mais les dirigeants du Parti national-démocrate se trouvaient en dehors du pays. A l’étrangers, se trouvaient aussi les forces armées polonaises formées à l’initiative du Comité national polonais. La gauche indépendantiste n’avait d’importants contacts politiques ni à Paris ni à Londres, mais elle était mieux organisée sur place disposant entre autres de l’Organisation polonaise militaire. Elle avait aussi à sa tête un personnage charismatique – Jozef Pilsudski – qui était pour de nombreux Polonais la personnification même de l’attitude patriotique ferme. Les radicaux sociaux voyaient en lui le co-fondateur du socialisme polonais tandis que les personnes aux opinions conservatrices estimaient qu’il était capable de se placer au-dessus des conflits sociaux et prévenir l’anarchie dans la vie politique. On craignait que les événements en Russie ne finissent par amener une vague révolutionnaire sur le sol polonais. Ces craintes trouvaient leur justification par l’apparition du mouvement des Conseils des députés (créé suivant le modèle soviétique) et la fondation en 1918 du Parti ouvrier communiste de Pologne. En novembre 1918, Jozef Pilsudski joua le rôle d’homme providentiel en conciliant les camps politiques rivaux. Lorsque le 10 novembre , libéré de la prison de Magdebourg après l’effondrement des empires centraux, il arriva à Varsovie, se placèrent sous ses ordres aussi bien les autorités du Royaume de Pologne que le gouvernement populaire qui venait de se former. Par décret du 22 novembre 1918, Pilsudski devint chef de l’Etat provisoire doté de très grandes prérogatives. Pilsudski espérait que les élections à la Diète constituante en janvier 1919 apporteraient la stabilité intérieure. Mais elles ne donnèrent la victoire à aucun des principaux partis politiques. Pilsudski garda la fonction de président, mais au moment de l’adoption de la Petite Constitution (février 1919) ses prérogatives furent sérieusement réduites et il devint uniquement exécuteur des lois de la Diète constituante. Dans les années 1919-1922, la Pologne était une République parlementaire à système monocaméraliste. Le Parlement avait le pouvoir législatif, contrôlait le Président et le gouvernement. Le Parlement était élu au suffrage universel (les femmes avaient le droit de vote). Mais en raison de ses compétences très réduites, Pilsudski refusa de renouveler son mandat et se retira en 1923 de la vie politique active. La victoire de la démocratie parlementaire s’avéra en somme peu durable. Dans les pays d’Europe centrale et orientale la démocratie ne parvenait pas à s’enraciner, ou bien succombait aux coups d’État antidémocratiques. La Pologne ne fit pas exception à cette règle, et en mai 1926 Jozef Pilsudski entreprit un putsch sous le mot d’ordre de l’assainissement de la vie publique et l’amélioration de la situation économique. Il limita considérablement les compétences du Parlement. L’ordre de Versailles Les principes de L’ordre de Versailles furent établis pendant la conférence de paix à Paris en 1919. Les vainqueurs de l’Entente avaient des visions différentes de la nouvelle Europe. La France, qui avait subi les plus grandes pertes humaines et matérielles, voulait un affaiblissement de l’Allemagne et se prononçait pour son désarmement et la réduction de son territoire. Paris cherchait aussi un allié anti-allemand en Europe orientale et, vu la situation peu claire en Russie, elle se rapprocha de la Pologne et de la Tchécoslovaquie soutenant leurs revendications territoriales. La Grande-Bretagne craignait la suprématie de la France dans cette Europe de l’après-guerre. Conformément au principe britannique de l’équilibre des forces, elle tâchait donc de ne pas trop affaiblir l’Allemagne. Enfin, le président Wilson, voulant que des normes morales soient introduites dans les relations internationales, lançait le mot d’ordre d’une paix sans victoire et proposait de tracer les frontières suivant des critères ethnographiques. Mais en Europe centrale et orientale, où cohabitaient de nombreuses nationalités, la réalisation de ce projet était pratiquement irréalisable. La conférence de Paris se pencha aussi sur le destin de l’Allemagne. Le traité de Versailles décida aussi du tracé de la frontière germano-polonaise. Ce traité accordait à la Pologne, la Grande-Pologne et la Poméranie de Gdansk, donnait à cette dernière le statut de ville libre sous tutelle de la Société des nations et ordonnait l’organisation de plébiscites parmi les habitants de la Warmie, de la Mazurie et en Haute Silésie. Les résultats du plébiscite en Warmie et en Mazurie s’avérèrent défavorables pour la Pologne, 97% des votants se prononçant pour le rattachement à L’Allemagne. En Haute Silésie en revanche, 40% des voix étaient pour une Pologne indépendante 40% donc du territoire de la Silésie fut rattaché à la Pologne. La question de la frontière orientale fut beaucoup plus complexe. Les États occidentaux essayaient d’exercer une certaine influence sur les événements à l’est de l’Europe, mais celle-ci ne fut pas efficace. Les États de l’Entente exprimèrent leur opinion à ce sujet dans la déclaration de décembre 1919 où ils envisageaient l’établissement d’une ligne de démarcation entre la Pologne et la Russie soviétique. La guerre civile en Russie et le rapport des forces entre les Polonais et leurs voisins décidèrent de la suite. La situation de la Galicie fut ainsi rapidement tranchée. Les luttes polono-ukrainiennes, entamées le 1er novembre 1918 à Lvov, se terminèrent par la victoire des Polonais et par l’attachement de ce territoire à la Pologne en août 1919. Guerres et litiges territoriaux Dans les années 1919-1920, l’État polonais essayait de réaliser le programme de la fédération. La volonté de Jozef Pilsudski fut décisive. En tant que chef de l’État, il dépendait de la Diète constituante, mais dans ses prérogatives de commandant en chef, il n’étais pas soumis au contrôle du Parlement. La politique de Pilsudski était mal vue par les Lituaniens et les Ukrainiens qui considéraient le comportement de la Pologne comme une menace pour leurs propres plans politiques et territoriaux, l’autre obstacle venait de l’attitude de la Russie qui ne voulait pas renoncer aux régions occidentales de son empire. De plus, les bolcheviks considéraient l’État polonais comme un obstacle à l’expansion de la révolution communiste vers les pays de l’Europe occidentale. La confrontation de ces deux raisons amena à une guerre de plusieurs mois. Elle fut déclenchée en février 1919 sur les territoires de la Lituanie et de la Biélorussie. En avril, l’armée polonaise occupa Vilnus et en août Minsk. Vers la fin de l’année, les bolcheviks passèrent à l’offensive en occupant Kiev. En avril 1920, la Pologne et l’Ukraine contractèrent une alliance et les forces armées des deux États entreprirent une marche commune vers l’Est en vue de chasser les bolcheviks de l’Ukraine. En mai, les alliés reprirent Kiev, mais très vite l’Armée rouge passa à l’attaque et en quelques mois arriva près de Varsovie. Au terme d’une grande bataille près de Varsovie, les forces armées polonaises sortirent victorieuses et obligèrent les bolcheviks à se retirer. La guerre se termina ainsi par la victoire militaire des Polonais. Pilsudski dut cependant renoncer à son programme de fédération. Conformément au traité de Riga (1921), les terres biélorusses et ukrainiennes furent partagées entre la Pologne et la République soviétique. La Pologne reconnut les États pseudo-indépendants de la Biélorussie et de l’Ukraine soviétiques. Les litiges territoriaux avec les voisins, notamment les intentions de la République de Weimar d’obtenir une révision des frontières, constituaient une menace pour la sécurité de l’État polonais. La Pologne voulait stabiliser sa position internationale par un système d’alliances. Elle signa en 1921 des accords avec la France et avec la Roumanie. Les espoirs liés au traité signé avec la France n’avaient rien donné vu la docilité progressive de Paris vis-à-vis de Berliu. À la conférence de Locarno (1925), la France obtint des garanties internationales de l’inviolabilité de sa frontière orientale, ce qui de facto limita ses obligations vis-à-vis de la Pologne. Dans cette situation, la République polonaise essaya, au cours des années suivantes, d’établir elle-même de bons rapports avec l’Allemagne et l’Union soviétique, mais elle fut trop faible économiquement et militairement. La faiblesse économique de la Pologne était due en grande partie à l’héritage du passé. Au moment de l’indépendance, le droit commercial, civil, fiscal et le système monétaire n’étaient pas homogènes sur l’ensemble du territoire. Il en était de même pour le réseau routier et fluvial. Dans certaines régions, beaucoup de gens ne savaient ni lire ni écrire, dans d’autres l’enseignement et la culture étaient en revanche très bien organisés et s’épanouissaient. Un essor était perceptible dans certaines branches de l’industrie, d’autres n’existaient pas du tout. Les ravages des guerres qui traversèrent la Pologne dans les années 1914-1918 ainsi que les effets des luttes qu’elle mena pour établir ses frontières 1919-1921 eurent des retombées néfastes sur l’état de l’économie des premières années de l’indépendance. Une reconstruction interrompue La reconstruction et la restructuration de l’économie, l’uniformisation du système juridique, administratif et d’éducation demandaient du temps et des fonds financiers énormes. En 1925, la loi sur la réforme agraire entra en vigueur, dans les années trente le système des pouvoirs locaux et le système de l’enseignement furent réformés et le nombre d’illettrés diminua considérablement. Les réformes de Wladyslaw Grabski de 1924 assurèrent en outre au pays un système monétaire stable. La construction et l’agrandissement du port de Gdynia fut également un succès économique indéniable. En 1936, on entreprit la construction de la Région industrielle centrale — un ensemble d’usines de machines, d’avions et d’armements située dans la partie centrale du pays. L’industrie chimique se développait aussi. Des plans de la modernisation du pays étaient prêts, mais leur mise en œuvre fut interrompue. En septembre 1939, l’Allemagne et l’Union soviétique envahirent la Pologne. Ces deux puissances entreprirent d’éliminer jusqu’au nom de “Pologne” de la carte politique de l’Europe.
Depuis le XVIIe siècle la Pologne, dont le territoire comprenait ceux de l’actuelle Pologne, Lituanie, Lettonie, Biélorussie et d’une partie de l’Ukraine, vivait une sérieuse crise interne, effet des défaillances du système politique, de la faiblesse de l’économie et des ravages causés au pays par les nombreuses guerres. De cette faiblesse progressive, profitèrent la Russie, l’Autriche et la Prusse qui vers la fin du XVIIIe siècle procédèrent au partage du pays. Ces trois États espéraient rapidement s’emparer des terres polonaises et assimiler leur population. Leurs tentatives furent cependant vaines, les Polonais ayant su protéger leur identité nationale et leur distinction culturelle. Il faut reconnaître qu’à l’époque, seules les classes nobles avaient un sentiment d’appartenance nationale. Mais...