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Actualités - OPINION

Lire en français et en musique 98 - L'oeuvre complète de Georges Schéhadé à Dar An-Nahar Le rêve et la réalité (photos)

Ils s’égaillent comme une volée d’oiseaux saisis par le froid ou attirés par le soleil... Ils ont le parfum mélangé des roses, du jasmin, du thym et des jardins sans nom... Ils ont aussi la transparence du cristal, l’écho des rires d’enfants et la peine des personnes sans âge... Ce sont les mots de Schéhadé. Ces mots qui font l’essence, la fragrance et la tessiture d’une œuvre aux frémissements à peine perceptibles, aux images étranges et douces. Des mots à la musique à la fois proche et lointaine, jaillis du rêve et de la réalité. Avec l’œuvre complète de Georges Schéhadé joliment et richement éditée par Dar An-Nahar (Tome 1 - La poésie - 324 pages Tome 2 et 3 Le théâtre - 486 et 543 pages) la collection Patrimoine s’enrichit d’un précieux apport qu’on redécouvre à chaque instant comme un bijou dans une boîte à trésors... À défaut d’avoir le plaisir de voir et d’écouter ce théâtre au verbe surprenant de l’auteur des Violettes (pourtant les amateurs et les professionnels ont bien foncé à brides abattues sur L’émigré de Brisbane, avec même des versions en arabe et arménien) l’on peut aujourd’hui en toute tranquillité savourer les mots de ce poète au «dire» secret qui a l’éclat et la beauté du rare. Remarqué par Max Jacob, Paul Eluard et Jules Supervielle, encouragé par Gabriel Bounoure, Schéhadé a eu d’emblée de prestigieux parrains pour entamer son parcours poétique. Jaillissement pour empreint d’une grave retenue, cette poésie a la délicatesse d’une poudre d’ailes de papillons... D’inspiration surréaliste, cette œuvre au murmure attachant contourne en toute innocence ou subtil subterfuge de poète toute réalité ou précision et se répand en un univers phosphorescent presque diaphane où l’auteur construit patiemment son univers et sa mythologie personnelle. «Volubiles et voltigeantes» sont les phrases de ce premier lauréat du prix de la francophonie pour reprendre les termes de l’un de ses préfaciers. Avec une inspiration pleine d’images sonores chargées de couleurs levantines aux tons cependant calmes et presque pastellisés (L’Orient du cœur et de l’imaginaire comme le souligne Gaetan Picon) la poésie de Schéhadé, libérée de toute contrainte de prosodie classique, en vers libres ou prose poétique, surprend le lecteur par l’incroyable délicatesse et fragilité qui l’habitent. Sans la moindre rupture, on passe de cette poésie à la fraîcheur apaisante à son théâtre, appelé à juste titre «théâtre de poésie» qui n’est en fait que le prolongement d’un verbe porté comme un rêve... Conte bien oriental qui habille des personnages pleins d’humour où la poésie est leur terre d’élection et de prédilection. Dramaturge étranger à toute école, Schéhadé est bien entendu un authentique «hakawati»... son œuvre théâtrale s’inscrit dans la lignée d’une narration où le conte a tous les atouts. Un conte qui emprunte aux mots, aux images et aux situations les associations les plus improbables, les plus diffuses, les plus charmantes. Monde flou et musicalité feutrée animent ce théâtre à couleur d’enfance où se mêlent en toute finesse la tragédie et l’humour. Ainsi l’on pourra, grâce à cette édition de Dar An-Nahar, mieux «voyager» à travers les frontières schéhadiennes et découvrir davantage les personnages de cet univers où les héros sont constamment en quête de quelque chose... Car l’œuvre théâtrale de Schéhadé ne se limite pas à L’émigré de Brisbane qui, pour des raisons de distribution , de finances et même de facilité scénique, est surjoué sur nos scènes et s’est transformé en quelque sorte en œuvre-phare. C’est avec plaisir qu’on fera connaissance avec Monsieur Bob’le qui énonce que les voyages forment la jeunesse et déforment les chapeaux... Entre l’innocence de la jeunesse, le désir d’un monde sans souillure et le bruissement des forêts, l’on découvrira aussi les beautés de La soirée des proverbes avec laquelle Jean-Louis Barrault a inauguré en 1954 à Paris la petite sale du théâtre Marigny. Pages illuminées d ’une écriture aux diaprures insaisissables voilà l’émerveillement qu’offrent ces trois tomes de l’œuvre complète de Schéhadé.
Ils s’égaillent comme une volée d’oiseaux saisis par le froid ou attirés par le soleil... Ils ont le parfum mélangé des roses, du jasmin, du thym et des jardins sans nom... Ils ont aussi la transparence du cristal, l’écho des rires d’enfants et la peine des personnes sans âge... Ce sont les mots de Schéhadé. Ces mots qui font l’essence, la fragrance et la tessiture d’une œuvre aux frémissements à peine perceptibles, aux images étranges et douces. Des mots à la musique à la fois proche et lointaine, jaillis du rêve et de la réalité. Avec l’œuvre complète de Georges Schéhadé joliment et richement éditée par Dar An-Nahar (Tome 1 - La poésie - 324 pages Tome 2 et 3 Le théâtre - 486 et 543 pages) la collection Patrimoine s’enrichit d’un précieux apport qu’on redécouvre à chaque instant comme...