Actualités - REPORTAGE
Environnement - Action préventive, gestion des déchets, mécanismes de contrôle Un code pour une meilleure protection de la nature
Par BAAKLINI Suzanne, le 16 novembre 1998 à 00h00
Les différends entre le ministère de l’Environnement et d’autres ministères l’ont prouvé : il manque à cette instance des prérogatives et une force exécutoire sur le terrain. Un code de l’environnement a toutefois été élaboré, axé sur la protection de l’environnement. Ce code, approuvé en Conseil des ministres, n’a pas encore été promulgué. Il a cependant été examiné par des experts internationaux, et le ministère de la Justice ainsi que la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice ont déjà donné leur accord. M. Charles Ghafary, conseiller juridique du ministère de l’Environnement, qui a élaboré ce code, explique que le texte comprend tous les principes fondamentaux de la protection de l’environnement : les principes de la précaution, de l’action préventive, de la préservation de la diversité biologique, de la planification, des mécanismes d’inspection environnementale, de l’information et de la participation de la société civile, de la protection de la nature sous toutes ses formes, de la gestion des déchets, de la détermination des responsabilités et des sanctions pénales… L’une des principales innovations de ce code : la création d’un Conseil national de l’environnement. Celui-ci sera présidé par le ministre de l’Environnement et sera formé des directeurs généraux des différents ministères concernés. Il y aura également dix membres de la société civile (présidents d’associations écologiques…). Ce Conseil aura pour tâche d’examiner les problèmes qui lui seront communiqués. Son rapport final sera remis par le ministre de l’Environnement au Conseil des ministres qui devra en tenir compte. «Son principal avantage, dit M.Ghafary, est d’assurer la coopération entre les différents ministères». Mais justement, la participation de tous ces ministères ne risque-t-elle pas de neutraliser le Conseil si des divergences éclatent ? «Au contraire, répond M.Ghafary, cette structure devrait résoudre les différences de points de vue au lieu de les exacerber puisque les décisions sont prises à une majorité relative. Quel est le ministère qui voudrait s’opposer à tous les autres ? Il ne faut pas non plus oublier la participation de la société civile qui a son mot à dire». Protéger les milieux environnementaux Un autre apport de la loi : le Fonds national pour la protection de l’environnement placé sous l’autorité du ministère de l’Environnement. Il sera financé par des dons de l’État ainsi que par les revenus provenant des amendes (le principe du pollueur-payeur est cité dans le code). Il contribuera à financer des mécanismes de contrôle pour l’application de la loi. La protection des milieux environnementaux (atmosphère, terre, mer) sera également, d’après cette loi, du ressort du ministère, qui déterminera les normes et standards de qualité : la protection de l’atmosphère et la lutte contre les odeurs incommodantes, la protection du littoral et de l’espace maritime, la protection de l’eau (eau potable, eau d’irrigation…), la protection du sol et du sous-sol. Le code stipule également que tout détenteur de déchets a l’obligation de traiter ces déchets afin de prévenir tout effet nocif sur l’environnement. Ainsi, toutes les modalités concernant ce problème (tri, recyclage, transport, stockage…) seront fixées par le Conseil des ministres sur proposition du ministre de l’Environnement. Par ailleurs, si la loi est appliquée, des études d’impact environnemental deviendront obligatoires pour tout projet pouvant présenter un risque écologique quelconque. Ces études seront présentées sous forme d’un document public permettant d’évaluer les répercussions directes ou indirectes du projet sur l’environnement. Enfin, le code détermine les responsabilités en cas d’infractions et précise les sanctions pénales à prendre. Interrogations La pierre angulaire du projet réside dans les mécanismes d’inspection environnementale. C’est cette surveillance qui permettra au ministère d’opérer son contrôle. Cela pose le problème de l’influence réelle dont dispose le ministère de l’Environnement s’il veut dénoncer les anomalies et imposer les normes ou les sanctions. Si ce code est adopté, cela améliorera-t-il les conditions écologiques au Liban ? Les contrôleurs pourront-ils effectuer leur travail dans des conditions acceptables ? Cette loi sera-t-elle appliquée ? Interrogé sur ces points, M.Ghafary s’est montré optimiste : «Nous comptons surtout sur la bonne foi de tous les responsables dans les ministères et dans l’administration. Et les contrôleurs constitueront notre principale force sur le terrain». Pour sa part, Mme Dounia Hagen, juriste et responsable d’une revue éditée par le ministère, trouve que «tant que le ministère n’aura pas de force exécutive sur le terrain, il ne pourra pas exécuter ses décisions ni empêcher d’autres ministères de prendre des mesures qui pourraient nuire à l’environnement». «Pourquoi ne pas fonder une police verte relevant du ministère de l’Environnement ? ajoute-t-elle. Si d’aucuns me reprochent d’être trop idéaliste et rétorquent qu’une police verte coûterait trop cher, je leur proposerais de former tout simplement un régiment qui pourrait servir pour le contrôle écologique». Mme Hagen a par ailleurs insisté sur un point : «Il est très important d’accorder plus de prérogatives au ministère de l’Environnement afin qu’il ait une marge de manœuvre acceptable. Il faut surtout lier les problèmes de la reconstruction à une meilleure planification écologique et ne plus accorder la priorité à la logique du profit. Aujourd’hui, les seules prérogatives exclusives du ministère de l’Environnement concernent les déchets et les nouvelles réserves». Par ailleurs, interrogé sur le code, le représentant de Greenpeace au Liban, M.Fouad Hamdane, a déclaré : «Ce code est très valable sur papier, mais comment espérer qu’il sera appliqué alors que les lois existantes ne le sont pas ?» M.Hamdane s’est montré sceptique sur la participation des associations, conformément, a-t-il dit, à des expériences passées. Ce code confère sans nul doute une importante autorité morale au ministère de l’Environnement sur le reste du gouvernement et de l’administration. Marquera-t-il le début d’une nouvelle ère où l’environnement cessera de subir les agressions quotidiennes et injustifiées des promoteurs de grands projets ou sera-t-il mort-né, confiné dans les tiroirs de l’administration ?
Les différends entre le ministère de l’Environnement et d’autres ministères l’ont prouvé : il manque à cette instance des prérogatives et une force exécutoire sur le terrain. Un code de l’environnement a toutefois été élaboré, axé sur la protection de l’environnement. Ce code, approuvé en Conseil des ministres, n’a pas encore été promulgué. Il a cependant été examiné par des experts internationaux, et le ministère de la Justice ainsi que la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice ont déjà donné leur accord. M. Charles Ghafary, conseiller juridique du ministère de l’Environnement, qui a élaboré ce code, explique que le texte comprend tous les principes fondamentaux de la protection de l’environnement : les principes de la précaution, de l’action préventive, de la...