Actualités - CHRONOLOGIE
Vie quotidienne - Le Caire troisième ville la plus bruyante au monde Du berceau au linceul, l'égyptien baigne dans la cacophonie
le 13 novembre 1998 à 00h00
Pour couvrir chaque soir la clameur du Caire, Hamid Sarouat pousse à fond le volume de son téléviseur, obligeant son voisin Esmat à allumer à son tour son petit écran et à faire marcher son lecteur de cassette pour trouver son sommeil. Le professeur d’université et son voisin commerçant vivent dans un quartier résidentiel et ni l’un ni l’autre n’a les moyens de payer 4.000 livres égyptiennes (1 200 dollars) le mètre de double vitrage. Tuyaux d’échappement, klaxons, sirènes, cris, musique infernale, moteurs, la capitale égyptienne, avec ses 16 millions d’habitants, est la troisième ville la plus bruyante au monde, après Bombay et Tokyo. Du premier au dernier souffle, l’Égyptien baigne dans la cacophonie. Huit jours après sa naissance, lors de la cérémonie du «soboua» (semaine), la famille frappe puissamment sur un mortier en cuivre près de chaque oreille de l’enfant en lui criant qu’il doit écouter l’avis de ses parents. Il ne trouvera pas la quiétude en rendant l’âme. «Une mort sans microphone est une mort indigne», affirme Megahed Abed Rabbo, loueur de haut-parleurs dans le quartier d’Inbaba, destinés à transmettre les condoléances au quartier résidentiel de Zamalek sur l’autre rive du Nil. «Ce sont les paroles de Dieu et tout le monde doit les entendre», dit-il. Il a également sa formule prête pour justifier ses services pour les mariages: «La musique égaie les cœurs». Professeur de médecine à l’Université du Caire, le Dr Taher Souleimane affirme que la pollution phonique modifie le comportement. «À un collègue étranger qui me demandait pourquoi les Égyptiens passaient leur temps à se disputer, j’ai expliqué que c’était notre manière de parler car nous sommes assaillis par le bruit». Décibels et décharge d’adrénaline Pour lui, le plus grand danger c’est le klaxon utilisé sans discernement par les trois millions d’automobilistes du Caire. «Leurs décibels sont si puissants qu’ils peuvent entraîner dans certains cas une perte immédiate de 10 à 15% de l’ouïe et une décharge d’adrénaline préjudiciable au cœur», affirme cet oto-rhino-laryngologiste. Il note aussi que les personnes exposées au bruit sont souvent victimes d’une baisse de productivité, de perturbations psychiques et de maladies cardio-vasculaires. Responsable de la lutte contre la pollution phonique au ministère égyptien de l’Environnement, M. Magdi Allam pointe un doigt accusateur sur les motos, les voitures et les calèches. «Nous essayons de combattre les sources mobiles de vacarme en collaboration avec la police du trafic, mais il est impossible de mettre un motard derrière chaque voiture», se lamente-t-il. Selon lui, «la loi sur l’environnement de 1994 fixe la limite à 52 décibels dans les zones résidentielles et 90 décibels dans les usines. Mais en milieu de journée, le bruit dans les quartiers résidentiels atteint près de 70 décibels et 90 au centre-ville». Autre calamité, pour M. Allam, les boîtes de nuit installées en plein air, qui font chaque nuit hurler leur musique en se souciant comme d’une guigne du voisinage. «Les propriétaires défient ouvertement les lois et brisent les scellés que nous posons», se plaint M. Allam. «Nous aurions besoin d’une force armée pour contraindre la population à respecter les clauses antibruit de la loi sur l’environnement de 1994», déclare-t-il. Pour lutter contre le bruit, les autorités veulent renforcer l’arsenal punitif. Le gouvernement a adopté récemment un projet de loi interdisant notamment les sirènes sur les voitures particulières et alourdissant l’amende actuelle de 10 livres (3 dollars) pour l’usage du klaxon. Le Parlement examinera la loi en décembre, mais pour le Dr Souleimane «une vie sans bruit doit s’apprendre dès le berceau».
Pour couvrir chaque soir la clameur du Caire, Hamid Sarouat pousse à fond le volume de son téléviseur, obligeant son voisin Esmat à allumer à son tour son petit écran et à faire marcher son lecteur de cassette pour trouver son sommeil. Le professeur d’université et son voisin commerçant vivent dans un quartier résidentiel et ni l’un ni l’autre n’a les moyens de payer 4.000 livres égyptiennes (1 200 dollars) le mètre de double vitrage. Tuyaux d’échappement, klaxons, sirènes, cris, musique infernale, moteurs, la capitale égyptienne, avec ses 16 millions d’habitants, est la troisième ville la plus bruyante au monde, après Bombay et Tokyo. Du premier au dernier souffle, l’Égyptien baigne dans la cacophonie. Huit jours après sa naissance, lors de la cérémonie du «soboua» (semaine), la famille frappe...
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