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Actualités - REPORTAGE

Professions Pharmacienne : tous les rôles à la fois (photo)

Le pire souvenir de Lucie, en dix ans d’exercice, c’est le jour où elle a vu débouler dans sa pharmacie un homme livide avec, dans un sac en plastique... son doigt ensanglanté. «C’était un voisin, explique-t-elle. Le boucher de quartier. Il s’était tout simplement sectionné le doigt et au lieu de courir à l’hôpital, il était venu tout droit à la pharmacie... Mais nous ne somme pas médecins, allez faire comprendre cela aux gens! Il y a des choses que nous n’avons pas le droit de faire! Ce jour-là, tout ce qui était en mon pouvoir, c’était d’appeler une ambulance. Ce qu’il aurait dû faire lui-même tout de suite...». Du médecin généraliste au service des urgences, en passant par l’assistance sociale et SOS déprime: le pharmacien, la pharmacienne, surtout dans les quartiers bondés où tout le monde les connaît, où ils savent les petites misères de chacun, se trouvent affublés de tous les rôles. «On nous demande ce que nous ne pouvons pas donner, poursuit Lucie. Nous sommes SOS tout! Je revois encore cette petite dame qui arrive avec son enfant de quatre ans, un mouchoir sur l’arcade sourcilière. Là-dessous, l’os était à nu! Mais pas question pour la mère d’entendre parler d’hôpital ou d’ambulance, c’est moi qu’elle venait trouver...» Cas de conscience quotidien encore plus délicat à aborder, celui des ordonnances «de complaisance». «Nous sommes la dernière barrière entre les clients et les médicaments, explique Lucie. Quand vous connaissez quelqu’un avec son passé médical et que vous le voyez arriver avec une ordonnance signée d’un nouveau médecin inconnu qui lui a prescrit tout ses petits caprices, qu’est-ce que vous faites? Combien de femmes, en fin de traitement d’amaigrissement, n’ont pas le courage d’arrêter quand leur médecin le leur ordonne. Plutôt que de passer à un régime normal, elles préfèrent continuer l’artillerie lourde. Tout simple... Elles vont en voir un autre et arrivent ici avec une ordonnance pour des dérivés d’amphétamine. Nous devons réagir. Discuter, expliquer... Souvent il n’y a rien à faire et la cliente va voir ailleurs...». Lapsus Mais le quotidien du métier ce sont aussi ces crises de fous rires qu’il faut retenir parce que le lieu ne s’y prête pas... «Le plus drôle ce sont les confusions de mots... Le plus fréquent c’est «l’aspirine fluorescente» ou mieux, «l’effervescence» tout court». «Avec les préservatifs, on a droit à tous les cas de figure. Les timides qui vous glissent sur le comptoir un bout de papier plié en quatre d’un air qui se veut négligent, et les plaisantins pervers qui vous demandent comment cela s’utilise... Mais c’est facile de les remettre à leur place». Il y a aussi les personnes qui se sont prescrit elles-mêmes leur petit cocktail contre la grippe et viennent retrouver Lucie quand cela commence à se gâter, les clients qui ont compris l’ordonnance de travers, avalé les suppositoires... Ces dames qui vous demandent pour le jour même leur préparation de gélules pour maigrir, comme s’il y avait urgence vitale, et vous menacent de changer de pharmacien si vous ne respectez pas leurs délais... Avec chaque client il faudrait changer de casquette sans jamais se départir d’une bonne dose de sang-froid. «Mes petites chouchoutes ce sont les mémés du quartier. Elles ne veulent être servies que par moi. Il faut leur livrer les médicaments, remplir les feuilles de Sécu, écrire les doses à prendre sur les boîtes...». «Il y en a une qui m’envoie des membres de sa famille avec une ordonnance qu’elle a elle-même «inventée»... «Une autre qui m’appelle quatre ou cinq fois par jour... Quand elles sont seules, on finit par faire un peu partie de leur famille». Cela aussi, même si cela ne s’apprend pas à l’école, cela fait partie du métier...
Le pire souvenir de Lucie, en dix ans d’exercice, c’est le jour où elle a vu débouler dans sa pharmacie un homme livide avec, dans un sac en plastique... son doigt ensanglanté. «C’était un voisin, explique-t-elle. Le boucher de quartier. Il s’était tout simplement sectionné le doigt et au lieu de courir à l’hôpital, il était venu tout droit à la pharmacie... Mais nous ne somme pas médecins, allez faire comprendre cela aux gens! Il y a des choses que nous n’avons pas le droit de faire! Ce jour-là, tout ce qui était en mon pouvoir, c’était d’appeler une ambulance. Ce qu’il aurait dû faire lui-même tout de suite...». Du médecin généraliste au service des urgences, en passant par l’assistance sociale et SOS déprime: le pharmacien, la pharmacienne, surtout dans les quartiers bondés où tout le monde...