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Hommage - Plaidoyer pour une coexistence interlibanaise Pharès Zoghbi : le sens de la culture et la magie des mots
Par JALKH Jeanine, le 12 novembre 1998 à 00h00
Ils étaient nombreux hier, ceux qui étaient venus rendre hommage à Pharès Zoghbi, avocat de talent, grand érudit profondément imprégné d’humanisme, tant il est vrai que sa culture universaliste ne peut être comprise qu’à travers le sens qu’il donne à l’existence, et par là, à la coexistence entre les Libanais, «qui exige une vision concertée», comme il dit. Devant un public averti, et en présence de plusieurs personnalités politiques, Pharès Zoghbi n’a pas parlé philosophie. Il n’a pas parlé non plus des grands auteurs qui l’ont accompagné durant sa vie d’érudit, exception faite pour Lévy Strauss et Jacques Berque, deux auteurs pour lesquels il a un faible particulier. C’est plutôt de la convivialité qu’il a voulu causer hier, cette convivialité qu’il souhaite voir s’installer parmi les Libanais, car c’est précisément sur ce terrain-là, dit-il, qu’il faudra chercher le sens de la véritable culture. La culture, dit-il, ce n’est pas «l’accumulation des connaissances» qui est le fruit d’un certain «élitisme» social. Ce n’est pas non plus la culture de l’Occident au sens rejeté par Lévy Strauss lorsqu’il avait alors condamné un certain ethnocentrisme européen. « La culture véritable, dit Zoghbi, c’est la recherche du sens dans l’espace et le temps où l’on vit ». Citant le sociologue français Jacques Berque dans sa recherche du sens et de l’expression, cet octogénaire éclairé se demande quel est le sens véritable de l’existence au Liban. Le fait d’avoir vécu dans ce pays fait que «je me sens concerné», dit-il. De même, pour les autres Libanais, pour tous les Libanais, «la culture signifie la recherche du sens de la coexistence». Dans une merveilleuse tirade, Me Zoghbi poursuit : «La culture, c’est essayer de se réconcilier avec notre destin, être à la hauteur de ce destin, le vivre, comme une donnée de Dieu, comme une donnée de l’histoire». Car, dit-il, le pays est mû par les mêmes phénomènes vitaux, culturels géographiques, par des besoins identiques, qui sont les mêmes chez les uns et les autres. Oui, il y a une identité culturelle, que définirait une religion, mais il y a une autre identité aussi, l’identité nationale, proclame ce partisan du dialogue. Reprenant le sens de la culture à laquelle il ajoutera une dimension sociologique et anthropologique, Me Zoghbi enchaîne par une métaphore attendrissante: «Il faut sortir et aller amoureusement à la recherche de la culture nationale». Lecteur vorace Quant à la recherche de l’expression qui devra transmettre le sens, Pharès Zoghbi opte, on devait s’y attendre, pour le livre, «sous le signe duquel il a placé sa vie entière». Ce bibliophile collectionneur de tout genre d’écrits, lecteur type ou lecteur vorace ô combien «dangereux pour les auteurs», comme disait de lui Samir Kassir, en le présentant, mais certainement celui qui a fait le bonheur des éditeurs. Par-delà le lettré, le savant et le philosophe, dont l’humanisme a également été façonné à force d’avoir sillonné ce monde et ses grands esprits, Pharès Zoghbi, c’est aussi la générosité, qui s’est incarnée par sa volonté de partager sa richesse intellectuelle et spirituelle avec les autres. La fondation culturelle qui porte son nom incarne un véritable «temple de la culture, dit Kassir, pour que les jeunes et les adolescents d’aujourd’hui comprennent qu’un livre est sacré». Cet homme, qui a arpenté les hauts lieux de la culture, a succombé très jeune à la magie des langues, et particulièrement à celle de la langue arabe qui l’a d’autant plus charmé qu’il l’ignorait durant sa première enfance, pour avoir vécu ses douze premières années au Brésil. C’est également avec des mots magiques et des idées d’une densité rare que nous conte, dans son ouvrage intitulé À livres ouverts, Pharès Zoghbi, son enfance, ses rencontres, son Liban. Bref, l’itinéraire d’une conscience chargée par les émotions de la vie.
Ils étaient nombreux hier, ceux qui étaient venus rendre hommage à Pharès Zoghbi, avocat de talent, grand érudit profondément imprégné d’humanisme, tant il est vrai que sa culture universaliste ne peut être comprise qu’à travers le sens qu’il donne à l’existence, et par là, à la coexistence entre les Libanais, «qui exige une vision concertée», comme il dit. Devant un public averti, et en présence de plusieurs personnalités politiques, Pharès Zoghbi n’a pas parlé philosophie. Il n’a pas parlé non plus des grands auteurs qui l’ont accompagné durant sa vie d’érudit, exception faite pour Lévy Strauss et Jacques Berque, deux auteurs pour lesquels il a un faible particulier. C’est plutôt de la convivialité qu’il a voulu causer hier, cette convivialité qu’il souhaite voir s’installer parmi les...