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Voyage Le Tour Abdin (Turquie)
Par MOUAWAD Ray Jabre, le 20 octobre 1998 à 00h00
La «Montagne des Adorateurs» (Touro en syriaque, montagne-Abdin: adorateurs) est un site touristique peu connu et peu fréquenté de Turquie. Et pour cause : cette «montagne» jouxte la zone d’affrontements kurdo-turque au sud-est de ce pays. Les «adorateurs» qui lui ont donné son nom étaient les moines et moniales qui, dès la fin du IVe siècle de l’ère chrétienne, ont édifié des monastères comme de forteresses et mené en grand nombre une vie «d’adoration». Du Ve au VIIIe siècle la vie monastique au Tour Abdin fut si florissante qu’elle essaima vers le nord de l’Irak actuel. La langue commune était ici le syriaque. Elle a perduré jusqu’à nos jours chez les chrétiens du Tour Abdin sous une forme dialectale : le «touroyo». Incrustés dans un paysage pastoral, ponctué de collines et de douces vallées, les monastères et les églises syriaques sont aujourd’hui abandonnés. Certains connaissent le sort des vestiges de toutes les civilisations disparues : leurs ruines monumentales et splendides sont peu à peu envahies par les ronces et recouvertes de terre. D’autres, tout aussi désertes, sont entretenues par l’Église syriaque orthodoxe dont la résidence patriarcale est à Damas depuis 1957. Un seul grand ensemble monastique demeure habité dans ce Mont Athos oriental vidé de sa substance : le monastère de Mar (saint) Gabriel, ou Deir el-Omr, qui a fêté l’année passée le 1600e anniversaire de sa fondation (397 AD). L’évêque syriaque orthodoxe du Tour Abdin, Samuel Dektas, qui est aussi le supérieur du monastère de Mar Gabriel, assisté du diacre Isa Gharis reçoit affablement les visiteurs. On peut passer la nuit au monastère qui comprend par ailleurs une aile féminine pour une dizaine de religieuses. Elles n’apparaissent qu’aux offices ou aux prières à l’église, la vie du monastère étant strictement cloisonnée. Phénomène nouveau ces dernières années quelques jeunes reviennent momentanément des pays d’immigration (Suède, Allemagne, Belgique, France, Australie) pour un «retour aux sources». Une vingtaine de jeunes garçons vivent également ici comme dans un pensionnat, y apprenant le syriaque et les rudiments de la liturgie. Celle-ci ne peut manquer de surprendre et d’envoûter le voyageur, quel que soit son intérêt pour les choses religieuses. Les usages liturgiques semblent en effet avoir traversé les siècles depuis l’an 397 à nos jours. On se déchausse pour pénétrer à l’église. Les femmes y sont à l’arrière, séparées des hommes. Au cours de la prière, tous les fidèles, qui restent débout, accomplissent en même temps plusieurs métanies (à genoux – à plat ventre – débout). Le chœur, divisé en deux groupes qui se placent de part et d’autre de l’autel dans la nef, égrène les prières et les louanges en une alternance parfaite, venue du fond des âges. Le ton est monocorde, et cette langue ancienne, celle du Christ, dévide inlassablement ses formules d’adoration. Le Tour Abdin a formé un diocèse dès le début du VIIe siècle, relevant du patriarche d’Antioche syriaque orthodoxe (qui se démarque du concile de Chalcédoine de 451). Les monastères sont alors des foyers de vie spirituelle ou nombre de moines mènent une vie érémitique, copient et ornent des manuscrits. Au XIVe siècle (en 1364 AD), le Tour Abdin devient cependant un patriarcat indépendant et rompt avec l’Église-mère. Il a entre-temps connu dès le XIe siècle nombre d’invasions, seljoukides (turcs), mongoles, kurdes qui dévastent la contrée. La tragédie a déjà commencé. Les divisions internes, le Tour Abdin comptera au début du XIXe siècle trois «patriarches», l’insécurité chronique de cette région frontalière où la population kurde est devenue majoritaire provoque l’émigration des chrétiens. Estimés à environ 40 000, en majorité syriaques orthodoxes, avant la Première Guerre mondiale, ils sont aujourd’hui moins d’un millier au Tour Abdin. Dignes, comme habités par l’histoire spirituelle de leur peuple, l’évêque Samuel Dektas et son dynamique «schammas» accueillent toujours les voyageurs et maintiennent – jusqu’à quand? – les traditions d’hospitalité et de prière de la «Montagne des Adorateurs». Ils ne sont plus tout à fait seuls. En effet quelques orientalistes anglais (de l’Université d’Oxford) et allemands, venus là dans le cadre de leurs recherches, n’ont pu se résoudre à voir disparaître sans rien faire les dernières traces d’une culture syriaque autrefois rayonnante. Il existe une association des «Amis du Tour Abdin» dont le siège est en Autriche. Son adresse est la suivante: «Freunde des Tur Abdin», Bethlehemstrade 20, A-4020, Linz. Tél/Fax: 0043732773578 ou Mar Gabriel Manastiri. P.K. No 4, 47 510 Midyat-Turquie. Tél: 00-90-4829621425. Fax: 00-20-4824621257.
La «Montagne des Adorateurs» (Touro en syriaque, montagne-Abdin: adorateurs) est un site touristique peu connu et peu fréquenté de Turquie. Et pour cause : cette «montagne» jouxte la zone d’affrontements kurdo-turque au sud-est de ce pays. Les «adorateurs» qui lui ont donné son nom étaient les moines et moniales qui, dès la fin du IVe siècle de l’ère chrétienne, ont édifié des monastères comme de forteresses et mené en grand nombre une vie «d’adoration». Du Ve au VIIIe siècle la vie monastique au Tour Abdin fut si florissante qu’elle essaima vers le nord de l’Irak actuel. La langue commune était ici le syriaque. Elle a perduré jusqu’à nos jours chez les chrétiens du Tour Abdin sous une forme dialectale : le «touroyo». Incrustés dans un paysage pastoral, ponctué de collines et de douces vallées,...
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