Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Hommage à Ma Haide, le Dr. Georges Hatem (photos)

Le Dr Nagib Taleb nous adresse cet article en hommage au Dr Georges Hatem, ce Chinois d’origine libanaise, ami de Mao et de Chou en-Lai. Ses succès dans la santé publique, la lutte contre les maladies vénériennes et la lèpre ont été jugés uniques et comparables, en importance, à l’éradication de la fièvre jaune et de la peste bubonique, selon les spécialistes du monde entier. Le 3 octobre 1988, il y a juste dix ans, mourait à Pékin le Dr Georges Chafic Hatem, alias «Ma Haide» qui tient une place tout à fait à part, aussi bien dans la médecine chinoise, américaine et internationale que dans la longue liste des Libanais qui se sont illustrés à l’étranger. Le Dr Hatem n’était pas un milliardaire ni un grand savant ni un inventeur. Mais la trace qu’il a laissée dans la Chine du XXe siècle est unique. En effet, il a vaincu les maladies vénériennes et maîtrisé la lèpre. A sa mort, le «Journal of American Medical Association» (2 décembre 88, page 3188) lui consacre une notice nécrologique fort élogieuse: «Le Dr Hatem fut responsable des efforts immenses de santé publique qui ont permis d’éliminer les maladies vénériennes dans toute la Chine». Et le prestigieux «New England Journal of Medicine» (14-2-94, page 582), analysant le livre de Shapiro, dit: «Hatem est probablement à la médecine du XXe siècle ce que furent Rudolf Wirchow au XIXe siècle et Benjamin Rush au XVIIIe; le guérisseur prééminent par et à travers la politique». Et d’expliquer que Wirchow, un des plus grands noms de la médecine allemande a combattu sur les barricades en 1845 avant d’affronter la fièvre typhoïde, et Rush fut un des signataires de la Déclaration d’indépendance des Etats-Unis, tout en luttant contre la fièvre jaune. Sidney Shapiro, un avocat américain qui vécut longtemps en Chine et fréquentait les Hatem, lui consacre, en 1993, une excellente bibliographie... Le Dr Hatem est né à Buffalo (Etat de New York) le 26 septembre 1910. Son père Nahoum Hatem, originaire de Hammana, avait émigré aux Etats-Unis en 1896, à l’âge de 14 ans. Il était revenu à son village natal en 1908 pour épouser Tamam Youssef, de la famille Milane, originaire de Bhannès (aujourd’hui Dahr el-Sawan). Il vécut à Buffalo puis à Greenville (Caroline du Nord) dans une famille pauvre, très attachée à ses origines libanaises. Malgré ses succès scolaires (en particulier à l’université de Chapel Hill), il était difficile pour un pauvre émigré de s’inscrire en médecine. Il rentre donc à Beyrouth à l’Université américaine où il commence ses études médicales et y réside de 1929 à 1931. Avec deux de ses camarades américains, il se rend ensuite à Genève où il obtient ses diplômes en 1933. C’est alors que cet ancien enfant de chœur à l’église maronite de Buffalo est saisi de l’esprit d’aventure. Au lieu de rentrer sagement en Amérique faire fortune en soignant la grippe, il décide de partir pour Shanghai qui représentait alors la ville internationale par excellence, la capitale mondiale des trafics, de la prostitution, de la drogue, des maladies vénériennes. Sur le plan médical, son séjour lui apprend beaucoup sur les maladies sexuellement transmissibles, la malaria, les parasitoses, la fièvre jaune. Mais il est vite dégoûté par la pourriture morale de la classe internationale, l’appât du gain facile et l’exploitation de l’homme. Son séjour à Shanghai n’est pas sans intérêt. D’un côté, il est fasciné par la Chine, tout en déplorant les injustices sociales qui y prévalent. D’un autre côté, il fréquente un milieu d’étrangers intéressants: intellectuels de gauche, écrivains, artistes, bohèmes, protégés par Mme Soong, veuve de Sun Yat Sen et belle-sœur de Chang Kai Chek (Jiang Jiesh), mais d’opinions libérales et ardent soutien de la révolution sans être membre du Parti communiste. En juin 1936, Mme Soong l’informe que Mao Zedong (Mao Tsé-Toung), gêné par le blocus implacable du Kuomintang, souhaitait recevoir un «journaliste occidental honnête» ainsi qu’un bon «docteur occidental». C’est ainsi qu’en compagnie d’Edgar Snow, il quitte Shanghai pour ce qu’il pensait être une courte visite afin de mieux connaître et d’aider les forces révolutionnaires qui voulaient changer la Chine. Le destin voulut que cette courte visite dura jusqu’à la fin de sa vie... Membre du PC Dans la province de Ningxia, peuplée essentiellement de musulmans, il choisit, sur les conseils de Chou en-Lai, le nom de Ma Haide. Ma est un patronyme fréquent chez les musulmans de Chine et Haide proche du mot Hatem. Jusqu’à la victoire finale des communistes en 1949, sa vie est essentiellement celle d’un médecin de campagne doublé d’un médecin militaire, exerçant son activité dans les pires conditions de dénuement, pris sous le double feu des Japonais et du Kuomintang de Chang. «Médecin sans frontières» avant la lettre, insouciant du danger, il parcourt souvent les campagnes pour accoucher une femme, réduire une fracture ou traiter une fièvre. Premier médecin étranger à s’établir à Yanan, il est très estimé par les dirigeants communistes en particulier Mao Tsé-Toung et Chou en-Lai qu’il soigne et qui assistent à son mariage. Ayant définitivement adopté la Chine, et pris un nom chinois, Ma Haide devient membre du Parti communiste chinois. Il épouse une jeune actrice chinoise, Sufei. Il se familiarise avec la médecine chinoise et vit avec le peuple chinois cette période de guérillas, de bombardements, de privations. Tout en menant la vie de médecin avec un dévouement exemplaire, Ma Haide s’attaque parfois à des tâches plus ambitieuses. Au gré des besoins, il crée nombre de dispensaires, d’hôpitaux ruraux, d’hôpitaux de campagne. Et surtout, il prépare les projets qui feront, quelques années plus tard, sa renommée. Sans contredire l’opinion officielle, selon laquelle les maladies sont dues à la misère et à l’injustice, il prépare la lutte contre la syphilis, la lèpre et les autres problèmes médicaux de la Chine. Mais bientôt la fortune de la guerre change de camp. La ténacité de Mao trouve enfin sa récompense quand il occupe Pékin et proclame, le 1er octobre 1949, la République populaire de Chine. La vie de Hatem allait se transformer. Le médecin des pauvres devient un bureaucrate influent. Mais il ne change rien à ses convictions et entreprend immédiatement de réaliser les rêves de Yanan. Les réactions des responsables chinois à son égard ne sont pas toutes favorables. D’un côté, il est le premier étranger à recevoir (dès 1950) la nationalité de la nouvelle Chine. De l’autre, la xénophobie et la méfiance règnent dans certains cercles. Elles vont s’intensifier durant la Révolution culturelle (1966-76) et Hatem en souffre beaucoup. La fin de la révolution culturelle en 1976 lui donne un nouvel élan. Et il peut reprendre la lutte contre les fléaux de la Chine. La syphilis et le premier de ces fléaux. Bientôt, grâce à la pénicilline, à la discipline dans ce pays, à son esprit tourné vers la prévention, cette maladie n’est plus un problème. Et la lèpre commence à régresser à toute vitesse, tombant de 500.000 à 70.000 cas grâce à ses efforts. Malgré ses responsabilités officielles de plus en plus importantes, il continue à pratiquer la médecine et contrôle, sur le terrain, l’application de ses directives de prévention et de traitement. Ses dernières années sont troublées par la maladie. Mais la reconnaissance internationale et les postes éminents qui lui sont enfin confiés le réconfortent. Aux Etats-Unis, au Canada, en Suisse, en Australie, en Nouvelle-Zélande, on se l’arrache pour le combler d’honneurs et de prix (le prix Lasker en particulier). Il profite de l’occasion pour être un ambassadeur de bonne volonté de la Chine dans le monde comme il essaye en Chine de mieux faire comprendre l’Occident. En 1974, un de ses voyages l’amène au Liban avec sa femme. Salué par tous les Hatem de Hammana et d’ailleurs, il participe à une conférence sur l’acupuncture et, comme d’habitude, est heureux de constituer un trait d’union entre deux pays complètement différents. Le cancer qu’il combat depuis des années le terrasse enfin et il s’éteint dans sa famille entouré de sa femme et de ses enfants et petits-enfants le 3 octobre 1988. Tous ceux qui ont connu le Dr Georges Hatem ont été séduits par ses qualités humaines exceptionnelles, son détachement des choses de ce monde, son désintéressement total, son dévouement absolu. Il était réellement un apôtre et sans jamais se renier, un apôtre à la fois libanais, américain, chinois et communiste.
Le Dr Nagib Taleb nous adresse cet article en hommage au Dr Georges Hatem, ce Chinois d’origine libanaise, ami de Mao et de Chou en-Lai. Ses succès dans la santé publique, la lutte contre les maladies vénériennes et la lèpre ont été jugés uniques et comparables, en importance, à l’éradication de la fièvre jaune et de la peste bubonique, selon les spécialistes du monde entier. Le 3 octobre 1988, il y a juste dix ans, mourait à Pékin le Dr Georges Chafic Hatem, alias «Ma Haide» qui tient une place tout à fait à part, aussi bien dans la médecine chinoise, américaine et internationale que dans la longue liste des Libanais qui se sont illustrés à l’étranger. Le Dr Hatem n’était pas un milliardaire ni un grand savant ni un inventeur. Mais la trace qu’il a laissée dans la Chine du XXe siècle est unique. En...