Actualités - REPORTAGE
(Supplement) Performances bancaires : un mieux qui dure
Par MELKI Roger, le 29 septembre 1998 à 00h00
Alors que, depuis plus de deux ans, l’économie libanaise traverse une phase difficile, le secteur bancaire, lui, affiche des résultats “insolents”. Les chiffres d’affaires progressent au rythme annuel de 30%, les bénéfices s’accumulent et les capitaux propres ont été multipliés par 5 au cours des six dernières années. Ces résultats permettent l’embauche des cadres les plus performants et autorisent le rachat des banques les plus faibles, à des prix jugés relativement surévalués. La modernisation ne s’arrête pas à une nouvelle embauche, mais s’étend à la modernisation des équipements et à l’introduction des produits bancaires de pointe. Certes, le tableau n’est pas rose pour tous les intervenants, et les petites unités semblent avoir quelques difficultés à sortir leur épingle du jeu. D’où l’appétit des grands groupes bancaires à vouloir racheter les unités les plus modestes. Les manœuvres ne se limitent pas aux banquiers libanais, mais impliquent aussi des partenaires étrangers, notamment ceux des pays du Golfe. Ces derniers ne sont pas toujours des prédateurs invétérés, dans la mesure où ils sont souvent sollicités par les banquiers libanais eux-mêmes qui ont de moins en moins peur à ouvrir leur capital social. Depuis quelques mois, cette euphorie s’est quelque peu calmée et les prix des actions bancaires se sont fortement tassés sur la place boursière beyrouthine. Pour certains, ce recul traduit de simples corrections de marché après les résultats exceptionnels enregistrés entre 1996 et 1998. Pour d’autres, il serait le signe précurseur d’un retournement de tendance. Dans la première catégorie, on classera les personnes qui estiment que le secteur bancaire bénéficie d’une dynamique propre induite par une modernisation de ses structures. Dans la seconde, on retrouvera les personnes qui lient entièrement la réussite de ce secteur à la généreuse politique d’endettement du secteur public. Résultats exceptionnels Comme souvent, la vérité se situerait entre ces deux opinions, avec d’ailleurs des relations de causes à effets. Ainsi, la politique d’endettement offre des opportunités de placement certaines aux banques libanaises, qui en profitent pour se moderniser, ce qui leur permet de dégager des marges supplémentaires pour alimenter les besoins financiers de l’Etat. L’évolution des principaux postes du bilan consolidé des banques commerciales depuis 1990 confirme cette dynamique. Ainsi, on constate que le total des actifs bancaires a atteint quelque 32,9 milliards de dollars en juin 1998 contre 29,9 milliards en décembre 1997 et 24 milliards fin 1996. La progression pour l’ensemble de 1997 était de 24,6% et elle est de 8% pour les 6 premiers de 1998. Pour les dépôts du secteur privé, on relève que ceux-ci ont atteint un total de 27,6 milliards de $ fin juin 98 contre 25,4 milliards en décembre 1997 et 19,8 milliards un an plus tôt. Pour les 12 mois de 1997, la progression des dépôts a atteint 28,3% et 8,1% pour les 6 premiers mois de 1998. De profonds changements ont été observés au niveau des dépôts bancaires qui se sont fortement redollarisés en 1997. En effet, le taux de dollarisation avait baissé jusqu’à 56,5% en décembre 1996 avant de remonter à 63,5% en 1997 et frôler la barre des 66% au cours du second trimestre de 1998. Ce retournement de tendance traduit une nouvelle méfiance de la part des déposants vis-à-vis de la livre sous le double effet d’un endettement public difficilement contrôlable et d’un environnement politique souvent trop passionnel. Pour les avances, on relève que l’ensemble des prêts du secteur bancaire a atteint un total de 21,5 milliards de dollars fin juin 1998 dont 11,5 milliards (soit 54% du total) pour le secteur privé. Fin 1997, le total des avances bancaires était de 19,2 milliards de dollars contre 15,9 milliards fin 1996. La progression des avances bancaires pour l’exercice de 1997 est estimée à 20,5% et à 13% pour les 6 premiers mois de 1998. En juin 1997, la part du secteur privé par rapport à l’ensemble des avances bancaires était de l’ordre de 51,5% avant de se redresser au cours de ces derniers mois. En fait, cette amélioration est principalement due à la réticence affichée fin 1997 et début 1998 face aux souscriptions aux bons de Trésor. Cette attitude va de paire avec la méfiance vis-à- vis de la monnaie libanaise, observée au cours de cette même période. Les crédits bancaires au secteur public sont passés de 1,7 milliard de $ fin 1992 à 9,8 milliards en mai 1998, soit presque une multiplication par 6 de ces avances. Au cours de cette même période, les créances du secteur bancaire sur le secteur privé passent de 2,6 milliards à 11,5 milliards, soit une multiplication par 4,4. Les opportunités de placement semblent donc être plus importantes dans le secteur public que dans le secteur privé. Les avances bancaires au secteur public représentaient fin 1996 environ 90% du total des dépôts en LL. En juin 1998, ce taux est passé à 103,8% en raison des avances accordées en devises à l’Etat. En effet, les banques libanaises ont massivement souscrit à l’émission de 1 milliard de $ effectué par l’Etat libanais sur le marché international. En ce qui concerne le secteur privé, l’agriculture ne bénéficie que de 2% des avances bancaires et le secteur industriel de moins de 10%. Le commerce et la construction bénéficient respectivement de 45% et 25% des avances. On relève que moins de 0,5% des emprunteurs disposent de plus de 35% des avances bancaires. La moyenne de crédit pour ces débiteurs est de 17,6 millions de dollars alors qu’elle n’est que de 9.500 dollars pour 44% des emprunteurs les plus modestes, qui ne bénéficient que de moins de 2% du total des avances bancaires. Enfin, on notera que cette évolution de l’activité bancaire a permis une consolidation des structures bancaires notamment une très forte capitalisation du système bancaire dont le total des fonds propres atteint 2,3 milliards de $ en mai 1998 contre seulement 144 millions en 1992. Les perspectives bancaires pourraient être moins fastueuses pour les prochains exercices, et dépendront en fait de la bonne tenue de la monnaie nationale. Mais pour beaucoup, il est certain que les performances du secteur seront toujours supérieures à celles des autres activités économiques auxquelles, finalement, le secteur bancaire reste intimement lié.
Alors que, depuis plus de deux ans, l’économie libanaise traverse une phase difficile, le secteur bancaire, lui, affiche des résultats “insolents”. Les chiffres d’affaires progressent au rythme annuel de 30%, les bénéfices s’accumulent et les capitaux propres ont été multipliés par 5 au cours des six dernières années. Ces résultats permettent l’embauche des cadres les plus performants et autorisent le rachat des banques les plus faibles, à des prix jugés relativement surévalués. La modernisation ne s’arrête pas à une nouvelle embauche, mais s’étend à la modernisation des équipements et à l’introduction des produits bancaires de pointe. Certes, le tableau n’est pas rose pour tous les intervenants, et les petites unités semblent avoir quelques difficultés à sortir leur épingle du jeu. D’où...