milieux politiques. Si dans les cercles loyalistes, on n’a pas pu le justifier, dans les milieux de l’opposition parlementaire, hostile à une rallonge du mandat de la Chambre, on y a vu un choix délibéré visant à «porter le coup de grâce au Conseil constitutionnel et à l’humilier» pour reprendre les propos du député Boutros Harb.
C’est dans ce même ordre d’idées que doit s’inscrire la campagne menée contre le président démissionnaire du Conseil constitutionnel. Au moment où le ministre de la Défense tirait à boulets rouges contre M. Mallat, on apprenait que le Conseil d’Etat avait présenté au ministre de la Justice, M. Bahige Tabbarah, la semaine dernière un mémorandum dans lequel il exprime son indignation devant les propos tenus par M. Mallat, au lendemain de sa démission, le 2 avril dernier. Le Conseil d’Etat avait aussi réclamé une intervention du parquet pour qu’une enquête soit menée auprès de M. Mallat aux fins de savoir s’il a divulgué le secret de la délibération et porté atteinte aux magistrats membres du Conseil en parlant de pressions politiques. M. Tabbarah n’a pas infirmé ou confirmé ces informations. Il a toutefois laissé entendre que le Conseil d’Etat peut entreprendre une telle démarche, du moment que n’importe qui peut saisir le Parquet d’une affaire déterminée, apprend-on de sources proches du ministère de la Justice. Selon ces mêmes sources, M. Tabbarah a cependant exclu la possibilité de poursuites judiciaires contre M. Mallat.
Quant au ministre de la Défense, il n’a pas été jusqu’à réclamer des poursuites contre M. Mallat, mais il l’a implicitement accusé de s’être permis de «provoquer une secousse dans le pays, après avoir encaissé 400 millions de livres à titre d’indemnités de l’Etat». M. Dalloul a tenu ces propos lors d’une cérémonie organisée dans la Békaa par l’Institut professionnel et technique de la Békaa, à l’occasion de la première commémoration du massacre de Cana. On ne peut que s’interroger sur l’opportunité d’un tel discours dans ce genre de rencontres. Toujours est-il que devant les professeurs et les étudiants de l’institut, le ministre a qualifié la démission de M. Mallat de «suspecte » et a indiqué que «le pays aurait plongé dans un vide constitutionnel, lorsque le Conseil constitutionnel avait invalidé la loi électorale, si le gouvernement et le Parlement n’avaient pas réagi à temps en arrangeant les choses».
M. Dalloul a exprimé de vives réserves au sujet des raisons invoquées par M. Mallat pour justifier sa démission, à savoir les ingérences politiques dans les affaires du Conseil constitutionnel, considérant qu’un juge peut rester imperméable aux pressions exercées sur lui.
Dans une mise au point consécutive aux insinuations de M. Dalloul, M. Mallat. a déclaré que la somme dont il est question correspond au prix d’un terrain situé à Baabda exproprié par l’Etat, et dont il vient enfin de toucher le prix après 20 ans de contestation devant les tribunaux, car le prix qui lui en a été offert ne correspond qu’au quart de la valeur réelle du bien- fonds.
M. Mallat a jugé «regrettables» les insinuations de M. Dalloul, d’autant que ce dernier a eu l’occasion durant la guerre, de défendre des propriétaires terriens ayant fui vers les régions Est du pays, dont les biens-fonds avaient été «confisqués» par certains exploiteurs.
Au sujet de sa démission, M. Mallat a jugé qu’elle est parfaitement «naturelle, dans un pays démocratique», et que la prochaine nomination, par l’Assemblée nationale, d’un successeur, réglerait cet aspect des choses.
Il a toutefois révélé qu’il a démissionné parce qu’il a eu «l’impression que certains responsables au Liban ne sont pas conscients de la mission d’orientation salvatrice impartie aux Conseils constitutionnels dans le monde, mais souhaitent des conseils semblables à tous les autres, inféodés à leurs avis et à leur volonté».
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