BONN, 19 Mars (Reuter). — Des archives récemment découvertes montrent que l’Allemagne a commencé de se préparer à la Seconde Guerre mondiale dès 1925, soit dix ans avant que Hitler défie ouvertement le Traité de Versailles par un réarmement méthodique, rapporte l’hebdomadaire «Die Zeit».
Les plans allemands secrets retrouvés aux Archives nationales de Washington prévoyaient de porter les forces du pays, limitées à 100.000 hommes après la Première Guerre mondiale, aux 2,8 millions qui furent à la disposition du Führer nazi lorsqu’il envahit la Pologne en 1939, selon le magazine.
La structure même des troupes nazies — huit armées complètes, 102 divisions et 252 généraux — correspond au plan ordonné par le général de la Reichswehr Hans von Seeckt alors que Hitler était encore un simple harangueur de foules à Munich.
«Ce document est resté ignoré de nombreuses années au Pentagone», écrit «Die Zeit» dans un article consacré à cette découverte de Carl Dirks, ancien pilote de char de Nuremberg et historien amateur.
«Si l’accusation en avait eu connaissanc au procès de Nuremberg sur les crimes de guerre, l’état-major général allemand n’aurait probablement pas été acquitté mais inculpé de complot contre la paix», selon la revue.
La découverte de ce classeur oublié et rempli de projets d’armement porte un nouveau coup au mythe d’une Wehrmacht «propre» et professionnelle dévoyée par Hitler.
Une exposition de photos, dont l’ouverture fin février à Munich a suscité des incidents entre militants de gauche et néo-nazis, a montré que l’armée allemande a bien participé aux tueries de l’Holocauste aux côtés des SS tenus pour principaux responsables des massacres de civils sur le front de l’Est.
Dirks, qui aida Scotland Yard à traduire des documents nazis saisis par les Britanniques à la fin de la guerre, a trouvé le plan de réarmement en cherchant un livre, selon «Die Zeit».

Soupçons confirmés

Pour le magazine, il s’agit du «document clé» donnant raison aux historiens qui soupçonnaient de longue date que l’élite militaire allemande avait planifié sa revanche sur la défaite de 1918 bien avant que Hitler arrive au pouvoir en 1933 et procède à un réarmement systématique sans plus y mettre de formes.
Dans une note relative au plan et rédigée en 1960, Walter Bebschnitt, l’un des officiers qui le mirent au point, présente ces préparatifs de guerre comme «le plus secret des secrets», en précisant que ceux qui prenaient part avaient dû adopter de faux noms et faire serment de silence, rapporte «Die Zeit».
Le projet était centré sur la préparation des forces armées à la guerre plus que sur la définition du type de stratégie que l’Allemagne devait adopter pour effacer l’humiliation de Versailles et retrouver sa puissance en Europe.
Ses exigences financières étaient telles que la Reichswehr (nom porté par les forces armées entre 1919 et 1935) fut dotée à partir de la fin des années 1920 d’un budget secret, venant s’ajouter à ses ressources réglementaires.
Ce plan constituait, précise «Die Zeit», une réaction à l’occupation française et belge du bassin industriel de la Ruhr en 1923, et visait à préparer l’Allemagne au moment où elle serait en mesure de riposter.
Il stipulait que l’armée devait être prête à combattre à compter de 1935, au moment où les défenses françaises commenceraient à s’affaiblir en conséquence d’une baisse de natalité remontant au premier conflit mondial.
D’après «Die Zeit», Hitler se rallia entièrement au plan secret des généraux après son accession au pouvoir en 1933, y compris à son appel à une militarisation indirecte de la société allemande par la mise en œuvre de programmes sportifs de masse en vue d’une guerre totale.
Hitler enterra le Traité de Versailles en 1935, donna à la Reichswehr le nom de Wehrmacht et procéda ouvertement au programme de réarmement qui débouche sur la guerre quatre ans plus tard.
«Les généraux (…) ne perdirent jamais de vue leur objectif de grande armée, écrit «Die Zeit». Le décor était planté en 1925, il ne restait qu’à l’aménager.»