Quelque 57 personnes membres d’agences des Nations Unies et d’organisations humanitaires ont été évacuées par avion de Kisangani, capitale du Haut-Zaïre, vers Kinshasa. Selon Pascal Vignier, chef d’antanne de Médecins sans frontières à Kisangani, cette évacuation s’explique car «il n’y a plus de travail».
«On n’a plus de boulot», a-t-il dit, en relevant que le camp de réfugiés rwandais de Tingi-Tingi (250 km au sud-est de Kisangani) où travaillait la plupart du personnel rapatrié s’était «vidé». «Les réfugiés ont quitté leur camp depuis hier (vendredi), ils se sont dispersés».
De son côté, un médecin zaïrois travaillant pour l’UNICEF a indiqué que le mouvement de fuite des 120.000 à 160.000 réfugiés de Tingi-Tingi s’était produit après que des membres des anciennes Forces armées rwandaises (FAR) présentes dans le camp eurent indiqué à leurs compatriotes «qu’ils n’étaient pas en mesure de le défendre», au cas où des troupes rebelles voudraient s’en emparer.
Selon des sources proches du bureau des Nations Unies à Kinshasa, l’évacuation de Kisangani, décidée précipitamment, est «provisoire».
En effet, les agences de l’ONU et les ONG opérant depuis la capitale du Haut-Zaïre auraient l’intention d’adresser un mémorandum au gouvernement zaïrois pour faire le point sur leurs conditions de travail et leurs relations avec les autorités de Kinshasa.
«On doit remettre les choses en place (avec le gouvernement zaïrois)», a indiqué un responsable sous couvert de l’anonymat. Selon lui, «les sauf-conduits de certains de nos agents n’ont pas été renouvelés par les autorités zaïroises et l’armée nous a requisitionné un de nos avions, portant le logo des Nations Unies».
Sur le front, les rebelles sont désormais à 100 km à l’est de Kisangani et s’approchent du camp de Tingi-Tingi, a annoncé le département des Affaires humanitaires de l’ONU à Naïrobi.
Les rebelles ont fait des avancées significatives entre Isiro et Kisangani, place forte dans la région des Forces armées zaïroises (FAZ), affirme l’agence de l’ONU citant des sources de la région.
«Les forces de l’Alliance auraient atteint Bafwaboli — située à quelque 100 km à l’est de Kisangani», a ajouté l’agence. «La chute des villes de Bafwangbe et Bafwabogbo aux mains de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre a été confirmée», selon la même source.
Communiqué
En week-end, les belligérants ont à nouveau publié des communiqués contradictoires sur le sort de Kindu, préfecture de la région de Maniema (400 km au sud de Kisangani). L’ONU avait annoncé la prise de la ville par les rebelles.
Peu après à Goma (est), la radio des rebelles, «la voix du peuple», a annoncé à son tour la chute de la ville. «Nos troupes pourchassent dans les rues de Kindu les derniers soldats ennemis», a ajouté la radio, selon laquelle «il y a encore des combats sporadiques dans la ville (...) Des interahawmes (extrémistes hutus du Rwanda) blessés lors des récents combats ont été transférés à l’hôpital de Goma».
De son côté, le ministère zaïrois de la Défense a réaffirmé que Kindu est «toujours sous le contrôle» des FAZ.
«Les FAZ, selon un communiqué du ministère, ont reçu les renforts nécessaires pour progresser vers Kalima» (50-60 km au nord-est de Kindu), localité tombée aux mains des rebelles. Selon le communiqué, les FAZ contrôlent le pont de Elila, entre Kindu et Kalima. Le gouvernement zaïrois avait démenti la prise de Kindu.
Sur le plan diplomatique, la France a apporté son soutien au président Mobutu sese Seko pour le règlement de la crise. Le maréchal Mobutu est «incontestablement, aujourd’hui, la seule personnalité capable de contribuer à la solution du problème» de la garantie de l’intégrité territoriale du Zaïre, a estimé le ministre français des Affaires étrangères Hervé de Charette, dans un entretien au quotidien français «Le Monde».
Interrogé sur la tenue d’une conférence internationale sur le Zaïre, le chef de la diplomatie française a fait part d’une «convergence des analyses» américaines et françaises qui s’est manifestée lors d’une réunion il y a quelques jours à Paris de diplomates américains, français et européens.
«Cette réunion a marqué une convergence des analyses sur la base du respect de l’intégrité territoriale du Zaïre, l’absence de toute intervention des pays voisins en territoire zaïrois, l’organisation des élections au Zaïre et l’organisation de cette conférence», selon M. de Charette.
Pendant ce temps, les discussions préliminaires ouvertes il y a une dizaine de jours en Afrique du Sud pour préparer des négociations inter-zaïroises directes se sont poursuivies en week-end. L’envoyé spécial du président Mobutu, Honoré Ngbanda Nzambo, devait avoir de nouveaux entretiens.
Washington avait appelé «le gouvernement du Zaïre et (le chef des rebelles Laurent-Désiré) Kabila à éviter de nombreuses actions militaires dans les prochains jours qui mineraient les perspectives pour la paix et susciteraient de nouvelles souffrances et l’instabilité au Zaïre lui-même».
De son côté, l’envoyé spécial de l’ONU et l’OUA (Organisation de l’unité africaine) pour la région des Grands Lacs, Mohamed Sahnoun, a indiqué qu’un cessez-le-feu au Zaïre est «indispensable», à l’issue d’un entretien à Paris avec le secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan.
«Sans cessation des hostilités, il ne sera pas possible d’avoir accès aux personnes déplacées dans l’est du Zaïre, où une véritable tragédie a lieu», a indiqué M. Sahnoun à la presse, ajoutant: «cette tragédie pourrait même atteindre l’ampleur du drame humanitaire qui a eu lieu au Rwanda en avril 1994».
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