La plupart des écoles d’art françaises ont le même découpage pédagogique: un concours d’entrée au niveau bac puis cinq années d’études; avec deux voies de sorties: l’une après trois ans d’études (diplôme national d’art plastique); l’autre après cinq ans d’études (diplôme national supérieur d’expression plastique). Elles comprennent toutes trois grands départements: art, design et communication, et les étudiants se cantonnent à une seule de ces disciplines.
«Depuis 1992, l’école d’art de Cergy a entrepris de bousculer l’ensemble des contenus et des procédures pédagogiques», indique M. Partouche. «Elle a obtenu de la part du ministère de la Culture un statut expérimental, et a mis en place un projet pédagogique inédit en France, voire même en Europe».
L’idée consiste à abattre les cloisons entre les disciplines pour que les étudiants puissent y avoir librement accès. «Ce projet a pris corps à la fin des années 80, à un moment où tout le monde ressentait un relatif endormissement du monde artistique. Les artistes se sont peu à peu repliés sur leur propre pratique... Or une école d’art, c’est un lieu où s’éprouve une communauté artistique, où se côtoient, coexistent des danseurs, des peintres, des musiciens... Le corps professoral de l’ENAC a donc réfléchi sur le moyen de renouer ce type de relations».
«De plus, les enseignants se sont rendu compte que plus on spécialise un étudiant, moins il a des chances, une fois diplômé, de trouver un emploi. Au contraire, plus on lui donne une formation globale et plus on le forme à réfléchir sur son travail, à avoir une pratique multiple, à se confronter à différents outils et à aiguiser son sens critique, plus il a des possibilités d’emploi et mieux il réussit», souligne-t-il.
A Cergy, les options ont donc été supprimées. Autour des arts Plastiques («qui vont du silex à l’ordinateur»), de nouvelles disciplines ont été introduites: la danse, la musique, le cinéma et l’écriture, «pour mieux former les artistes», dit Marc Partouche, «car nous sommes convaincus que pour mieux savoir quelle sera la position de l’artiste dans le monde, il faut le mettre en rapport avec d’autres processus mentaux, d’autres univers de création». Organisées sous forme de studios (photo, vidéo, peinture...) ou d’ateliers de recherche et de création (ARC), ces disciplines sont ouvertes à tous les étudiants qui doivent obligatoirement s’y essayer.
«En début d’année», explique le directeur, «l’étudiant choisit et propose son programme de travail. Il signe un contrat définissant le minimum d’obligations à respecter et choisit quatre tuteurs qui seront chargés de suivre son travail. Chaque étudiant peut bien sûr préférer un outil bien précis. Il peut alors privilégier ce moyen d’expression mais sera quand-même obligé de passer par la totalité des studios et des ateliers».
Par ailleurs, les professeurs sont eux-mêmes amenés à sortir de leur «spécialité»: un professeur de peinture doit être capable d’évaluer l’ensemble des productions...
«L’ENAC favorise également l’enseignement individuel qui remplace peu à peu l’enseignement collectif», poursuit-il. «En effet, 40% du temps pédagogique global est réservé aux entretiens privés entre un étudiant et son tuteur».
Ainsi, à l’école de Cergy, les étudiants d’une même promotion peuvent présenter leur diplôme sous la forme d’un livre, d’un concert musical, d’un spectacle ou d’une toile. Leurs travaux sont soumis à un même jury (composé de cinq personnes désignées par le ministère de la Culture) et ils obtiennent tous le même diplôme général d’«artiste».
En choisissant de former des artistes «touche-à-tout», l’ENAC marque un progrès relativement paradoxal. Car c’est bien ce mode de formation qui avait permis, au quatrocentto, la fabuleuse explosion de la Renaissance. Les Michel-Ange et autres Léonard...
N. S.
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