«Nous avons été un peu rassurés par le bombardement de Bukavu par l’aviation zaïroise, mais la menace est toujours là», déclare Innocent Seruntaga, responsable de ce camp qui abrite des réfugiés rwandais hutus ayant fui l’est du Kivu à la fin de l’année dernière, au moment où la rébellion tutsie de Laurent-Désiré Kabila marquait des points.
Installé sur un terrain forestier d’un peu plus de trois kilomètres de long sur à peine un de large, ce camp avait été promis à une existence provisoire, lors de sa création début décembre dans l’ouest du Kivu. Un de plus. Pas question de nouveaux camps de réfugiés rwandais au Zaïre, affirmait il n’y a pas encore si longtemps le gouvernement de Kinshasa.
Force est de constater que la vie s’organise à Tingi Tingi, au cas où la guerre s’enliserait.
Si cela continue, les maisons de bois et de bambou seront aussi nombreuses que les abris de fortune construits avec les célèbres bâches bleues des organisations internationales.
Le commerce aussi prend forme. Salons de coiffure, restaurants et petites épiceries s’installent. Modestes, mais bien visibles. Un marché propose même parfois de la viande de chèvre, à un prix prohibitif pour la majorité des habitants. La plupart doivent se contenter de l’aide humanitaire internationale acheminée essentiellement par avion et par la route depuis Kisangani, à 250 kilomètres au nord-ouest.
Sous la houlette de l’organisation non gouvernementale (ONG) Atlas, 89 véhicules sont arrivés ces derniers jours, transportant 420 tonnes de nourriture. Une manne bienvenue pour certaines ONG qui voyaient leurs stocks de vivres diminuer dangereusement.
Les organisations
humanitaires
Toutes les grandes organisations humanitaires sont présentes à Tingi Tingi et tentent, chaque jour, de sauver des vies humaines dans des conditions difficiles.
Caritas, par exemple, nourrit quotidiennement environ 20.000 personnes, qui reçoivent par ailleurs d’autres rations, mais insuffisantes. Caritas distribue des bouillies enrichies, représentant quelque 600 kg/calories, aux enfants et aux adultes, extrêmement disciplinés et dignes.
Grâce aux approvisionnements du Programme alimentaire mondial (PAM) et aux compléments fournis par les ONG, la plupart des réfugiés ne sont pas dans un état de santé alarmant.
«Nous sommes quand même toujours sur la corde raide et certains enfants vont très mal», indique sœur Edith, membre de Caritas.
Les centres thérapeutiques de Médecins sans frontières (MSF) et d’Action internationale contre la faim (AICF) dévoilent effectivement de terribles scènes de souffrance, au milieu des pleurs et des gémissements. Les enfants et les nourrissons sont les plus touchés.
«Malnutrition, pneumonies, déshydratation, les petits sont très atteints. Il ne faut pas que l’aide diminue car nous sommes limités en médicaments et en équipements», explique Dativa, une Rwandaise qui travaille pour MSF.
A côté de la tente MSF pour les enfants malades, se trouve celle des hommes. Là, le personnel est moins bavard. Certains blessés sont plâtrés et d’autres ont apparemment été victimes de blessures à l’arme blanche.
Officiellement, ils se sont battus avec des paysans zaïrois en tentant de voler des récoltes. Sitôt posée la question sur la présence dans le camp de milliers de soldats hutus des ex-Forces armées rwandaises (FAR), les visages se figent.
Les ex-FAR, responsables du génocide contre les Tutsis au Rwanda en 1994, se battent aujourd’hui aux côtés de l’armée zaïroise.
Seraient-ils prêts à se battre pour défendre la population en cas d’attaque du camp, convoité par les hommes de Kabila, ou pourraient-ils au contraire se servir des réfugiés comme bouclier humain? Les habitants de Tingi Tingi, qui vivent dans la crainte, préfèrent ne pas penser à un scénario catastrophe.
Jean-Pierre, un jeune Rwandais d’AICF, ne se fait guère d’illusion: «Si les rebelles arrivent, Dieu seul pourra nous venir en aide», lâche-t-il avant de poursuivre une distribution de bouillie à des enfants impatients.
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