L’adoption mardi par le Parlement d’une «loi spéciale», reconnaissant que la coalition Ensemble a remporté quatorze des 18 principales villes du pays, a été rapidement suivie de l’apparition de fissures dans l’édifice constitué par le Parti démocrate (DS) de Zoran Djindjic, le Mouvement serbe de renouveau (SPO) du romancier Vuk Draskovic et l’Alliance civique (GSS) de Vesna Pesic.
Alors que les commissions électorales commençaient à peine à valider les résultats, notamment dans la capitale, le SPO a fait savoir que la désignation de Zoran Djindjic au poste de maire de Belgrade, donnée pour acquise, n’allait plus de soi.
Le parti de Vuk Draskovic compte échanger son feu vert pour la mairie de la capitale contre la signature d’un accord de répartition des candidatures pour les élections présidentielle et législatives, prévues avant la fin de l’année.
«Il n’y a pas de problème dans la coalition, a assuré M. Draskovic. Nous sommes simplement en retard pour la signature de l’accord sur la répartition des fonctions».
Le projet soumis par le parti de Vuk Draskovic, à grand renfort de publicité, prévoit que le SPO désignera le candidat à l’élection présidentielle, le DS au poste de premier ministre et l’Alliance civique à celui de président du Parlement.
Mais selon des sources concordantes citées dans les médias indépendants, le DS s’est discrètement mis en quête d’un autre candidat à la présidence. Il n’est donc pas pressé d’entériner la répartition des rôles proposée par son allié.
«Nous avons entendu dire que M. Draskovic voulait que les dirigeants de Zajedno (Ensemble) signent un contrat désignant le candidat à la présidentielle», a expliqué d’un air candide Zoran Djindjic.
«Il y a un temps pour tout. Nous ne pouvons passer un accord sur ce qui va se passer dans l’année à venir. Il ne faut pas rendre publiques des choses sur lesquelles il ne peut y avoir accord. Cette méthode est très mauvaise et peut nuire à la crédibilité de la coalition».
«Certains parmi nous rendent publics des problèmes que nous pouvons résoudre entre nous, a-t-il regretté. Probablement en espérant obtenir davantage».
M. Djindjic est conscient du danger d’éclatement qui guette la coalition: «Sans elle, au stade actuel, nous serions livrés à la merci du régime. Si nous nous séparons, nous serons une proie facile», a-t-il dit à la radio B-92.
Vesna Pesic, sociologue reconnue, est la «conscience» de la coalition. Pour n’avoir jamais succombé (contrairement à ses deux associés) aux sirènes du nationalisme et avoir toujours condamné la guerre en Bosnie, elle a été proposée cette année pour le prix Nobel de la paix par le Bureau international de la paix de Genève.
«Il serait très mauvais que la coalition éclate à propos du partage de fonctions, car nous avons un objectif qui va bien au-delà des municipales: démocratiser le pays», a-t-elle regretté.
A moins d’une semaine de la première réunion du Conseil municipal de Belgrade, dans lequel l’opposition disposera d’une majorité de 67 sièges sur 110, les tractations en coulisses vont donc se poursuivre au sein de la coalition.
La perspective concrète d’une alternance à court terme, renforcée par l’ampleur de la victoire aux municipales et l’idéniable affaiblissement du président Slobodan Milosevic, aiguise les appétits et accroît l’impatience.
«Pourtant, il faut qu’ils prennent garde, a expliqué un diplomate occidental. Je suis persuadé que le ciment du mouvement est davantage le rejet de Milosevic que l’adhésion enthousiaste à l’opposition».
Le mois dernier, observant de la tribune la foule qui acclamait leur trio, Zoran Djindjic a soupiré: «Ces gens se retourneront immédiatement contre nous si nous nous séparons».
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