«C’est un choc», déclare Mahmoud Amine al-Alem, écrivain de renom et rédacteur en chef du trimestriel Al-Kadaya al-Fikriya (Questions d’idéologie). «Les femmes d’aujourd’hui font voler des avions, combattent dans les guerres et pour les respecter, nous devons reconnaître qu’elles sont les égales des hommes en tout, petites ou grandes affaires», dit-il.
Le mufti d’Egypte, cheikh Nasr Farid Wassel, nommé par le gouvernement et dont les déclarations ou fatwas sont des décrets religieux, avait estimé mardi, lors d’une réunion publique, que les femmes ne devaient pas postuler à des postes de responsabilité au gouvernement.
«Si une femme demandait à accéder à un poste haut placé dans le gouvernement, elle agirait contre sa nature parce que de tels emplois demandent de la fermeté alors que sa nature est caractérisée par la clémence, la tendresse et la féminité», avait affirmé.
M. Alem n’est pas d’accord: «Dire qu’une femme est tendre sert à dissimuler l’idée selon laquelle les femmes sont inférieures aux hommes».
Mme Amina Chafic, membre du conseil du syndicat des journalistes, trouve que le mufti fait peu de cas des décisions prises quotidiennement par les mères ou les femmes qui travaillent, dans les bureaux ou dans les champs.
«Après tant d’années, comment le mufti peut-il dire des choses pareilles», s’exclame cette figure du journalisme féminin, ancienne correspondante de guerre qui s’était déguisée pour aller au front durant la crise de Suez en 1956.
Elle rappelle qu’un célèbre procès politique avait été gagné par l’une des premières femmes avocates, Naima al-Ayoubi, il y a plus de 60 ans.
Pour Mme Farida Naccache, secrétaire de l’Union des femmes de progrès, la remarque du mufti est «obsolète» et il devrait peser ses mots.
«Il doit être très prudent car les gens écoutent ses prises de position, perçues comme des fatwas. Il ne doit pas se mettre à dos la moitié de la société», souligne-t-elle.
L’influence du
conservatisme
Rappelant que des milliers de femmes travaillent dans l’industrie textile et «souffrent de problèmes de santé» liés à l’usage de produits chimiques, elle s’interroge: «Où est leur féminité? Est-ce que les femmes peuvent utiliser leurs muscles au travail mais pas leur esprit et leur intelligence».
«Sa Sainteté le mufti subit l’influence du conservatisme ennemi des femmes, en hausse depuis l’émergence des mouvements islamistes politiques (...) pour lesquels la femme est une handicapée», estime-t-elle.
Le mufti doit plutôt, selon elle, aider la société à entrer dans le 21e siècle. Elle appelle à «une lecture moderne des textes religieux pour effacer les contradictions qui ont surgi» avec des concepts religieux forgés dans d’autres siècles.
Pour Ingy Rouchdy, conseillère du rédacteur en chef chargée des affaires diplomatiques au quotidien gouvernemental Al-Ahram, l’opinion du mufti est «dépassée».
«Nous sommes à l’âge de l’informatique où la force physique n’est plus nécessaire. De telles déclarations nous ramènent des dizaines d’années en arrière et marginalisent le rôle des femmes», estime-t-elle. «Elles vont aujourd’hui dans l’espace, deviennent secrétaire d’Etat et premier ministre même dans des pays islamiques» comme le Pakistan ou le Bangladesh.
Trois femmes occupent des postes ministériels en Egypte — Economie, Recherche scientifique et Assurances - où la société est traditionnellement dominée par les hommes et où la loi oblige les femmes à avoir le consentement de leurs maris pour voyager à l’étranger.
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