«La Syrie, indique le ministre, dispose de bons arguments en ce qui concerne les mesures de sécurité à mettre en place ultérieurement au Golan. Elle peut en effet rafraîchir aimablement la mémoire des médiateurs américains en leur rappelant qu’en 1994, après le fiasco des pourparlers militaires entre chefs d’état-major, ils avaient eux-mêmes établi un document de travail fixant les mécanismes de négociation entre professionnels au sujet du dispositif de sécurité frontalier. Une pièce U.S. extrêmement importante car elle consacre le principe de la parfaite parité et de la réciprocité sécuritaire des deux côtés. En clair, Washington admet qu’on ne peut laisser les Israéliens masser des troupes à deux kilomètres de la frontière alors que les premières lignes syriennes se trouveraient à quarante kilomètres, ou inversement. La distance, mais aussi le genre de matériel et le volume des effectifs comme des armements doivent être identiques. Quant au problème du no man’s land, de l’espace-tampon démilitarisé, le Israéliens avaient commencé par exiger que l’armée syrienne ne s’avance pas plus loin que l’entrée sud de Damas, ce que les Syriens avaient refusé en notant qu’une telle mesure reviendrait à ouvrir une avenue devant les Israéliens si jamais ils voulaient percer jusqu’à la capitale syrienne. De même les Syriens avaient fait valoir que l’évaluation des forces en présence devait tenir compte de la qualité de l’armement et de la technologie plus que de la quantité de soldats».
«Reste rappelle l’officiel libanais. la question des stations de préalerte qu’Israël veut conserver sur les hauteurs du Golan. La délégation syrienne a objecté qu’il y aurait là une violation intolérable de souveraineté, un nid d’espionnage installé en plein territoire syrien. Elle a ajouté que la revendication est d’autant moins recevable que rien ne la justifie sur le plan technique, l’observation et la surveillance par les satellites israélo-américains étant mille fois plus efficaces que les radars au sol».
Equation
«Toujours est-il, poursuit la même source locale, que Netanyahu va sans doute remettre sur le tapis (si jamais il devait enfin se faire à l’idée d’une restitution du Golan) la question des rapports de force militaires, s’enquérir en détail de ce que les Syriens sont prêts ou non à accepter dans ce domaine et demander aussi quelles seraient les servitudes que la paix imposerait aux parties en présence. Ce dossier, qui se résume à l’équation connue «normalisation complète moyennant retrait total», a déjà été abordé durant les pourparlers du Maryland. Les Syriens ont clairement indiqué qu’on ne peut décréter ex abrupto la normalisation des relations, que cela ne se fait pas en appuyant sur un bouton ou d’un coup de baguette magique car il s’agit d’amener des peuples ancrés dans une hostilité ancestrale à s’ouvrir les uns sur les autres, à se reconnaître et à s’accepter, entreprise de longue haleine. Un point de vue qu’illustre d’ailleurs de manière éclatante l’exemple de l’Egype dont le peuple, dix-neuf ans après Camp David, ne fraye toujours pas avec les Israéliens. Un clivage qui a naturellement des effets économiques déterminés puisque les échanges commerciaux restent ainsi limités. Mais passant outre aux considérations psychologiques, pour essentielles qu’elles soient, les Israéliens ont insisté en réclamant que frontières et marchés soient ouverts complètement une fois la paix conclue. La délégation syrienne a répliqué qu’il n’est pas question de laisser les marchandises israéliennes inonder leur marché, en soulignant que la protection d’une production nationale est un droit si légitime que tous les pays l’appliquent même à l’égard de leurs alliés ou amis».
Le Sud
«En ce qui nous concerne, ajoute le ministre, nous rejetons la proposition israélienne qui, à travers la priorité octroyée au volet sécuritaire, cherche à nous obliger à mettre le Hezbollah au pas, en neutralisant toute action armée au Sud. En effet la résistance est un droit légitime, reconnu par la charte des Nations Unies et, avec le soutien total de la Syrie, nous ne sommes nullement disposés à y renoncer. Pour notre part nous restons attachés à la 425 et tout ce que nous pouvons concéder c’est que l’on discute simultanément du retrait israélien et des mesures de sécurité à prévoir pour la suite à la frontière. On ferait ainsi aller de pair la paix et la sécurité, qui ne sont d’ailleurs antinomiques que dans l’optique de Netanyahu».
Pour l’heure, le responsable libanais craint que les Etats-Unis ne veuillent faire reprendre les pourparlers que pour sauver la face, faire croire que le processus est en marche alors qu’il resterait bloqué en fait par l’obstructionnisme flagrant du Likoud au pouvoir en Israël. Les choses traîneraient ainsi, dans un statu quo pourri, jusqu’aux prochaines législatives israéliennes qui coïncideront en principe avec la fin de l’ère Clinton et ensuite, advienne que pourra…
Lourdes perspectives
Entre-temps y aurait-il risque de guerre ou de frappes chirurgicales destinées à imposer à la Syrie une paix aux conditions israéliennes? Que feraient en cas de conflit armé les U.S.A., l’Europe, les pays arabes et islamiques?
Le ministre libanais répond que «l’Etat hébreu, on le sait, garde la suprématie dans le domaine militaire et il est sans doute capable de tenir tête à tous les pays arabes réunis. Il dispose de l’arme atomique, d’un armement conventionnel ultra-sophistiqué et d’une technologie électronique ou informatique de pointe, puisée chez les Américains. Mais fidèle à une tactique médiatique éprouvée qui lui a toujours valu la sympathie d’un Occident autoculpabilisé par l’holocauste 39-45, Israël continue à se poser en victime potentielle des Arabes, à prétendre qu’il se sent particulièrement menacé par la Syrie. Cela lui permet tout à la fois de se fournir autant qu’il veut en armes et à faire obstacle à l’armement de la Syrie, via le soutien des Américains, comme on l’a vu dernièrement pour les tanks évolués que Damas veut se procurer en Afrique du Sud, ce qui a fait pousser les hauts cris à Washington qui a menacé un Mandela indigné de lui couper les vivres s’il signait un tel contrat. La hausse percutante des dépenses militaires israéliennes, l’obstination de Netanyahu à déployer les implantations de colonies juives, son exigence de négocier sans conditions préalables sont autant de preuves qu’il ne songe pas à une paix qui l’obligerait à rendre le Golan. Le risque de confrontation militaire à terme reste donc très réel. Il faut dès lors que la solidarité arabe joue à plein et un sommet arabe pour parcer à toute éventualité est une nécessité» conclut ce ministre qui est sans doute aussi un poète qui s’ignore…
E.K.
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