Ce sera le seul moyen pour lui d’obtenir le rééchelonnement de la lourde dette extérieure du pays, estiment aujourd’hui économistes irakiens et organisations internationales.
Le diagnostic précis de l’économie irakienne est très difficile à établir. Les statistiques officielles n’existent quasiment plus. Selon le professeur Humam Al-Shama’a, qui enseigne les finances publiques à Bagdad, et des sources occidentales concordantes, le PIB de l’Irak a été divisé par cinq depuis la guerre du Golfe. Il est passé de l’équivalent de 60 milliards de dollars en 1989 à environ 12 milliards de dollars aujourd’hui.
L’inflation galopante a entraîné l’ancienne classe moyenne irakienne (estimée à 1/3 de la population) dans la misère. Le dinar irakien valait 3 dollars américains avant la guerre. Il faut aujourd’hui 1.200 dinars pour un dollar. L’an dernier, le cours est même monté jusqu’à 3.000 dinars.
Les exportations pétrolières qui représentaient avant la guerre du Golfe 98% des exportations de l’Irak ont été presque totalement interdites pendant six ans, faisant perdre au pays près de 150 milliards de dollars de recettes, selon Bagdad. Aujourd’hui, l’Irak ne peut exporter que pour 2 mds de dollars par semestre pour couvrir ses besoins les plus pressants (vivres et médicaments).
L’industrie, que l’Irak avait commencé à développer avant la guerre, ne tourne qu’à 10% de sa capacité, selon le professeur Al-Shama’a. Des usines ont été détruites mais surtout, pièces de rechange et matières premières manquent cruellement en raison de l’embargo.
Quant à l’agriculture, privée d’engrais et de pesticides, elle est en déclin, malgré les besoins de la population. Selon la FAO, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, la production aurait encore reculé de 30% en 1996 par rapport à 1995. Lorsque l’embargo sera levé, l’Irak pourra à nouveau encaisser de confortables recettes pétrolières et compte bien augmenter sa capacité de production. Mais le pays continuera à porter un fardeau terrible: une dette extérieure estimée à environ 70 milliards de dollars, six fois son PIB actuel. Saddam Hussein n’aura pas le choix, souligne un haut fonctionnaire d’une organisation internationale: il lui faudra passer sous les fourches caudines du Fonds monétaire international, seul moyen pour obtenir un rééchelonnement de dettes de la part de ses créanciers publics et privés et avoir de nouveau accès à des emprunts.
En d’autres termes, le président irakien devra accepter de négocier un programme économique à moyen terme avec une organisation où les grands pays occidentaux, ses anciens ennemis, sont puissants.
Le gouvernement devra aussi accepter d’abandonner une partie de la mainmise qu’il exerce sur l’économie du pays et donner au privé une place qu’il n’avait pas avant la guerre. Une place qu’il est d’ailleurs en train de conquérir à la faveur de l’embargo: c’est le secteur privé qui organise aujourd’hui l’essentiel du trafic qui permet à l’Irak de se procurer, via la Jordanie, la Turquie, l’Iran et Dubaï, les marchandises dont l’embargo le prive.
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