Un revirement spectaculaire après un bras de fer de huit semaines, la commission électorale de Belgrade contrôlée par le parti socialiste (SPS) au pouvoir a fini par admettre que la coalition d’opposition «Ensemble» avait bien remporté les élections municipales du 17 novembre.
Elle a attribué 60 sièges sur les 110 du conseil municipal à «Ensemble», contre 23 au SPS. Sans donner d’explication sur son revirement, la commission a accepté de se déjuger puisque, le 8 décembre, elle avait donné 66 sièges au SPS et seulement 32 à la coalition «Ensemble».
Au même moment, l’opposition annonçait que sa victoire avait été également reconnue à Nis (sud), la deuxième ville de Serbie.
Vuk Draskovic, un des leaders de l’opposition, a salué ces décisions «comme un pas important vers un retour à la raison» de la part du président Milosevic.
Mais il a demandé à ses partisans de ne pas crier victoire trop tôt et averti que les manifestations continueraient jusqu’à la reconnaissance des victoires de l’opposition dans les 14 villes de Serbie qu’elle revendique.
Un autre dirigeant de l’opposition en visite à Paris, Mme Vesna Pesic, a également indiqué que les manifestations «dureront tant que nous ne serons pas sûrs que tout a été officiellement accepté et proclamé».
Vuk Draskovic a aussi prévenu qu’il fallait «attendre pendant deux ou trois jours la réaction» du SPS et des tribunaux, le SPS gardant la possibilité de contester devant la justice les décisions des commissions électorales.
Le contrôle de Belgrade est un enjeu essentiel car la municipalité est un levier important de pouvoir, qui pourrait permettre aux adversaires du régime d’enfoncer un coin dans le monopole de l’Etat sur les médias. La municipalité a notamment la haute main sur la radio et la télévision Studio B.
Le conseil municipal de la capitale — qui avec deux millions d’habitants regroupe un cinquième de la population de Serbie — est resté pendant 50 ans sous la coupe du parti au pouvoir, d’abord communiste puis socialiste.
Le pouvoir serbe a cédé au moment où l’opposition venait de démontrer que la détermination de ses troupes était intacte après 57 jours de mobilisation ininterrompue.
L’ivresse du bonheur
Dans la nuit de lundi à mardi, une foule record d’au moins 300.000 personnes est descendue dans les rues pour célébrer le Nouvel An orthodoxe. A l’appel de l’opposition, la capitale a vécu une nuit de folie, que certains de ses habitants qualifiaient mardi de «plus grande fête de l’histoire de la Serbie».
Dans le vacarme assourdissant des sifflets, des cornes de brume et des pétards, de vieilles dames endimanchées et des familles entières côtoyaient de nombreux étudiants ivres de bonheur et de vodka.
Mais hier après-midi, aucune manifestation de joie n’était perceptible dans les rues de Belgrade, les sympathisants de l’opposition s’en tenant visiblement aux conseils de vigilance de M. Draskovic.
Celui-ci a aussi rappelé que, une fois les résultats des municipales établis, l’opposition souhaitait entamer rapidement un dialogue avec le pouvoir «sur les conditions nécessaires à une vie démocratique en Serbie».
Les victoires de l’opposition n’ont toujours pas été reconnues dans 7 des 14 villes qu’elle affirme avoir gagnées.
Ces victoires avaient été confirmées fin décembre par une mission de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), appelée à venir enquêter par M. Misolevic lui-même.
Depuis, la communauté internationale, Etats-Unis en tête, a multiplié les pressions sur le président serbe pour qu’il accepte les recommandations de l’OSCE.
Le département d’Etat américain avait indiqué lundi qu’il souhaitait encore «accroître la pression» sur M. Milosevic pour lui montrer «qu’il y a un prix à payer».
Le ministre grec des Affaires étrangères Theodore Pangalos, reçu dimanche par le président serbe, avait assuré hier que M. Milosevic «cherchait une solution à la crise». «Il comprend qu’il a mal géré la question des élections municipales», a-t-il dit.
De son côté, l’OSCE a annoncé qu’elle allait à nouveau débattre jeudi à Vienne de la situation en Serbie après la reconnaissance de la victoire de l’opposition à Belgrade.
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