Autrefois fleuron du régime communiste, bénéficiant de tous les efforts de la société soviétique, l’ex-Armée rouge est devenue en quelques années un grand corps malade, incapable, selon les experts, de remplir sa mission de défense du pays.
Elle cumule aujourd’hui les problèmes sociaux, matériels et militaires.
Les salaires des personnels civils du complexe militaro-industriel et les soldes des officiers sont impayés depuis plusieurs mois. La dette du budget fédéral au titre des seuls salaires se monte à un milliard de dollars. Plus de 110.000 officiers et leurs familles n’ont pas de logement, selon des chiffres officiels.
Plusieurs journaux russes rapportaient récemment que les besoins financiers du ministère de la Défense pour les salaires des forces armées en juillet n’ont été satisfaits qu’à hauteur de 4,4%. En août, le ministère n’a rien reçu du tout.
Le ministère de la Défense vient d’annoncer que les suicides d’officiers étaient en forte augmentation, avec plus de 120 cas depuis le début de l’année (plus 26% par rapport à l’an dernier à la même époque).
Le maintien des capacités militaires n’a pas résisté non plus aux soubresauts qui ont accompagné la chute de l’URSS. Certains hélicoptères lourds de transport de troupes, assure un militaire sous couvert de l’anonymat, volent depuis des mois avec des pales qui ne répondent plus depuis longtemps aux minima requis en matière de sécurité.
«L’usine de pales se trouvait en Pologne, elle a fermé et plus personne n’en fabrique», assure cet officier: «Quant à acheter de nouveaux hélicoptères, la Russie n’en a pas les moyens».
Les pilotes de chasse
injoignables
Les entraînements des soldats sont réduits ou supprimés par manque de moyens financiers. Le général Nikolaï Bezborodov, vice-président de la commission de la Défense à la Douma (Chambre basse du Parlement), affirmait en début d’année que «l’armée ne s’était pas entraînée depuis quatre ans».
Toutes les armes sont logées à la même enseigne. Le commandant en second de la Flotte du Pacifique, Valeri Tchirkov, vient d’annoncer que les travaux de maintenance des navires seraient limités aux «seules opérations absolument vitales» pendant l’hiver. La Flotte du Pacifique n’a reçu que 28,6 milliards de roubles (5,5 millions de dollars) sur les 110 milliards (22 millions de dollars) nécessaires à l’hivernage.
Militairement, l’armée russe n’a plus rien à voir avec la machine de guerre soviétique qui fit trembler l’Occident pendant des décennies.
Au Kamtchatka, en Extrême-Orient russe, des pilotes de chasse censés effectuer des permanences d’alerte restent généralement injoignables, racontait récemment le quotidien Izvestia, simplement parce qu’ils travaillent au noir, dans le civil, pour gagner de quoi manger.
La défaite de Tchétchénie, face à une poignée de rebelles déterminés, a fait éclater au grand jour l’impuissance de l’armée. Dès le début de la guerre à l’hiver 1994-1995, on y a vu des soldats mal nourris, mal vêtus, revendant leurs armes aux Tchétchènes pour quelques dollars, mendiant cigarettes et vodka auprès de la population civile.
Un général russe de Tchétchénie avait même admis que le ministère de la Défense était parfois obligé de puiser dans les réserves «intangibles» théoriquement stockées en cas de guerre «nationale», pour nourrir les troupes.
La crise matérielle s’est accompagnée d’une profonde crise morale. L’armée, qui fut autrefois un corps populaire et prestigieux, fait désormais peur. Une grande majorité de jeunes refusent de répondre à l’appel ou désertent pour échapper à la «diédovchtchina», le redoutable et souvent cruel bizutage, qui dégénère parfois en viol ou en meurtre.
Tous les ans, selon le Comité des Mères de soldats, «10.000 soldats meurent pendant leur service» —Les chiffres officiels pour 1995 parlaient de 2.600 appelés morts en service.
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