Baptisé officiellement «Metrobus», sa silhouette montrant deux bosses surmontant les axes des roues a valu aussitôt son surnom populaire à ce mode de transport en commun né de l’imagination fertile des techniciens cubains. La compagnie des transports urbains a d’ailleurs repris l’appellation de la rue en guise de logotype pour estampiller l’animal.
Le nom de l’inventeur du «chameau» n’a pas été conservé pour la postérité: c’est la nécessité qui l’a fait naître en avril 1993. Les Havanais s’agglutinaient alors aux arrêts de bus dans l’attente d’une improbable «guagua» (autobus) dans les rues désespérément vides et écrasées de soleil.
Le «chameau» est en fait une énorme remorque de 30 mètres de long, percée de fenêtres, et tirée par un tracteur de camion. L’engin peut transporter ainsi près de 300 passagers dans le confort approximatif d’une bétaillère.
Les pénuries de la «période spéciale» frappaient à l’époque de plein fouet Cuba, «lâchée» par les pays de l’ancien camp socialiste européen.
Les responsables des transports à La Havane s’inspirèrent alors des cités dotées d’un métro pour tracer le plan de sept lignes de «Metrobus». Celles-ci sont complétées par 103 lignes desservies par les «guaguas» acceptant encore de rouler dans un nuage malodorant de fumée d’échappement.
La verve des Havanais a fait comparer un trajet en «chameau» au «film du samedi soir» de la télévision qui signale, en avertissement aux familles, qu’il comporte des «scènes de violence, de sexe» et que ses personnages y emploient un langage peu châtié.
Pour que la comparaison soit parfaite, il faut encore imaginer une séance de ce cinéma derrière une tôle chauffée à blanc par le soleil et dans les odeurs d’honnêtes travailleurs rentrant après une dure journée de labeur.
A ce compte, chacun peut aisément s’identifier au héros d’un film d’aventure, errant dans les bas-fonds d’une métropole imaginaire.
Mais la star est sans conteste le «chameau»: un monstre qui, comme dans certaines productions hollywoodiennes, sait aussi faire valoir ses bons côtés.
En dépit de leur nombre bien inférieur à celui des autobus traditionnels, ces engins ont assuré en 1996 environ 22% des déplacements urbains à La Havane et y ont pris en charge 44% des passagers de transport en commun.
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